Mali : le défi de l’ère

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Instruire et mettre utilement au travail ses enfants est incontestablement le défi crucial de l’ère pour le Mali.

Les politiques d’éducation élaborées depuis l’avènement de la démocratie (programmes décennaux de développement de l’éducation, PRODEC :1998-2008 et PRODEC 2 : 2019-2028)et incorrectement mises en œuvre jusqu’ici par les autorités maliennes semblent avoir été des intentions infécondes.

Les raisons de leur échec sont multiples, mais on peut en retenir entre autres :

  • La gouvernance calamiteuse de l’éducation nationale ;
  • le déclin de la qualité des enseignements dispensés ;
  • les pratiques de corruptions avec son corolaire de laxisme ;
  • le faible niveau d’investissement dans les infrastructures scolaires et universitaires ;
  • l’effritement des valeurs morales et éthiques des acteurs de l’éducation ;
  • l’obsolescence du système d’éducatif, etc…

La question de l’éducation a déjà fait l’objet d’un diagnostic complet à travers différents fora et études ; et les conclusions et recommandations de ces réflexions semblent opter pour un entretien plutôt qu’une refonte du système éducatif dans son ensemble.

Cette façon de procéder, l’entretien du système éducatif, semble ne pas être en adéquation avec les réalités de l’évolution du monde actuel et futur.

En effet, force est de constater qu’au bout de sa formation, l’enfant n’ayant appris que dans le système éducatif malien, est de loin apte à dominer son environnement pour exploiter les ressources de ce dernier au profit de sa réalisation (son développement). Assez souvent, il quitte le système avant d’obtenir un diplôme de maîtrise ou de master. S’il arrive au bout, il se retrouve sur le marché de l’emploi avec un décalage de compétences, le faisant basculer de programme de stage en stage pendant au moins un (1) an voire deux (2) ans. Il s’intègre difficilement dans le marché de l’emploi, et parfois se retrouve au chômage pour bien longtemps.

L’explication de cette contradiction se trouve dans ce refrain inexpliqué, parce qu’incomprise : « l’inadéquation entre la formation et l’emploi ».

L’inadéquation entre la formation et l’emploi signifie tout simplement que l’apprenant (l’étudiant) n’a pas été appris à « l’acquisition, l’organisation et l’utilisation du savoir ». c’est là, la cause première de l’échec du système éducatif malien.

A mon sens, pour instruire et mettre utilement la jeunesse malienne au travail, il convient de lui apprendre l’acquisition, l’organisation et l’utilisation du savoir pour résoudre les défis auxquels la nation malienne est fondamentalement confrontée, et par extension le monde actuel.

Comment atteindre cette finalité ultime de l’enseignement ?

Pour être pleinement souverain, autonome et passer d’une société de consommation à une société de production, nous devons restructurer, voire réformer notre système d’enseignement en mettant l’accent sur les points suivants.

  1. Réformer la gouvernance de l’éducation nationale

La finalité recherchée dans l’éducation des enfants ne pourrait être atteinte que quand nous acceptons de renforcer voire reformer la gouvernance du secteur de l’éducation.Il s’agit entre autres de :

  • soumettre le Ministère de l’Education (y compris les Ministères dérivés) à un contrat de performance sur une période convenue ; et évaluer au fur et à mesure de l’exécution de ce contrat le degré d’avancement ou de réalisation ; et prendre des actions correctives qui s’imposent ;
  • enrailler les pratiques de corruption dans le secteur de l’éducation par une justice forte et non complaisante ;
  • renforcer le contrôle des structures d’enseignement privées et publiques ;
  • indexer l’avancement des enseignements sur la qualité de leur enseignements et production intellectuelle (pédagogie, livres ; recherches…) ;
  • considérer tout autre critère pertinent qui permet de servir la finalité redéfinie de l’éducation.

 

  1. La refonte des programmes d’enseignement

La refonte des programmes d’enseignement est l’exigence de taille qu’il faut satisfaire pour orienter l’éducation dans le sens d’accorder à l’élève ou l’étudiant une compétence pratique qui puisse lui servir dans son avenir.

Il convient d’entendre par refonte de l’enseignement la nécessité d’articuler le système d’enseignement autour du concept de « l’acquisition, l’organisation et l’utilisation de connaissances pratiques » pour résoudre les problèmes auxquels l’homme est confronté dans son existence, par extension sa nation et le monde.

Cette refonte impose de mettre l’accent sur certains domaines d’enseignement pour recadrer les politiques d’éducation avec les réalités du moment et du futur. Il s’agit entre autres de :

  • la philosophie, pour apprendre à l’enfant l’esprit critique ;
  • la science, pour apprendre à l’enfant la production d’objets qui nous facilitent la vie ;
  • l’histoire, pour apprendre à l’enfant d’où il vient et sa responsabilité face à l’histoire ;
  • la religion, pour donner un sens à la vie de l’enfant ;
  • et l’art, pour stimuler l’imagination et la créativité de l’enfant.

Les programmes d’enseignements doivent ainsi être adaptés prioritairement à nos réalités et besoins pour que les étudiants qui les pratiquent puissent au bout de leur formation être utiles pour la société.

  1. L’évaluation, le choix et le renforcement des capacités des enseignants

La qualité de l’éducation dépend fondamentalement de l’enseignant. L’enseignant qui a une pédagogie pauvre et qui ne maîtrise pas la matière qu’il enseigne sème des « crottes » dans le cerveau de ses élèves.

Les enseignants doivent nécessairement être recrutés sur la base de leurs connaissances et capacité à les transmettre à autrui, et non sur une base d’affinité ou de complément d’effectifs. Ainsi, il est urgent que l’autorité compétente procède à une évaluation complète de l’ensemble des enseignants, du niveau préscolaire au niveau universitaire pour retirer du système les semeurs de « crottes » et engager des enseignants compétents en nombre suffisant et non des compléments d’effectifs.

A cela s’ajoute l’exigence de formation des enseignants, pour qu’ils actualisent leurs connaissances au moyen de la recherche, des études ; et qui servent de base à leur avancement et non des réclamations répétitives qui perturbent le calendrier scolaire. La profession d’enseignant doit retrouver sa crédibilité et les enseignants d’accepter leurs responsabilités de premier garant de l’avenir de la nation. Oui, le coefficient directeur de l’avenir de toute la nation malienne est l’enseignant. Qu’il prenne alors ses responsabilités avec sérieux et sans complaisance pour hisser l’école malienne au sommet de la pyramide !

  1. Le remaniement de l’outil d’évaluation des élèves et étudiants

Il doit être claire pour l’élève ou l’étudiant que la finalité ultime de l’école n’est pas de présenter une série de 20/20 aux parents, mais plutôt d’acquérir des connaissances pratiques qui puissent lui servir au bout de sa formation.

Pour faciliter cette transition, qui permettrait de réduire la tricherie, le stress des examens, il convient de changer l’outil d’évaluation des élèves et étudiants. Il ne s’agit plus de chercher 10/10 ou 20/20, mais de pouvoir démontrer au travers de l’expérimentation, de la recherche, de l’explication aux autres (exposés) ses acquis au terme du cours ou du module. La grille d’évaluation pour apprécier l’acquisition de la connaissance pourrait être alphanumérique (par exemple, A3 pour dire très bien assimilé).L’urgence étant de sortir de cette évaluation numérique qui distrait totalement les étudiants, les amenant à être des réciteurs de leçons et non des apprenants qui s’interrogent sur le pourquoi des choses pour les comprendre.

L’élève ou l’étudiant doit faire la transition d’une position passive à une position active pour que son apprentissage ne soient pas limitéesaux seules connaissances de l’enseignant; mais qu’il puisse aller au-delà, au moyen du questionnement et de la recherche.

 

  1. La recherche et l’expérimentation au cœur du nouveau système éducatif

Pour faire la transition d’un système d’enseignement théorique (infécond) vers un système d’enseignement pratique (productif), il convient de mettre au cœur de l’enseignement la recherche et l’expérimentation.

Cette mise en épreuve est le facteur qui stimule la curiosité et la créativité de l’élève ou l’étudiant et ainsi accroitre sa connaissance, indispensable au développement du Mali.

  1. Accroitre les investissements dans le secteur de l’éducation

Le niveau d’investissement dans le secteur de l’éducation est très faible ; et à cela s’ajoute la corruption qui gangrène le Mali et l’allocation inefficiente des ressources.

Il convient ainsi de renforcer le contrôle de l’allocation des ressources allouées au secteur, pour construire des écoles et universités, et sortir les enfants des abris provisoires, qui tendent à être définitifs et également acquérir du matériel didactique, des laboratoires d’expérimentation, etc…

En conclusion, je voudrais que les Maliens comprennent que ce n’est pas l’application de l’article 39 du statut général des fonctionnaires qui sauvera l’école malienne. Elle permet certainement de décrisper la tension socio-politique qui découle de son non-application, ce que le Président de la République vient d’ailleurs de régler en décidant de l’appliquer.

Cependant, l’école malienne ne sortira de cette abîme profonde que par la définition et l’application de réformes profondes qui permettront aux élèves et étudiants d’acquérir, d’organiser et utiliser efficacement les connaissances pratiques pour la relance du processus de développement du Mali.

Youssouf MALLE

 

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1 commentaire

  1. Un diagnostic des problèmes de l’école malienne qu’on peut difficilement contester.
    Des solutions proposées qui peuvent être “vendues’ à un parti politique ou un candidat à l’élection présidentielle, s’il a l’ambition de développer ce pays.
    L’incapacité des hommes politiques à éradiquer les maux rappelés(corruption,inadéquation de la formation…) est liée au système politique qui actionne la pratique démocratique.
    La démocratie étant la CONFRONTATION DES IDÉES pour permettre au peuple de faire le bon choix, il est impérieux que nous refondons notre ÉTAT afin que le peuple ait la possibilité d’élire librement et sainement les hommes politiques qu’il pense porter ses espoirs pour ce pays et sanctionne, au bout du mandat, s’il pense que ses espoirs n’ont pas été incarnés.
    La REFONDATION DE L’ÉTAT permettant une séparation effective des POUVOIRS, on oblige l’homme politique élu à se concentrer à appliquer ses IDÉES, la lutte contre la corruption étant du ressort du pouvoir judiciaire qu’il ne peut ni nommer les membres, ni donner des instructions.
    ON N’AURA PLUS À JUGER LES HOMMES POLITIQUES SUR LA GESTION RATIONNELLE DES DENIERS PUBLICS, MAIS SUR L’INCARNATION EFFECTIVE DES ESPOIRS QU’ILS PORTENT.
    Incarner par exemple les espoirs d’une éducation de qualité, c’est s’engager à orienter les ressources du pays, pendant le vote de la LOI des finances, pour l’effectivité des solutions proposées qui expliquent le choix du peuple.
    Le contrôle de l’exécution de la LOI des finances étant du ressort de l’assemblée nationale, la sanction contre les éventuelles dérives dans la gestion des finances y afférentes étant celui du pouvoir législatif,les hommes politiques n’ont d’autres choix que de se concentrer à faire respecter les promesses pour lesquelles ils sont élus au risque de constater le non renouvellement de leur mandat.
    C’EST POURQUOI LE MOUVEMENT ACTUEL QUI INCITE IBK À DÉMISSIONNER OU À ACCEPTER DE DÉLÉGUER SES POUVOIRS AFIN DE REFONDER L’ÉTAT EST À ENCOURAGER.
    Il ne faut pas espérer sur aucun des hommes politiques qui proclame lutter contre les pratiques malsaines dans l’éducation nationale.
    UN HOMME POLITIQUE ÉLU DÉMOCRATIQUEMENT EST NATURELLEMENT REDEVABLE DE CEUX QUI L’ONT AIDÉ À FINANCER SES ACTIVITÉS POLITIQUES.
    Que son pouvoir soit largement diminué, qu’il soit esté en justice par les juges autorisés sans qu’il puisse se servir de sa position pour les dissuader par une menace sur leurs avancements hiérarchiques permet de nettoyer tous les délinquants qui pullulent dans nos administrations.
    Les INSTITUTIONS FORTES permettent de lutter contres les pratiques mafieuses.
    Les HOMMES FORTS finissent par former un clan pour sauvegarder certains privilèges liés à la fonction.
    Qu’il en soit capable comme KAGAME, est on sûr que son successeur va poser ses pieds sur ses pas?
    Chaque malien a intérêt à encourager le mouvement en cours, s’il pense au intérêts supérieurs du pays.
    OSER LUTTER,C’EST OSER VAINCRE!
    La lutte continue.

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