Mali : les tares d’un régime.

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Makan DIALLO
Makan DIALLO
Docteur en Droit Privé
Avocat inscrit aux barreaux de Paris et du Mali

77,62% des suffrages exprimés, c’est le score par lequel le Président IBK a été plébiscité par les Maliens pour être à la tête de l’Etat lors de l’élection présidentielle de 2013. Le chiffre est assez éloquent pour démontrer le choix qui a été le nôtre pour confier les rênes    du pays à un homme qui paraissait être parmi ses pairs , la seule et unique solution aux multiples défis de l’heure.

Historique, le scrutin l’a été au regard du contexte socio-économique et sécuritaire de l’époque. Mais c’est surtout le score à la soviétique, qui a porté IBK au pinacle qui détone et explique, deux petites années après, ce sentiment d’amertume, de regrets, de déception, de désespoir des Maliens, d’avoir finalement été floués, bernés, trahis par celui-là même qui leur promettait le nirvana.  Il ne s’agit point d’une vision manichéenne opposition/ mouvance présidentielle, mais du Mali dans son ensemble et de son bonheur. En cela, souffrons que le débat d’idées s’instaure, que la parole se libère et revienne au peuple tout entier pour corriger et se corriger si tant est que nous sommes toujours en démocratie.

IBK a été bien élu, c’est le moins que l’on puisse dire. A l’entame de son mandat, rarement un Président aura fait l’objet de beaucoup trop d’attention de la part de la communauté internationale. Son investiture, avec le nombre de Présidents et de chefs d’institutions présents au Mali en témoigne. La communauté internationale était au chevet du Mali pour l’aider à se sortir d’affaire. Un Président chanceux, disions-nous à l’époque, qui avait toutes les cartes en mains pour inscrire son nom au panthéon de l’histoire politique du Mali par ses œuvres. Le potentiel était là et tout indiquait un mandat certainement laborieux  au vu des défis, mais sûrement bien rempli. Désillusion ! A  mi-mandat les Maliens s’interrogent, les Maliens doutent, l’inquiétude va grandissante. IBK est-il à la hauteur de la tâche à lui confiée ? IBK est-il capable ?

Erreur de casting

Avec ce que le Mali a vécu (crises politique et sécuritaire), IBK présentait en apparence la meilleure offre politique possible qu’il soit pour les Maliens. Son pedigree, son passé et le contexte ont été à l’origine de son élection.

«  C’est au pied du mur qu’on reconnait le maçon » dit le proverbe.  Aujourd’hui l’exercice du pouvoir s’avère périlleux pour IBK. Il a du mal, un doux euphémisme pour ne pas dire tout simplement qu’il est INCAPABLE. Nous voyons très bien ce qui se passe. Nous comprenons très bien les choses. Et l’erreur, c’est de croire que tout est bon, qu’on peut faire comme bon nous semble, parce qu’on a à faire à un peuple docile, un peuple amorphe qui gobe tout sans rechigner. Surtout pas ! .les Maliens ont par le passé, démontré toute leur capacité à s’assumer, à sonner la fin de la récréation quand ça ne va pas! Et gare à celui qui se méprend sur la  réalité des choses.

De son investiture à aujourd’hui, que de scandales !  Au tout début, l’on attribuait naïvement ces gaffes aux balbutiements inhérents à tout régime débutant et l’on se retenait tant bien que mal pour ne pas trop gêner l’action publique. La multiplication de ces actes ont fini par exaspérer nombre de Maliens et pas seulement ceux de l’opposition politique taxés au demeurant de Hassidis. Les mécontents, les déçus, les frustrés se recrutent un peu partout même dans le rang des affidés du pouvoir. Le  malaise est palpable, et malgré tout, on a comme l’impression que  « le chien aboie la caravane passe » tellement le mépris est total. Aucune remise en question et pire on continue à agir comme si le Mali était devenu une propriété privée appartenant à une famille ou à un clan.

Les choses sont telles qu’aujourd’hui, les Maliens ne parlent même plus de la tenue de promesses électorales classiques (amélioration de la qualité de vie, éducation, santé etc.). Les choses ont pris une autre tournure, et c’est l’exercice du pouvoir par IBK qui est fortement décrié et qui inquiète véritablement. Que de cafouillages ! Que de scandales ! Que de couacs ! Que de ratés ! Mais  Où va donc ce régime ?

La gouvernance en cause

Le pilotage à vue, voilà la marque de fabrique du régime IBK. D’aucuns disent que l’actuel Président n’a pas de programme de société, mais une chose est sûre,  la gestion des affaires publiques est d’un amateurisme inqualifiable.

L’action présidentielle souffre d’un manque de vision, de cohérence rédhibitoire à l’atteinte d’objectifs majeurs. Deux premiers ministres en l’espace de deux années ! Il fallait le faire. Le Premier Oumar Tatam Ly, technocrate bon teint, cadre émérite de la BCEAO a préféré rendre le tablier  moins d’une année après sa nomination pour cause de divergence de vues dans la conduite des affaires publiques (la transparence et la bonne gouvernance  ont été au cœur du divorce dit- on). OTL était l’homme dont le Mali avait besoin à l’époque pour le tirer vers le haut. Rien n’a été fait pour le retenir ou du moins tout a été fait pour le faire partir. Pauvre Mali !

Puis vint Moussa Mara, jeune premier, politique ambitieux avec une aura certaine et surtout une crédibilité toute faite au sein de l’opinion publique. Bis repetita, moins d’une année après, ce dernier fut demis de ses fonctions. Les raisons : en gros Mara ne faisait plus l’affaire d’IBK ! Il est clair que ces « mésententes » au sommet de l’Etat ne sont pas fortuites, que forcement il y a un dysfonctionnement lié probablement à la personne même du premier responsable mais certainement à l’amateurisme, le manque de vision, et la fébrilité qui caractérisent le pouvoir actuel.

Le « Mali d’abord » slogan fétiche du candidat IBK fit place à « ma famille d’abord ». Fils, neveux, cousins, beau-père, beau-frère, copains etc. investissent le champ public et politique (gouvernement, parlement, structures administratives etc.) avec la bénédiction du prince du jour. Le clan fait une OPA sur la république. Les thuriféraires se comptent dans les premiers cercles du pouvoir et ça ne choque personne. L’arrogance, le mépris, l’excès, le tout avec ostentation  caractérisent cette nouvelle race de dirigeants. L’éthique politique, le simple discernement et la raison tout court devraient pousser IBK à la retenue. Quand on peut, on ne doit pas toujours vouloir ! Parole de sage.

Le choix des hommes par IBK par sa subjectivité, son ambiguïté, son caractère arbitraire et injuste, traduit le peu d’égard qu’il a à l’endroit de son peuple. Avec lui, les relations personnelles transcendent la raison d’Etat. Cela ressort à chaque fois dans le choix des hommes et s’est confirmé suite aux scandales liés à l’achat de l’avion présidentiel (un caprice superflu) et la fourniture de matériels militaires (les conditions déplorables de nos bidasses, la situation de guerre du pays n’ont  pas empêché certains responsables de détourner des milliards).  Jusqu’à présent aucune sanction digne de ce nom n’a été prise contrairement au discours lénifiant qu’on nous bassine à longueur de temps dans la lutte contre la corruption et la délinquance financière. De qui se moque-t-on ?

Il a fallu la pression des partenaires financiers du Mali pour que certaines personnes directement concernées (présomption d’innocence) soient écartées momentanément, le temps des enquêtes. Beaucoup de ses proches sont visés. Et même là, IBK fidèle à son égo, brandissant son fameux droit divin, se foutant et de ces gens et du Mali a aussitôt promu son neveu ancien ministre concerné par le scandale, et pas seulement lui. Pour dire finalement que vous pouvez toujours causer…Aucune interpellation jusqu’à présent a fortiori inculpation. Quelle insulte ! Quel dédain !  Le rappel est pédagogique : Monsieur le Président nous sommes en démocratie, pas en dictature ! Vous devez votre poste, par le bon vouloir du peuple Malien. De grâce ne l’oubliez jamais !

Attendu sur le dossier de la crise du nord, IBK a surpris plus d’un.   L’accord a été finalement signé….mais quel accord ! Le Mali a été tellement laminé dans cette histoire qu’aujourd’hui toute honte bue, nous faisons bon cœur contre mauvaise fortune. Le Mali a eu droit a un accord au rabais ! IBK sur qui le peuple Malien comptait pour restaurer son honneur, sa dignité  a été d’une nullité incroyable. Ses choix hasardeux, ses hésitations, ses voltes faces et autres agissements incohérents dans le traitement de la crise du nord ont conduit au résultat que nous savons tous. Aujourd’hui malgré la signature de l’accord de paix, Kidal n’est toujours pas dans le giron national et on s’en accommode visiblement, les rebelles sont adulés malgré leur forfait. Des assassins ont été libérés, des mandats d’arrêt ont sauté. L’Etat Malien se fait trimballer, sa parole n’a aucun poids, aucune crédibilité. Ses  responsables sont humiliés et réduits à pas grand-chose. Tout cela à cause d’un leadership galvaudé.

Aujourd’hui la gouvernance est malmenée. Les scandales n’en finissent pas avec des milliards de nos francs envolés (avion présidentiel, achats de matériels militaires, rénovation de résidence, engrais frelatés, accointances avec les milieux mafieux etc.)  L’insécurité généralisée est sans précédent (assassinats, terrorisme jusqu’au cœur de la capitale, attaques multiformes etc.) Le Mali est malade de ses dirigeants !

Le régime d’IBK est dans la nasse. Sa personne et ses « turpitudes » influent négativement sur l’action publique. Il est grand temps qu’il prenne la mesure des choses pour nous éviter d’autres situations fâcheuses. Le peuple Malien en a assez !

Makan DIALLO

Docteur en Droit Privé

Avocat inscrit aux barreaux de Paris et du Mali

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2 COMMENTAIRES

  1. merci maitre on ne peut être plus clair.que de désillusions ,le peuple a bu le calice jusqu’à la lie.trop c’est trop .on le savait budgétivore au temps de Alpha ,un homme de faste ,des orgies dans pays où les gens broient du noir c’est le comble de l’insouciance et de la médiocrité.vraiment nous prions DIEU de nous donner un président qui prenne en compte nos aspirations.amen

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