Fait divers : Les Errements d''un Cordon bleu

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    En volant les recettes de son patron et en saccageant le matériel du restaurant avant de disparaître, le chef cuisinier avait oublié que la ville de Bamako est "trop petite".

    Zoumana Traoré alias "Brin" est un excellent cuisinier qui s”est bâti une solide réputation dans le métier et dans la… délinquance. En avril 2006, il décrocha un emploi dans un restaurant du Quartier du fleuve appelé "Rapido". Il travailla normalement pendant plusieurs semaines jusqu”à gagner la confiance de son employeur. Il prenait toutes les bonnes décisions nécessaires à la marche de la cuisine. Il était devenu un chef remarquable.

    Lorsqu”arriva le mois de carême, le propriétaire du "Rapido" et ses employés en bons musulmans pratiquants se rendaient chaque soir à la prière collective du soir comme le veut la tradition musulmane. Pendant ce mois, après la rupture du jeûne, les fidèles sont obligés d”accomplir d”autres prières subrogatoires. Le patron et ses employés ne dérogeaient pas à la pratique. Mais un soir de la deuxième décade du mois sacré de Ramadan, tous les employés du petit restaurant se rendirent à la prière sauf Zoumana Traoré. "Brin" s”occupait en effet de quelques clients libres dans leur foi. Il leur servit à manger convenablement et encaissa la note. Lorsque tous les clients se retirèrent, la solitude commença à peser sur Zoumana Traoré et lui donna de mauvaises idées.

    Le cuisinier malintentionné avait encaissé beaucoup d”argent et savait parfaitement où le patron gardait ses recettes de la journée. "Pourquoi ne pas alors saisir cette "chance" que le Ciel m”a donnée ?", se dit "Brin". Il se rendit compte qu”il pouvait s”emparer de tout cet argent et disparaître dans la nature. Après quelques brefs instants d”hésitation, Zoumana Traoré se décida à passer à l”acte. Il se mit alors à saccager les tables, les assiettes, les marmites, les casseroles, bref tous les objets cassables. Il empocha ensuite toute la recette journalière, avant de prendre le large.

    De retour de la mosquée, le maître des lieux ne trouva que désolation. Il pensa tout de suite à une attaque de bandits contre son restaurant et s”inquiéta pour la vie de son chef cuisinier. Son premier réflexe fut d”alerter la police qui se transporta sur les lieux quelques instants plus tard pour constater les faits et ouvrir une enquête.

    FORTUITEMENT :

    Toutes les personnes interpellées d”octobre à maintenant ont été interrogées par les limiers sur l”affaire du restaurant "Rapido". Mais sans succès. Le dossier avait finalement été rangé au placard. Entre-temps, "Brin" qui avait disparu dans la nature trouva un nouveau job dans un autre restaurant, "Le Flamboyant" à la Cité UNICEF de Niamakoro. Dans son nouveau quartier, il se faisait appeler "Zou".

    C”est presque fortuitement que l”affaire du "Rapido" va connaître son épilogue la semaine dernière. En effet, le voleur en se rendant au centre-ville rencontra dans le même minibus qu”il avait emprunté, une de ses anciennes collègues de travail du nom de Hadiaratou Traoré. Cette dernière travaillait au restaurant "Rapido" au moment où "Brin" avait perpétré son coup.

    Elle connaissait bien l”indélicat cuisinier et n”avait jamais eu confiance en lui. La fille avait toujours pensé que le jeune homme n”était pas sérieux comme il le faisait croire. Elle avait même conseillé aux autres employés de se méfier de cet énergumène. Personne ne l”écouta. Tous pensaient qu”elle était seulement jalouse de nouveau chef cuisinier. Dans le Sotrama, "Zou" était assis du même côté que Hadiaratou. Il avait bien reconnu son ancienne collègue et faisait tout pour éviter son regard. Chaque fois qu”un passager descendait, il s”éloignait un peu plus de cette passagère un peu trop curieuse qui tentait par toutes les astuces de le dévisager.

    Ce jeu du chat et de la souris continua sur une bonne partie du trajet avant que les deux ne se retrouvassent côte à côte. Hadiaratou ne se faisait plus de doute. Elle avait la certitude que le jeune homme qui essayait d”éviter son regard n”était autre que son ancien collègue Zoumana Traoré. Hadiaratou l”appela par son nom, mais Zoumana Traoré ne voulut pas répondre. Elle insista et "Brin" ou "Zou" qui avait compris que sa situation devenait de plus en plus intenable, choisit de descendre du minibus Sotrama. Au prochain arrêt, il voulut s”éclipser. Mais Hadiaratou qui était maintenant certaine qu”elle tenait le voleur du "Rapido" cria de toutes ses forces "au voleur !".

    UN TOHU-BOHU MONSTRE :

     Le jeune homme tenta de forcer la sortie, mais l”apprenti lui barra le chemin. Les passagers qui avaient suivi le manège de "Brin" se mêlèrent à la danse et l”empêchèrent de quitter le véhicule. Il s”en suivit un tohu-bohu monstre qui obligea le chauffeur à arrêter le véhicule pour savoir ce qui se passait. La fille expliqua rapidement les raisons de la dispute. Le conducteur du véhicule de transport en commun s”excusa auprès des passagers et leur demanda d”être patients, le temps pour lui de conduire la plaignante et le suspect au commissariat du 10e Arrondissement qui était d”ailleurs tout proche. Les passagers acceptèrent et promirent à Hadiaratou que quoi qu”il fasse, Zoumana Traoré ne quitterait le véhicule, avant l”arrivée au commissariat de police.

    Quelques instants plus tard, le Sotrama se gara devant le poste de police et les passagers tout satisfaits descendirent du véhicule pour livrer Zoumana Traoré à la brigade de recherche et de renseignement. L”inspecteur Macky Sissoko s”occupa de l”homme, après les déclarations de Hadiaratou. Très vite, "Brin" avoua avoir volé les recettes du restaurant "Rapido" et saccagé le matériel pour simuler une agression.

    Macky Sissoko convoqua les tenanciers de "Rapido" pour les informer de l”arrestation du délinquant Zoumana Traoré. Le patron du restaurant arriva et porta plainte pour abus de confiance, vol et dommage à propriété d”autrui. "Brin" s”engagea à tout rembourser s”il était libéré. Mais cela ne relève pas des compétences de la police mais plutôt de celles du procureur de la République devant lequel il a été déféré.

    G. A. DICKO

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