Une Histoire Diablement Rocambolesque : Les Démons de Midi

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    Vade rétro satana ! C’est la formule incantatoire consacrée par certaine croyance pour chasser ces démons qui, du fond des abysses, font souvent incursion sur la terre et troubler les fils d’Adam. Mais dans l’histoire qui suit, le diable n’est pour rien. Ca, la victime ne pouvait le savoir : prix de sa naïveté : 1.500.000 F CFA.

    Le sieur Sékou Konaté, électromécanicien de son Etat, est honnête citoyen et très bon croyant. Il croit à l’existence du diable. Quand celui-ci s’est montré à lui, il faillit tout simplement perdre la raison.

    C’est le 03 décembre dernier qu’il a été abordé dans la rue par un inconnu à qui il a semble-t-il rendu service. Afin de le remercier de son bienfait, il le mit en contact avec son maître spirituel, un «Karamoko» qui a faculté de communiquer avec les diables. Chose promise, chose due. Après plusieurs péripéties les ayant mené à N’gololina, l’entrevue avec le Maître eut lieu dans un endroit insolite, sur la colline jouxtant le quartier Nafadji en commune I. Là, le pauvre électromécanicien vit effectivement le diable. Dans la profondeur des ténèbres entrecoupées de flash lumineux, il les aperçut : deux êtres hybrides, moitié humain et moitié monstre avec une tête de gorille et de fauves féroces et assoiffés de sang apparurent brusquement. La vision cauchemardesque, comme un éclair, perça la brume sulfureuse avec un grognement provenant de l’au-delà. Notre homme perdit alors toutes ses facultés. Il perdit l’équilibre ; le sang ne fit qu’un tour dans sa tête. L’air lui manqua dans les poumons. Il chancelait et faillit tomber à la renverse n’eut été les bras secoureur du grand Maître qui arriva à point nommé pour lire des versets sacrés sur sa tête. Sauvé ! Il se remit. Le Maître lui fit alors jurer sur le Coran de ne jamais révéler, à nul mortel ce qu’il venait de voir et d’entendre. Son devenir dépendait désormais de son silence. Il la ferma alors. La proie était désormais conditionnée. Le reste ne fut qu’une histoire d’enfant.

    Notre homme, comme tout le monde bien entendu, voulait être riche, non, richissime ! Le diable avait le pouvoir d’exaucer ses vœux. Il lui fut alors demander de payer le prix d’un élixir mystique dont le flacon coûtait naturellement plusieurs centaines de milliers de F CFA. En somme, les diables avaient besoin d’être amadouer. Afin de satisfaire leurs caprices, notre homme devrait payer. Ne sera-t-il pas riche, très riche, après tout ? Il paya, paya, paya encore jusqu’à concurrence de un million de F CFA ; La fortune ne venait toujours pas. Il vendit sa moto et paya encore. Rien ! il comprit alors qu’il venait d’être victime de cette nouvelle race d’escrocs connus sous le nom de «Philomanes», des individus d’une intelligence hors du commun, très habiles, beaux – parleurs et très astucieux.

     Leur sobriquet vient de l’expression « philosopher » comme pour dire qu’ils usent d’arguments dialectiques, métaphysiques et que sais-je encore, pour brouiller les pistes de l’esprit le plus cartésien. Le principe est simple : l’homme dit moderne ne veut plus croire que ce qu’il voit et entend. Alors, eux, ils lui montre et lui font entendre ce qui existe déjà dans son subconscient. Les sensations et perceptions vécues par notre martyre, le sieur Konaté ont été artificiellement provoquées. Ses sens furent d’abord altérés par une brume provoquée avec de la fumée hallucinogène pouvant provenir du chanvre indien ou de toute autre drogue ; les bruits fracassants et grognements terrifiants ne provenaient pas non plus des abysses. Des enregistrements sur bande sonore et deux baffles étaient plus que nécessaires ; quant aux démons proprement dits, il s’agissait des complices du grand Karamoko, cachés derrière des masques de carnaval.

    L’Epervier du Mandé, l’Inspecteur Principal Papa Mamby Keïta, après la plainte de la victime n’avait donc pas besoin de mystérieuses formules incantatoires pour démasquer nos filous. Sur place aux environs de 14 h dans la journée du vendredi dernier au quartier Djélibougou, leur repère, les policiers découvrirent les objets ci-dessus cités. La nouvelle fit rapidement le tour de la ville. Les langues commencèrent alors à se délier. Plusieurs autres victimes acceptèrent finalement témoigner. Elles s’étaient jusque là abstenues par peur de passer pour des crétins aux yeux de la société. Elles sont, en tout cas, blâmables. On craint malheureusement qu’après ce dernier cas spectaculaire, d’autres dindons se feront encore plumer. En entendant, les victimes de ces diables de cirques peuvent toujours se rendre au commissariat pour introduire leurs plaintes, si elles ne craignent pas de passer pour des abrutis.

    B.S. Diarra

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