Angoisse et tension au Mali

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Après de violents combats avec l’armée malienne, les islamistes ont pris le contrôle de la ville de Konna, à 70 km de Mopti, dans le centre du pays.

Et pendant ce temps, comme ils l’avaient fait mercredi, des manifestants ont une nouvelle fois pris la rue hier à Bamako pour réclamer le départ du président par intérim Dioncounda Traoré.

« Mopti menacée, Bamako se déchire », lance La Nouvelle Patrie. Le journal relate les manifestations qui « démontrent l’insécurité dans la capitale » et constate que « pour le moment, les populations meurtries du Mali ne savent plus à quel saint se vouer. Un seul mot sur leurs lèvres : la guerre », s’alarme La Nouvelle Patrie. « Plus rien ne va, ajoute le confrère. Bamako jette la honte sur le visage des citoyens maliens. Car au lieu de communier pour recouvrer la souveraineté du pays, c’est la bataille pour ce qui reste du pays dans l’unique sens d’avoir des strapontins ».

Mali : ligne de front
 
Entre offensive et contre-offensive, pressée comme rarement par ses délais de bouclage, la presse malienne rend compte, comme elle peut, des nouvelles du front. Témoin Le Républicainqui évoque « la tragédie et le sursaut » au sujet de Konna. Dans l’après-midi, la nouvelle de la chute de la ville « a glacé la capitale, raconte, enfiévré, Le Républicain. Les habitants de Mopti-Sévaré accrochés au téléphone tout l’après-midi de la terrible annonce, avaient la peur au ventre, craignant maintenant que Sévaré ne tombe à son tour ».

Quant au « sursaut » évoqué par le quotidien, il se rapporte aux nouvelles de la fin d’après-midi, désormais caduques, de la reprise de contrôle de Konna par l’armée malienne, étant rappelé que la ville est finalement tombée aux mains des islamistes, l’effarement rétrospectif du Républicain prenant alors tout son sens.

« Le Mali vit les moments les plus tragiques et douloureux de son histoire », enchéritL’Indicateur du Renouveau. (…) « Le Mali survivra-t-il à cet enchaînement extraordinaire de tous ces malheurs qui lui tombent dessus en même temps ? », se demande, angoissé, le journal bamakois, qui dénonce l’attitude « qu’on peut qualifier d’extrême insouciance et inconscience de la part de minorités de fanatiques qui remettent dangereusement en cause l’existence même (du) pays en tant que nation ».

Mali : si vis pacem para bellum
 
Dans la sous-région, l’inquiétude est également vive dans la presse face à la dégradation de la situation au Mali. Au Burkina voisin, le quotidien Le Pays se demande si, après le nord, on veut« perdre de sud ». Car « le comble, estime le journal, c’est que l’armée malienne intervient au moment même où le contexte devient malsain à Bamako où les choses ont (…) pris une tournure scandaleuse, à telle enseigne que l’on se demande si, dans son rejet du président Dioncounda Traoré, le capitaine Sanogo ne serait pas devenu un entêté ? », s’indigne le confrère, en référence au chef des mutins du 22 mars qui avaient renversé le président Amadou Toumani Touré, par la suite remplacé, rappelons-le, par une présidence par intérim.

« Plutôt que de chercher à avoir la peau du président Dioncounda Traoré, après avoir obtenu la tête de l’ex-Premier ministre Cheik Modibo Diarra, le soldat Sanogo ferait bien mieux d’aller au front pour mériter son galon », s’étrangle Le Pays.

L’Observateur, de son côté, n’en n’a pas pour autant perdu son flegme. Et son latin. « Qui veut la paix prépare la guerre, lance le journal ouagalais (…) Aujourd’hui plus qu’à d’autres moments, la chute de Konna qui préfigure celle du verrou de Mopti aura eu les effets d’une déflagration dans le landernau diplomatique où la probabilité d’une intervention rapide se précise de plus en plus. Le vin… ou plutôt, le dèguè, est délayé et il faut le boire. Alors, tant qu’à faire ! », conclut, fataliste L’Observateur.

A ceci près que le « vin tiré » en question constitue le « pire tant redouté », objecte Guinée Conakry Info. Car pour le site guinéen d’informations en ligne, l’armée malienne « aura d’autant plus du mal à réussir sa mission que l’ennemi n’est pas que l’envahisseur islamiste. Elle doit également y faire avec la fragilité du pouvoir à Bamako. Fragilité qui, elle-même, est consécutive à des clivages au sein de l’élite politique malienne, dont les ramifications affectent de plus en plus l’ensemble de la société malienne », analyse Guinée Conakry Info.

En Côte d’Ivoire pour conclure, Fraternité Matin évoque ce qu’il appelle une « déroute » de l’armée malienne. La chute de Konna a « redonné des ailes aux islamistes qui croient que la conquête de tout le Mali est à leur portée », affirme le quotidien gouvernemental ivoirien.

Par Norbert Navarro / rfi

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