Que sont-ils devenus … Alou Traoré : Le don du marquage à la culotte
L'ancien capitaine des Aigles , meilleur joueur du championnat national lors de la saison 1998-1999, Alou Traoré atterrit cette semaine dans le temple de "Que sont-ils devenus ?"

Au terme de sa carrière en 2012 il s'est installé en France. Qu'est-ce qui explique son statut de joueur modèle ? Quelle fût sa carrière ? Sa retraite ? Marié et père de trois filles, l'enfant de Medina Coura nous a accordé une longue interview pour parler de tout cela.
Alou Traoré était un joueur polyvalent. Il évoluait aux postes de latéral, stoppeur et milieu défensif. Il avait le don du marquage strict, et le secret de dérober le ballon à l'adversaire sans faire de faute. Dans l'axe sa sérénité avait l'avantage de rassurer son gardien de but. Dans sa jeunesse malgré son talent, il ne voulait pas être dépendant du football, mais comptait plutôt sur l'éventualité d'une opportunité d'emploi à la fin de ses études.
A l'image d'un certain Seydou Diarra dit Platini, il voulait alterner études et football. Malheureusement à la différence de celui-ci, il finira par abandonner l'école au niveau supérieur pour un contrat en Arménie. Mais avant le ministre des Sports lui avait fait miroiter le baccalauréat sur titre, pourvu qu'il dispute un match des Aigles en Angola le 4 juin 1995. Les choses se sont passées autrement. Bref, ce fût la désolation totale.
Comment ? "A la veille d'un voyage sur l'Angola pour les éliminatoires de la Can de 1996, il fallait choisir entre cette rencontre de l'équipe nationale et le bac auquel j'étais candidat. Pour la circonstance, le ministre des Sports de l'époque, Me Boubacar Karamoko Coulibaly nous a reçus (Ibrahim Koné dit Aba et moi) au département des Sports devant l'entraîneur feu Mamadou Kéita dit Capi. Il nous a conseillés de défendre les couleurs du Mali, parce que la notion de patrie devait très importante pour tout citoyen. Il a nous rappelé le cas de Cheick Fantamady Kéita lors de la Can de Yaoundé en 1972, et s'est précipité pour affirmer que les temps ont changé. Et que lui en tant que ministre il nous donne sa parole pour trouver un plan B à notre bac au retour de l'équipe nationale. Et au pire des cas il y aura un examen unique pour nous.
Nous avons été convaincus avec une grande dose de confiance pour notre ministre engagé pour la cause nationale. Sur ce match avec la défaite (1-0), les Aigles ont été éliminés. C'est à ce moment-là que j'ai eu des regrets d'avoir accepté de ne pas faire mon examen. Au retour de la délégation malienne, les promesses n'ont pas été respectées. Nos va-et-vient entre le ministre et l'entraineur, et même au département de l'Education n'ont rien servi. Comment un élève qui n'a pas fait le bac peut s'attendre à une admission ? Comprenez par là ce qui nous est arrivé. Je profite de votre journal pour remercier infiniment l'ex-proviseur du lycée Askia Mohamed, Alou Badra Kondo qui m'a rendu un service inoubliable".
Pire que tout cela les deux joueurs sont exclus, parce qu'en octobre 1995 leurs noms ne figuraient nulle part. Pourtant, Alou Traoré soutient n'avoir jamais redoublé au lycée pour qu'il soit renvoyé de cette manière. Mais à l'époque, c'était des principes. Quoi faire ? Il s'en est allé voir le proviseur du lycée Askia Mohamed, feu Aly Badra Kondo Gondo, qui était déjà au courant de la situation. Celui-ci a accepté de l'inscrire en sciences humaines terminales (SHT). L'enfant de Médina Coura est déclaré admis au bout de l'année et orienté à l'Ecole nationale d'administration (ENA).
Faudrait-il rappeler qu'Alou Traoré s'est beaucoup imposé dans les compétitions inter quartiers et scolaires. Au lycée, son professeur d'éducation physique séduit par sa technicité lui a conseillé de signer une licence dans un club, pour valoriser son talent. A l'issue d'un match amical entre son équipe de quartier et l'AS Réal, il intègre l'équipe senior des Scorpions.
Au bout de quelques mois il arrête pour se consacrer aux études. L'année suivante, il reprend les entrainements et devint titulaire à part entière au moins pendant six saisons (1993-1998). Immédiatement après la Can de Tunis 1994, commence pour Alou Traoré une longue et riche carrière en équipe nationale dont il portera même le brassard de capitaine. C'est d'ailleurs à la veille de la Can-2002, qu'il quitta définitivement les Aigles du Mali. Et pour cause !!!
En pleine campagne de préparation de ladite Can, l'entraineur Romano Matte est remplacé par Henry Kasperzack. Celui-ci, dès sa prise de fonction, définit au groupe déjà en place ses principes de travail et son ambition pour un résultat honorable. Serait-il dans le plan du nouveau coach ? Une problématique qui le poussa à demander une audience à Kasperzack et son adjoint Cheick Fantamady Diallo.
Rupture
Il les informera de l'opportunité d'un contrat sur l'Arménie. Du coup, selon Alou Traoré, Cheick Diallo prit la parole pour dire qu'un éventuel départ pour ce contrat est synonyme d'exclusion de l'équipe nationale. Alou soutient avoir choisi la réalité au détriment de la probabilité. Il s'est envolé pour l'Arménie.
Entre-temps, il avait transféré au Djoliba lors de la saison (1997-1998). Cela a fait l'objet de beaucoup de commentaires en son temps. Parce que les dirigeants et les supporters réalistes éprouvaient une grande estime pour le joueur. Parce qu'il était moins bavard, très sérieux.
Au moment des faits Alou a donné ces explications : "L'équipe du Réal était un groupe soudé avec des jeunes talentueux, qui malheureusement sont tous partis. Cela a créé une saignée dans le club. Cela m'a beaucoup affecté et j'ai muri l'idée de m'aventurer. Mon objectif n'était pas le Mali, mais décrocher un contrat à l'extérieur. Ce transfert hérite d'une situation banale. Sinon il n'y a eu aucun compromis, à plus forte raison des tractations dignes de ce nom".
Seulement il faut retenir qu'à la suite d'une invitation de la Fédération royale marocaine de football, la Fémafoot décide d'envoyer le Djoliba, mais renforcé par deux joueurs locaux Alou Traoré, Modibo Sidibé et deux expatriés Moussa Kéita dit Dougoutigui et Modibo Kouyaté dit Néguè déjà sur place. C'est au cours de ce séjour que les pourparlers d'un transfert entre les dirigeants des Rouges et le joueur ont commencé. A Bamako, Kéké formalise les négociations et Alou Traoré signe au Djoliba pendant cinq saisons (1998-2002).
C'est de là qu'il décroche un premier contrat pour l'Arménie (2002-2004). En 2005, il joue une saison au Djoliba avant de s'envoler pour l'Iran. Il passe trois saisons dans le club Saapa (2005-2008), puis dans l'équipe Tractor (2009-2012). A ce niveau à cause d'un mal au tibia, Alou Traoré prend sa retraite. Physiquement, il sentait la fatigue.
Au terme de sa carrière, il rejoint sa famille en France qu'il avait transférée pendant son séjour irlandais. Une fois dans l'hexagone, l'enfant de Médina Coura régularise sa situation pour ensuite décrocher un emploi. Ses relations avec les anciens joueurs et surtout Mamadou Kanté (ex-sociétaire de l'AS Mandé et du Stade malien de Bamako) lui ont permis d'entreprendre des études d'éducateur sportif. En dehors de ses heures de travail il encadre une académie de football.
Alou Traoré retient comme bons souvenirs les coupes du Mali et les doublés réalisés au Djoliba, le titre de champion remporté en Arménie dès sa première saison. L'élimination du Djoliba à Bamako en Ligue des champions par le Raja de Casablanca, le traitement injuste de l'encadrement technique à la veille du tournoi Amilcar disputé en 1997 à Banjul sont ses mauvais souvenirs.
Dans la vie, il aime la musique et l'amitié sincère, il déteste la trahison et la calomnie.
O. Roger Sissoko
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