Il ne faut pas laisser la Francophonie se transformer en «machin»
L’Organisation internationale de la Francophonie tient son 14e sommet à Kinshasa, du 12 au 14 octobre. Mais elle reste peu connue et souvent ringardisée. De nombreuses propositions circulent pour la faire évoluer.

2— Recentrer les missions de l’OIF
L’Organisation internationale de la Francophonie a un champ d’actions vaste qui s’étend de la promotion du français à la gouvernance mondiale, en passant par la défense des libertés et le développement durable… Compte tenu de son budget limité (81 millions d’euros), on peut s’interroger comme le fait le groupe de réflexion Terra nova sur la capacité de l’OIF à atteindre ses nombreux objectifs, dont certains sont déjà traités par l’ONU ou l’Union africaine. Des personnalités francophones, dont la romancière franco-camerounaise Calixthe Beyala, qui fut candidate au poste de secrétaire général de l’OIF, ont appelé l’organisation à se recentrer sur les questions linguistiques et faire plus de place à la société civile. Elle dénonce une institutionnalisation de la Francophonie et les phénomènes de clientélisme qu’elle peut provoquer. L’OIF a répondu à ces critiques en juillet 2011, en organisant pour la première fois une grande manifestation sur le français. Le Forum mondial de la langue française rassemblant à Québec 1.500 participants issus de la société civile.3— Favoriser les migrations francophones
Les difficultés des migrations Sud-Nord au sein de l’espace francophone sont également souvent citées pour expliquer le peu de visibilité de la Francophonie au sein de la population. Dominique Wolton, directeur de recherches au CNRS et membre du Haut conseil de la Francophonie, avait réclamé, dans un rapport remis à l’OIF en 2008, la création d’un visa francophone qui faciliterait les déplacements: «Sur le modèle du visa Commonwealth ou du partenariat Portugal-Brésil, un visa francophone donnerait à ses détenteurs la possibilité de se déplacer plus facilement dans l'espace francophone et de matérialiser ainsi un “espace public”. Dans une première étape, ce visa viserait plus particulièrement à faciliter la circulation des idées et des connaissances (artistes, journalistes, intellectuels, scientifiques, chercheurs, professeurs, étudiants).» Cette proposition qui a rencontré un certain écho en 2009 semble oubliée aujourd’hui.4— Bénéficier de l’atout du numérique
Jean-René Galekwa est professeur d’université et directeur du campus numérique francophone de Kinshasa, en RDC, une initiative de l’Agence universitaire de la Francophonie pour faciliter la formation et la diffusion de l’information scientifique et technique au sein des universités francophones. Pour le professeur Galekwa, le numérique est un atout indispensable sur lequel la Francophonie doit continuer à mettre l'accent: «C’est un puissant outil de désenclavement social et scientifique. Dans notre pays où le panorama universitaire est préoccupant avec des bibliothèques non mises à jour, un nombre pléthorique d’étudiants, des programmes vieillissants, le numérique donne accès à des ressources précieuses pour nos étudiants et chercheurs grâce aux abonnements à des bases de données scientifiques comme celle du CNRS. Ces ressources sont pour une bonne part en français tout comme les logiciels libres que nous encourageons à utiliser. (…) Dans le pays, nous avons toutefois un problème de connexions à Internet, qui restent jusqu’à aujourd’hui satellitaires, ce qui coûte très cher pour une qualité moyenne. Nous attendons impatiemment l’arrivée de la fibre optique.» L’accès à l’Internet reste en effet très difficile dans plusieurs pays d’Afrique. Si le nombre de connexions augmente significativement sur le continent, les 317 millions d’internautes africains sont surtout concentrés au Maghreb, au Nigeria ou au Kenya, et peu dans les pays francophones d’Afrique de l’Ouest et d’Afrique centrale. On attend beaucoup des câbles sous-marins en fibre optique West Africa Cable System (Wacs) et Africa Coast to Europe (ACE) pour démocratiser les prix et rattacher le continent au réseau mondial de manière plus optimale.5— Priorité à l’éducation et l’enseignement
Enfin, à l’instar du professeur Galekwa, plusieurs universitaires francophones appellent à une multiplication des canaux d’apprentissage et d’enseignement du français adaptés au cursus scolaire et au contexte culturel de chaque pays. L’OIF a lancé, en 2011, une initiative en ce sens avec l’opération dite Elan (Ecole et langues nationales en Afrique) destinée à accompagner huit pays francophones d'Afrique subsaharienne pour la promotion d'un enseignement bilingue dans le primaire, plus respectueux des langues nationales. Au niveau universitaire, la philosophe Julia Kristeva a dans un rapport remis au Conseil économique social et environnemental français jugé paradoxal qu’il y ait plus de chaires de littérature francophone à l’étranger qu’en France. Dominique Wolton, dans Demain la Francophonie appelle, quant à lui, à la création d’une forme d’Erasmus entre grandes universités francophones. Parler français pour s’ouvrir au monde, comme l’explique le plasticien Gastineau Massamba, mais pas pour se voir attribuer l’étiquette «artiste francophone» trop souvent vécue comme réductrice ou condescendante: «Le français est utile pour moi, car il m’a permis de m’ouvrir vers l’extérieur et de voyager, plus facilement que si je ne pouvais parler que le lingala ou le lari. Et j’aime cette langue car elle a une forme de romantisme qui me touche profondément. Mais je ne veux pas être qualifié d’artiste francophone. Mon œuvre s’adresse à tous, on y voit apparaître des nombreuses langues comme le swahili… Je suis tourné vers le monde.» Adrien de Calan slateafrique.com/ 04/10/2012Quelle est votre réaction ?






