L’ancien argentier de Kadhafi, Bechir Saleh, visé par des tirs à Johannesburg

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Bachir Saleh en 2003
Bachir Saleh en 2003. MARWAN NAAMANI / AFP

La piste d’un crime crapuleux serait privilégiée par les proches de M. Saleh, qui précisent néanmoins que ce dernier « se sentait particulièrement menacé ces dernières semaines ».

L’ancien argentier du régime de Mouammar Kadhafi, Bechir Saleh, homme-clé de l’affaire du présumé financement libyen de la campagne de Nicolas Sarkozy en 2007, a été victime d’une agression violente, vendredi 23 février dans la soirée, sur la route de l’aéroport de Johannesburg, alors qu’il rentrait d’un déplacement bref et discret au Zimbabwe.

« Ce serviteur de la Libye en réserve », comme il s’était lui-même qualifié lors d’une rencontre avec Le Monde en septembre 2017, a essuyé des tirs alors qu’il se trouvait dans sa berline en compagnie de son chauffeur sud-africain. Gravement blessé par balle, M. Saleh, 71 ans, a été traité en urgence à l’hôpital privé de Milpark. Ses jours ne seraient pas en danger, mais il ne peut pas s’exprimer. Son avocat en France, Eric Moutet, a confirmé l’agression au Monde.

Malgré la personnalité de l’intéressé, son parcours et les nombreux secrets qu’on lui prête, son entourage, prudent, se refuse pour l’instant à envisager une tentative d’assassinat, même si le spectre de Choukri Ghanem est dans toutes les têtes. L’ancien ministre du pétrole libyen (2006-2011), qui consignait tout dans ses carnets, avait été retrouvé mort « noyé » dans le Danube, à Vienne, entre les deux tours de l’élection présidentielle française de 2012.

Sollicité par la justice dans l’affaire du financement libyen de Sarkozy

La route de l’aéroport est réputée prisée des gangs de voleurs. D’ailleurs, précise-t-on au Monde, ce genre de mésaventure est arrivé il y a peu au chef d’état-major du Togo ou encore à une députée sénégalaise. La piste d’un crime crapuleux serait ainsi privilégiée par des proches de M. Saleh, qui précisent néanmoins que ce dernier « se sentait particulièrement menacé ces dernières semaines » et s’étonnent que les agresseurs n’aient rien dérobé dans le véhicule.

Le chauffeur de M. Saleh, légèrement blessé, a été entendu par les autorités sud-africaines qui mènent l’enquête. Les services de sécurité ont depuis considérablement renforcé le dispositif de protection policière autour de cette personnalité libyenne particulièrement exposée. Exfiltré de France en toute discrétion en mai 2012, M. Saleh, pourtant sous notice rouge d’Interpol, avait rejoint le Niger avant de s’installer à Johannesburg. Le président sud-africain d’alors, Jacob Zuma, de même que les caciques du Congrès national africain (ANC), avaient volontiers accueilli ce proche conseiller de Mouammar Kadhafi, important soutien dans la lutte contre l’apartheid.

Ces derniers mois, alors qu’il vit en exil en Afrique du Sud, M. Saleh a repris une intense activité diplomatique dans l’objectif de jouer à nouveau un rôle de premier plan dans la reconstruction de la Libye. Il a ainsi entrepris, fin 2017, une série de déplacements sur le continent africain, où il entretient des relations avec plusieurs chefs d’Etat. L’ancien directeur de cabinet du colonel Mouammar Kadhafi et ancien patron du fonds souverain libyen avait par ailleurs été sollicité à plusieurs reprises par la justice française pour témoigner dans le cadre de l’enquête sur un possible financement libyen de la campagne de Nicolas Sarkozy en 2007, sans jamais y donner suite.

Au Monde, il avait confirmé la tenue d’un déjeuner, le 9 avril 2007, dans sa ferme des environs de Tripoli, en présence du premier ministre, Al-Baghdadi Al-Mahmoudi, et de son ami Choukri Ghanem, qui consignera dans son carnet qu’à cette occasion Bechir Saleh avait prétendu « avoir envoyé 1,5 million d’euros à Sarkozy ». Au Monde, M. Saleh avait simplement affirmé : « Kadhafi a dit qu’il avait financé Sarkozy. Sarkozy a dit qu’il n’avait pas été financé. Je crois plus Kadhafi que Sarkozy. »

LE MONDE | 25.02.2018 à 13h44  | Par Joan Tilouine et Simon Piel

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