Brehima Allaye TOURE, president du CNOSC: « Nous restons sur le qui-vive ».

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En marge des assises des organisations de la société civile tenues les 24 et 25 novembre sur les concertations nationales, nous avons rencontré Bréhima Allaye Touré, le président  du Conseil national des organisations de la société civile. Dans cet entretien il dit tout sur la transition et la crise au nord Mali.

L’ENQUETEUR : Monsieur le président  du conseil national de la société civile, qu’est ce qui a suscité l’organisation d’un atelier des organisations de la société civile sur les concertations nationales ?

BREHIMA ALLAYE TOURE : Je pense que c’est la volonté des organisations de la société civile de parler d’une seule voix qui nous a poussé à cela. Effectivement depuis mars-avril 2012, nous avons demandé, à travers nos documents, la tenue d’une concertation nationale.  Parce que nous avons trouvé qu’il y a une nécessité que les maliens se parlent. Et qu’on accepte de se critiquer et de formaliser des propositions qui pourront vraiment nous faire sortir de la crise que nous connaissons. Donc pour cela, la société civile ne doit pas parler tout azimut. Elle doit se concerter pour parler d’une seule voix. Et nous avons vraiment l’occasion de nous retrouver et de trouver que c’est une idée très pertinente. Il nous faut préparer franchement notre participation aux concertations nationales qui se tiendront les 11, 12 et 13 décembre 2012. Pour que nous soyons mieux écoutés, mieux compris et défendre nos positions.

L’ENQUETEUR: Vous avez dit qu’il faudrait que la société civile parle d’une seule voix. Est-ce à dire que toutes les faitières des organisations de la société civile ont pris part à l’atelier préparatoire des concertations nationales des 11, 12 et 13 décembre 2012 ?

BREHIMA ALLAYE TOURE : Il y a une très grande majorité, mais on ne peut pas dire qu’elles ont été toutes présentes. On a dénombré 150 représentants de faitières. Ce n’est pas une petite chose parce qu’il y a la prise en charge. Et je pense que ceux qui sont venus sont valablement représentatifs et avec eux, je pense que le travail a été très bien fait.

L’ENQUETEUR : Ceci dit, dites-nous président, quelle est l’analyse que la société civile fait de la période de transition que nous traversons ?

BREHIMA ALLAYE TOURE : Jusqu’ici, on analyse la performance de la transition en fonction des deux objectifs qui ont été assignés au gouvernement, à savoir la libération du nord et l’organisation des élections. Bien sûr l’administration a repris mais timidement il faut le souligner, mais les actes par rapport à la libération du nord, en dehors du plan qui a été élaboré ici à Bamako avec l’appui de nos partenaires et qui est soumis à la CEDEAO, puis à l’U.A et à l’O.N.U ; un autre acte très fort est la mise en place il y a de cela deux semaines d’un comité de pilotage d’audit, du fichier électoral Race, le Fec et Ravec. Donc ce qui veut dire qu’il y a déjà un processus qui a commencé, sinon on n’a pas une lecture très satisfaisante du déroulement de cette transition parce qu’elle a été fixée à 12 mois, nous avons déjà consommé les 8 mois, qu’est ce qui a été fait par rapport à ces deux objectifs ? On doit se poser la question. Bien sûr ceux qui assurent vont se défendre, mais par rapport aux objectifs de la libération du nord et la tenue des élections, franchement, pour le citoyen lambda, nous restons sur le qui-vive.

L’ENQUETEUR : Dans ce cas quel peut être le rôle et la responsabilité des organisations de la société civile ?

BREHIMA ALLAYE TOURE : D’abord, c’est de dénoncer la léthargie dans laquelle la transition est tombée, mais aussi faire des propositions, d’où l’importance des concertations que nous avons demandées, parce que sûrement qu’elles vont booster le travail que le gouvernement s’assigne. On aura une feuille de route beaucoup plus claire avec un chronogramme plus concis,  d’où l’importance de ces concertations-là.

L’ENQUETEUR : L’atelier a décidé de se pencher sur des thématiques telles que la transition, la crise sécuritaire, les élections et la reprise de la coopération internationale et la communication. Pourquoi avoir prioritairement ces quatre thématiques-là ?

BREHIMA ALLAYE TOURE : Ce sont des points qui nous préoccupent sincèrement.  Parce que si nous ne le faisons pas afin d’avoir des positions communes, nous ne pourrons pas avoir une participation de qualité aux concertations nationales.

L’ENQUETEUR : Avec votre permission, attardons-nous sur la transition. Elle a quelle connotation au sein de la société civile ? Est-ce celle définie par la CEDEAO ? Ou encore celle dont les contours viennent d’être dessinés par Romano Prodi, le Monsieur Sahel de l’ONU, qui la prolonge jusqu’en septembre 2013 ? Ou peut être la proposition d’une rallonge jusqu’en décembre 2013 que les organisations de la société civile s’apprêtent à déposer sur le bureau de la commission nationale d’organisation des concertations nationales ?

BREHIMA ALLAYE TOURE : Nous avons travaillé à proposer une date qui est celle de décembre 2013 parce que la CEDEAO a proposé 12 mois. Et on est à 8 mois de transition,  qu’est ce qu’on a fait par rapport aux deux objectifs ? Absolument rien. Secundo la libération du nord, le plan serait adopté dans les prochains jours, dans les prochaines semaines. Et la préparation militaire de nos forces armées, leur formation et leur  réorganisation, ça va prendre du temps. Et recevoir les militaires des pays amis qui viendront nous appuyer pour libérer le nord, on ne voit pas l’intervention tout de suite. Mais les analystes nous disent que ce serait probablement possible en septembre 2013. Donc si c’est en septembre que serait libéré le nord, les élections vont suivre. Et les élections, il y a un minimum de trois mois qu’il faut observer. Autant de raisons qui nous ont poussé à proposer décembre 2013 qui reste une  date indicative.

L’ENQUETEUR : Pourtant la date proposée a causé une divergence au sein des organisations de la société civile. D’aucuns pensent qu’en la proposant vous minimisez la souffrance des populations du nord. Qu’en dites-vous ?

BREHIMA ALLAYE TOURE : Mais ils ont raison de penser ainsi parce qu’on a dit jusqu’ici, on est entrain de tergiverser. Mais il faut être réaliste dans toute chose. Et c’’est ce réalisme qui nous a commandé à proposer cette date-là. Ce n’est pas un vouloir. Ceux qui pensent que c’est notre vouloir se trompent, parce qu’on ne voudrait pas 15 jours de plus sur le délai de la CEDEAO. Mais force est de reconnaitre que rien n’est encore fait ni pour la libération du nord ni pour les élections.

L’ENQUETEUR : Donc vous n’êtes pas entrain de faire une mauvaise lecture de ce qui se passe au nord du pays ?

BREHIMA ALLAYE TOURE : Bien au contraire, on veut faire une lecture réaliste de la situation actuelle. Nous comprenons la situation de nos parents au nord. Je suis nordiste, je suis du nord et j’ai des parents qui y vivent. J’ai des parents qui vivent ici à Bamako avec moi. Malgré tout, l’objectivité m’oblige à faire une analyse objective. Et l’analyse objective nous amène à proposer une date indicative au moins au 31 décembre 2013.

L’ENQUETEUR : Quels sont les moyens dont vous disposez pour faire la pression au cas où la date du 31 septembre ne marquait pas la fin de la rébellion ?

BREHIMA ALLAYE TOURE : Vous-même, en tant qu’homme de presse, vous êtes une partie de nos moyens de pression parce que la presse est de la société civile. Nous allons vous utiliser, les conférences de presse, les communiqués, j’en passe. Nous allons utiliser tous les recours légaux pour nous faire entendre.

L’ENQUETEUR: Et les organes complémentaires de la transition qui seront mis en place? Comment comptez-vous vous en servir ?

BREHIMA ALLAYE TOURE : On ne s’en sert pas. On va discuter avec ces organes-là. Et s’il y a des organes consultatifs qui sont là, nous allons en faire partie.  Parce que là, il y a la concertation, nous avons notre mot à dire. Là où il ya la décision, appartient vraiment à ce qui ont décidé de gérer le pouvoir et de prendre la responsabilité de décider. Si c’est bien décidé, tant mieux; si tel n’est pas le cas, nous allons dénoncer et proposer.

L’ENQUETEUR : le Premier ministre a dit à qui veut l’entendre,  qu’il faille discuter avec la horde de bandits armés au prétexte qu’’ils seraient des maliens. Est-ce qu’allant aux concertations nationales, les organisations de la société civile ne viennent- elles pas légitimer la position de Cheick Modibo Diarra ?

BREHIMA ALLAYE TOURE : Non ! Ça n’a rien à voir avec appuyer la démarche de Cheick Modibo Diarra. Parce qu’avant qu’il ne demande les concertations nationales,  on l’avait déjà demandé et ce, depuis le 12 avril. Donc il faut séparer les choses.

L’ENQUETEUR : Quand vous dites on avait déjà demandé ça. On, c’est qui au juste ?

BREHIMA ALLAYE TOURE : Le conseil national de la société civile à travers sa proposition de contribution a demandé cela et ce document date de 2012. Et nous l’avons fait avant la déclaration de Cheick Modibo Diarra. Ceci dit, je voudrais souligner que la société civile n’est pas violente. Elle privilégie le dialogue, privilégie la négociation et la médiation,  parce que nous restons convaincus que par la violence, on ne peut pas avoir tout et tout de suite. Mais le dialogue est un outil formidable qui préserve les droits humains et nous sommes militants des droits humains, non pas de la violence.

Ange De VILLER

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