Coogan Tan : Les jeux troubles de l'Algérie au Mali

19 Avr 2025 - 02:03
19 Avr 2025 - 09:24
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Coogan Tan : Les jeux troubles de l'Algérie au Mali
L'affaire du drone malien a été sans conteste un révélateur des jeux troubles de l'Algérie au Mali. En tout cas, l'on est loin de l'époque où le ministre des Affaires étrangères et de la Communauté nationale à l'Étranger de l'Algérie, Ramtane Lamamra, déclarait en octobre 2021 à Bamako : "les Algériens lisent dans leurs livres d'histoire la contribution inestimable qu'a apportée le Mali à travers la décision souveraine du président Modibo Kéïta en 1960 d'ouvrir à l'armée de libération nationale algérienne, la frontière commune afin que notre armée puisse ouvrir un front contre le colonialisme". Pour la génération actuelle des dirigeants algériens, à l'image de Tebboune, "cette dette est révolue parce que largement payée". A cet effet, l'incident du 1er avril 2025, marqué par l'abattage d'un drone malien par l'armée algérienne, ne relève pas d'un simple incident diplomatique, même s'il en avait pris l'allure aux premières heures de l'événement. Selon l'Institut géopolitique Horizons (IGH), cette attaque révèle les soubassements d'une stratégie sécuritaire opaque, menée par Alger depuis des décennies. Plus qu'un acte isolé, cet événement illustre une ligne de conduite ambiguë, mêlant médiation régionale affichée et soutien dissimulé à certains acteurs djihadistes, au premier rang desquels figure Iyad Ag Ghali. C'est là que réside le vrai problème qu'aucun discours ou analyse oiseuse ne saurait dissimuler, ni du côté des officiels algériens, ni du côté des pseudos spécialistes maliens de la géopolitique. Qui invitent une partie à freiner des pédales : la nôtre ! Officiellement, l'Algérie tenterait de calmer le jeu. "Deux hauts gradés - le général Mohammed Remdaniya et un colonel non identifié - font l'objet d'une procédure judiciaire pour non-respect de la chaîne de commandement". Une explication qui sonne faux, tant elle semble fabriquée pour dissimuler une intervention militaire délibérée aux plus hauts niveaux de l'appareil sécuritaire algérien. IGH évoque une opération de "camouflage" visant à détourner l'attention d'une entreprise plus vaste à laquelle j'adhère : "Protéger Iyad Ag Ghali, figure centrale du Groupe de soutien à l'islam et aux musulmans (GSIM)". Ce dernier aurait été la cible d'une opération de repérage malienne à Tinzawaten, déclenchant une alerte précipitée via une taupe dissimulée au sein de l'ambassade algérienne à Bamako. C'est en réponse à cette alerte que le général Rochdi Fethi Moussaoui aurait ordonné l'interception du drone malien, trahissant une implication directe de la puissante direction générale de la documentation et de la sécurité extérieure algérienne. Un secret de polichinelle Ce rôle trouble de la DGDSE n'est pas nouveau pour les autorités maliennes. Depuis les années 1990, les régimes successifs ont eu connaissance - sans toujours oser l'admettre publiquement - des connexions entre Alger et les rébellions touarègues, puis djihadistes, relations entretenues à des fins de contrôle régional. Iyad Ag Ghali, d'abord rebelle, puis diplomate, enfin chef djihadiste, a toujours su bénéficier de la "tolérance" intéressée des services secrets algériens. Son refuge à Tinzaouatène ou à Tamanrasset, sa couverture logistique, et la protection accordée à ses lieutenants en Mauritanie sont des faits avérés dans les milieux sécuritaires informés. La survie politique et physique d'Iyad Ag Ghali, malgré l'opération Barkhane, l'offensive Serval et les traques menées par les FAMa, trouve en partie son explication dans ce jeu d'ombres pratiqué par Alger. L'explication à ce deal implicite et nauséabond ? Maintenir le chaos à distance des frontières algériennes en gardant les groupes armés sous contrôle indirect, quitte à alimenter l'instabilité chez les voisins du Sud. Mais je ne cesse de le répéter : les temps ont changé. Le Mali, tout comme ses partenaires de l'Alliance des États du Sahel (AES), n'est plus dans la posture d'acquiescement diplomatique. Pour la première fois, Bamako accuse ouvertement l'Algérie de "parrainage du terrorisme international ". Les déclarations acerbes à l'encontre du président Tebboune et de ses proches collaborateurs n'ont rien d'un simple coup de com' : elles traduisent une rupture politique et sécuritaire profonde. Le rappel des diplomates maliens et l'ouverture de procédures judiciaires contre des responsables algériens sont autant de signes d'une ère nouvelle. Aussi, la coïncidence avec l'expulsion massive de migrants ouest-africains par la Mauritanie, pays notoirement aligné sur la politique d'Alger, ne peut être ignorée. Il est difficile de ne pas y voir une tentative de diversion ou de pression indirecte, un classique du manuel de déstabilisation. Et l'affaire du drone ne fait que cristalliser un malaise ancien, nourri par des décennies de duplicité, aujourd'hui porté au grand jour. En outre, la recomposition des alliances sécuritaires en Afrique de l'Ouest accentue l'isolement d'Alger. Le rapprochement assumé de l'AES avec la Russie, l'acquisition récente de drones de pointe turcs, et la volonté d'autonomiser la réponse militaire face au terrorisme reconfigurent le paysage stratégique régional. Voilà ce qui dérange à Alger, en réalité ! Derrière la façade de médiation, c'est une politique de contrôle condescendante qui vacille. L'ère des jeux d'équilibre douteux et des agendas cachés touche à sa fin. Le Sahel, longtemps théâtre d'influences croisées, entre dans une phase de clarification géopolitique. Et ce sont les peuples, leurs armées et leurs élites souverainistes qui en tracent désormais les contours. Pour revenir à l'incident du 1er avril, il pourrait bien s'inscrire comme un tournant, tant il met à nu les ambiguïtés algériennes. Mais surtout, il permet à l'AES de se positionner clairement dans la lutte contre le terrorisme, sans interférence étrangère masquée. Et s'il faut une preuve pour révéler les vérités cachées et renforcer la cohésion des États du Sahel, l'incident du drone est peut-être arrivé à point nommé.   Seydina O DICKO19

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