À peine mise en place, la commission Dialogue et Réconciliation (CDR), de par sa composition, fait l’objet des critiques les plus acerbes. Des organisations de la société civile crient à l’exclusion.
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Mohamed Sokona, président Commission dialogue et réconciliation[/caption]
C’est le décret n°2013-325/P-RM du 10 avril 2013, pris par le président de la République par intérim, Dioncounda Traoré, qui a achevé l'architecture de la commission Dialogue et Réconciliation en procédant à la nomination des trente commissaires (six femmes et vingt-quatre hommes) qui devront contribuer à la stabilisation du pays et à la réconciliation entre les communautés. Dix jours auparavant, le 30 mars, l’on avait assisté à la nomination du président et des deux vice-présidents de la structure.
Pour nombre d’organisations de la société civile, la composition de cette commission n’est pas représentative. C’est le cas notamment du Collectif des ressortissants du Nord (COREN). Cette organisation, très active dans la dynamique de sortie de crise, s’attaque gravement à la composition de la CDR, qui abriterait des membres des groupes armés. Le COREN s’est démarqué de la commission dans sa configuration actuelle. Son président, Malick Alhousseini, dans un communiqué en date du 12 avril 2013, relève avec amertume que « les critères avoués et non avoués ayant servi de socle à la nomination des membres de la commission de dialogue et de réconciliation portent en eux les germes de l'arbitraire, de la discrimination, du manque d'objectivité, et d'une grave complaisance qui ont fini par ôter à la commission ainsi créée toute sa quintessence, la réduisant ainsi à un simple strapontin ». « Nous nous connaissons. Nous nous connaissons entre nous. Les populations du Nord du Mali connaissent individuellement la moralité. Moi, je ne vous dirai pas de noms. »
Au sein de la commission siégeaient déjà deux personnalités proposées par le COREN. Mais pour Malick Alhousseini, ce n’est pas suffisant : « L'équité veut que l'on permette à certaines personnalités de siéger dans cette commission. »
Le collectif pense que la CRD doit être représentative afin de préserver sa crédibilité. Le COREN, à l'instar de nombreux Maliens, estime que la moralité des hommes et des femmes devant siéger à la commission doit être irréprochable. Il ne cache pas la volonté à peine voilée du gouvernement de négocier, au nom de la réconciliation, avec le MNLA qui n'a pas encore renoncé à ses velléités indépendantistes, et avec Ansar Dine, le MUJAO et les trafiquants de drogue dont certains membres et suppôts figureraient au sein de la CDR. « Le premier jalon pour un dialogue fécond et une réconciliation vraie consisterait à écouter les populations du Nord », indique Malick Alhousseini, qui croit que « la réconciliation nationale se fera dans le cadre d'un dialogue inter et intracommunautaire sur une base saine et inclusive de respect, de mérite à l'égard de la patrie, de vérité et de justice ».
Au Collectif des patriotes (COPA), le son de cloche est le même. Ici, tous pensent que la mise en place de l’organe a été faite sans grande réflexion. Le président de ce mouvement, Makan Konaté, fustige la personnalité des membres de la présidence de la CDR. À commencer par le président lui-même, Mohamed Salia Soukouna, qui aurait négocié avec les rebelles le Pacte national alors qu’il était ministre de la Défense du Mali. « Dans ce pacte national, il était question d’un retrait massif et progressif des militaires de la région de Kidal afin que l’administration soit gérée dans cette région par les Touareg », explique-t-il.
Le COPA estime aussi que les épouses de militaires devraient être représentées dans la CDR. Telle qu’elle se présente, il juge que les conditions ne sont aucunement là pour permettre une vraie réconciliation : « Nous pensons que la réconciliation ne sera pas possible sur ce ton, et c’est pourquoi nous remettons en cause cette commission et demandons rapidement au président Dioncounda de revoir sa copie », indique Makan.
Par David Dembélé
Depechesdumali.com