Droits des travailleurs compressés : Face à la pression, la Ministre Raky Talla fait diversion et se sauve

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Le ministre Racky Talla à propos du recrutement des fonctionnaires dans la fonction publique :
Racky Talla, ex-ministre de la Fonction publique

En vue de calmer les ardeurs des femmes des ex-travailleurs de l’HUICOMA S.A qui menaçaient de marcher nues sur le palais présidentiel pour réclamer les droits de leurs maris, Mme le Ministre en charge du dossier, Diarra Racky Talla a invité la presse quelques heures avant pour présenter le point des engagements que le gouvernement avait pris dans le cadre d’un protocole d’accord signé le 30 mai 2010.

Il est ressorti essentiellement de cette rencontre avec les journalistes que le gouvernement est en phase avec les engagements qu’il a pris dans le protocole d’accord signé en mai 2010

Quelques jours plus tard, l’Union Nationale des Travailleurs du Mali a à son tour, invité la même presse pour exprimer son désaccord avec la déclaration du Ministre Racky Talla sur la situation des travailleurs compressés de l’Huicoma. Selon la centrale syndicale, le montant avancé par le Ministre du Travail à savoir 2 100 000 000 ne correspond pas à l’ensemble des droits que les ex travailleurs de l’huicoma doivent percevoir. Il s’élèverait à près de 8 000 000 000 f cfa. Donc, elle défend qu’il y a un reliquat que l’Etat doit encore verser aux travailleurs.

Pour y voir plus clair, il est nécessaire de faire une rétrospective.

L’ETAT MALIEN TROMPE LE GROUPE TOMOTA ET CONDAMNE A LUI PAYER PRES DE 20 MILLIARDS

Vers les années 2000, l’Etat malien a lancé le processus de la privatisation de l’huicoma, dit-il pour céder progressivement l’activité économique aux opérateurs privés. Au terme de la procédure, la société Tomota SA a été désignée comme adjudicataire et a signé avec l’État du Mali un protocole d’accord, en date du 16 mai 2005, portant sur la cession, par ce dernier, de 1 388 145 actions de la société Huilerie Cotonnière du Mali (HUICOMA), représentant 84,13 % du capital social de la société au prix de 9 milliards FCFA, l’État du Mali conservant le solde du capital.

Après le transfert des actions et la passation de service effectuée, le 14 septembre 2005, les divergences sont apparues entre l’Etat et l’actionnaire majoritaire de HUICOMA S.A.

En fait, l’usine tarde à redémarrer les activités et le groupe tomota justifie qu’il a été trompé par l’Etat malien. La situation financière qu’il a héritée n’avait rien de comparable à la description qu’il lui avait été faite dans le protocole signé avec l’Etat, s’était-il défendu. En effet, le groupe dit qu’il ne pourra pas respecter ses engagements.

Ce conflit qui a conduit l’Etat et le groupe tomota à la cour commune de justice et d’arbitrage a été tranché en faveur du second. L’Etat malien fut condamné au payement de plus de 20 milliards au groupe Tomota pour attitude dolosive et les préjudices qu’il lui a fait subir par la non observation de ses engagements.

ALORS, QUI POUR PAYER LES DROITS DES TRAVAILLEURS ?

En novembre 2009, les travailleurs en activité de l’HUICOMA sont arrivés à la Bourse du Travail à Bamako pour un sit-in, disaient-ils, à durée indéterminée ou encore jusqu’à la satisfaction de leurs revendications. Au nombre de 194, ces travailleurs réclamaient différents droits au groupe tomota qui, selon eux, refusait de respecter le cahier de charges.

Face à la complexité de la situation, une commission a été mise en place. Elle était constituée des représentants du gouvernement, du Conseil National du Patronat du Mali, de l’Union Nationale des Travailleurs du Mali, de la Direction Générale HUICOMA S.A et du Collectif des Travailleurs HUICOMA S.A.

A l’issue de plusieurs rencontres, les travaux de cette commission ont abouti à un protocole d’accord signé le 30 mai 2010 par les différentes parties représentées.

Dans ce protocole, le gouvernement a décidé d’octroyer au nom de la solidarité nationale, la somme de 1 500 000 000, puis amenée à 1 700 000 000 pour le paiement des indemnités de réinsertion et à 2 100 000 000 pour la prise en compte des arriérés de salaires.

La Ministre en charge du dossier a fait savoir lors de son point de presse animé récemment que ce montant a été payé entièrement aux représentants des travailleurs du 03 juin au 14 septembre 2010. La centrale syndicale reconnait. Mais , elle précise qu’il n’a pas suffi à prendre en charge tous les droits. Seulement une partie a été réglée.

Par ailleurs,  l’UNTM a rappelé que cette aide sociale (2 100 000 000) octroyée par l’Etat, se situait dans le cadre de l’apaisement du climat social qui était devenu très délétère. Il s’agissait donc de calmer les ardeurs en attendant de trouver une solution complète et définitive.

Malheureusement, nous le rappelions ci-dessus, près de trois ans après la signature du protocole du 31 mai 2010, l’Etat malien a perdu le procès contre le Groupe Tomota pour attitude dolosive et des préjudices qu’il a fait subir à ce dernier par la non-observation de ses engagements.

L’usine n’ayant plus repris les activités,  la situation des travailleurs est restée sans suite claire. Jusqu’aujourd’hui, l’Etat n’a pu renouer un dialogue fécond avec les travailleurs afin de permettre de vider définitivement un dossier dans lequel sa responsabilité  est centrale.

MME LE MINISTRE RAKY TALLA TENTE LE RACCOURCI ET ECHOUE

L’Etat étant une continuité, lorsque Mme Raky Talla est arrivée à la tête du département du travail, elle a été saisie sur ce dossier par l’UNTM.

Pour justifier la lenteur dans le traitement de cette affaire, le ministère avait déploré vis-à-vis de l’Union Nationale des Travailleurs du Mali qu’avec le coup d’Etat « survenu » en 2012 et son corollaire de grand désordre qui n’a pas épargné l’administration publique, les documents sur l’affaire huicoma n’étaient plus à disposition.

L’UNTM a reconstitué la documentation nécessaire qui a été remise ensuite au département du travail.

Une commission interne a été mise en place au ministère du travail, de la fonction publique et chargé des relations avec les institutions. Les conclusions de ses travaux devaient faire l’objet d’un chronogramme de rencontres avec l’UNTM pour validation. Ce ne fut plus le cas.

L’UNTM sera surprise de voir que ses conclusions ont été rendues définitives par département du travail. Elles font la situation détaillée sur la répartition des deux milliards cent mille (2 100 000 000) fcfa perçus par les représentants des travailleurs en juin 2010 et le reliquat à payer.

Ces conclusions partagées lors d’un point de presse organisé à quelques heures avant la marche des femmes ex travailleurs de HUICOMA S.A ont servi à susciter un débat inutile que Mme Diarra Raky Talla aurait pu éviter en respectant le chronogramme convenu avec l’UNTM.

Ce qui est sûr Mme le Ministre ne rejette point l’existence d’un reliquat. Mais, le désaccord se situe sur le chiffre qu’il représente. Unilatéralement, le ministère du travail a fixé le reste du montant à payer en violation du principe du contradictoire.

Mme le ministre Raky Talla a fait un dilatoire sans réussir à résoudre le problème qui reste presqu’entier. Après le point de presse, le pressentiment de détournement sur les 2 100 000 000, a gagné certains travailleurs vis-à-vis de leurs représentants.

Ce débat interne entre les travailleurs a permis au gouvernement d’avoir un répit face une pression sociale qui lui était devenue particulièrement préoccupante.

En attendant que le gouvernement et l’UNTM renouent le dialogue pour éclaircir cette situation, les travailleurs qui ne sont pas encore remis dans leurs droits, doivent prendre leur mal en patience.

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