Les rapports Franco-Maliens : Entre amitié et mésentente ?

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C’est d’ailleurs, pour cette raison, pense-t-on, la plupart du temps, qu’elle ne veut pas entendre parler de dialogue entre Bamako et les fameux groupes terroristes. S’il n’y a plus de terroristes, la présence militaire française ne peut plus se justifier et donc il faut à tout prix faire perdurer dans l’opinion nationale et internationale que le problème du Mali et du Sahel, c’est le terrorisme.

Partout, dans les pays du Sahel, des voix se lèvent et pas les moindres pour dire qu’il est possible de tromper une fois et peut être même plusieurs fois les gens, mais qu’il est impossible de les berner tout le temps. Les populations du Sahel semblent avoir compris le jeu machiavélique de la France.

Pour le dire autrement, il vise à semer la violence partout en l’inscrivant au compte du terrorisme alors qu’en réalité, en dernière analyse, la finalité est de se maintenir au Sahel au prétexte de la lutte contre la terreur pour préserver ses intérêts matériels et moraux présents et futurs. Si donc les populations des pays du Sahel exigent de plus en plus le départ de certaines armées étrangères hors de leurs frontières respectives, c’est pour de bonnes raisons.

1.    Relation franco-malienne au prisme de l’Accord issu du processus d’Alger

Des maliens, pour des raisons multiples et variées, vendus à la solde de la France, ou bien manipulés par leurs propres problèmes, veulent nous faire adhérer à la thèse de l’incapacité des autorités actuelles du Mali à couper le cordon ombilical avec l’ancienne métropole. Or il semble que dans la plus grande discrétion, elles sont en train de travailler à redonner à leur pays sa grandeur vieille des siècles. Elles demandent la renégociation du traité militaire mis en place entre le Mali et la France sous IBK et de l’Accord de paix et de la réconciliation nationale issu du processus d’Alger signé à Bamako par les autorités de l’époque avec le couteau à la gorge. En effet, cet Accord acte ce qu’aucun pays, y compris la France vis-à-vis des Corses, n’a accepté à l’égard de ses populations rebelles.

N’est-il pas également possible de voir dans ce qu’il convient de nommer le faux retrait de la France comme une pression dont la finalité était d’empêcher les autorités maliennes actuelles à tendre la main à d’autres puissances comme la Russie pouvant contrebalancer son hégémonie militaire au Sahel ? Justement, tout le problème de la France est d’éviter de laisser les pays du Sahel tomber sous l’influence militaire d’autres puissances étrangères. Sauf que nos différents pays, pour la plupart, sont en train de comprendre que si un lapin est pourchassé par un lion, pour échapper à ce prédateur, il ne faut pas aller se mettre derrière un autre lapin, mais bien au contraire un autre lion plus puissant capable de neutraliser le premier.

Son retour qui ne surprend pas du tout sauf ceux ou celles qui continuent à penser que la France est venue au Mali pour faire le père Noël, n’implique-t-il pas l’échec cuisant de son propre jeu ? Si le bluffe ne fonctionne pas, il faut sortir du jeu et revenir à la réalité. C’est ce que les autorités actuelles ont compris et elles veulent profiter pour imposer leur cadence. Faut-il placer les événements du 20 juillet dernier à la grande mosquée de Bamako dans ce cadre géopolitique, stratégique et économique ? Les éléments politiques aidant à démasquer le jeu hégémoniste de certaines puissances ne manquent pas. Il n’y a aucune remise en cause de la communauté internationale par rapport au fait que sa présence au lieu de mettre fin au terrorisme a peut-être servi à l’amplifier. La nébuleuse sait que ce sont des pays qui financent les groupes terroristes qui prennent en otage notre pays, mais elle ne prend aucune sanction contre ces pays. Au jour où nous sommes, il n’existe même pas de menaces de sanction contre eux. Paradoxalement, selon des hommes de média la fameuse communauté internationale commence à faire sortir ses muscles contre les autorités de la transition pour la mort de l’auteur de la tentative d’agression ou d’assassinat contre le Président Assimi GOITA. Elle exigerait une équipe mixte composée d’éléments locaux et internationaux pour l’autopsie du corps de feu Alassane Touré. Les autorités ne doivent pas accepter l’ingérence de la nébuleuse dans la gestion des problèmes internes de notre pays dans la mesure où cette nébuleuse ne s’est pas impliquée dans telle ou telle enquête concernant tel ou tel autre pays souverain.

2.    Amitié entre Etat : leurre ou réalité ?

Dans ce jeu de la guerre secrète des grandes puissances pour le contrôle de nos pays et de leurs richesses, quelle position le Mali doit-il adopter pour se faire valoir dans le concert des nations ? Malgré tous les malheurs engendrés par la Françafrique, devrait-il, comme les uns le suggèrent, rester avec la France compte tenu de l’historicité de leurs relations ? Faudrait-il, au contraire, revenir, comme les autres le veulent dans l’influence géopolitique et stratégique russe pour se libérer des griffes de la France prédatrice sans aucune pitié et très hypocrite ? Enfin, faudrait-il tourner le dos à l’Occident chrétien comme d’autres le proposent et se réorienter vers les monarchies du golfe comme l’Arabie Saoudite et le Qatar ou bien rester avec tout le monde sans être avec personne et donc n’œuvrer que pour les intérêts matériels et moraux de nos différentes populations de l’intérieur comme de l’extérieur ? Quelle qu’en soit l’option choisie, nos autorités doivent garder en ligne de mire cette maxime d’Aristote : celui qui est parfois ton ami et parfois ne l’est pas, il faut savoir que celui-ci n’a jamais été ton ami.

Il faut rappeler que les pays n’ont pas d’amis, ils n’ont et ne peuvent avoir que des intérêts. Aujourd’hui, le Mali, sans rompre complètement ses relations vieilles des siècles avec la France, doit, pour sa survie, trouver d’autres puissances pouvant l’aider à se libérer de la domination multiforme de la France qu’il est en train de subir depuis des siècles. Une fois qu’il retrouve sa véritable indépendance politique, il peut commercer avec d’autres pays pourvu que ce soit que du gagnant.

Suite et fin

Bakabigny Keita

Professeur de philosophie politique à l’Ensup de Bamako

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6 COMMENTAIRES

  1. VIELLE FOLLEUROPÉENNE
    SI LA FRANCE N’Y AVAIT PAS MIS LEURS BOTTES LA SITUATION NE SERAIT PAS COMME ÇA!
    (ET C’EST VALABLE DANS D’AUTRES PARTIES DU MONDE!

  2. Continue de rêver, hein! Mon cher ami. La France par ci, la France par là. Où étais-tu quand les 2/3 du Mali étaient occupés?
    La France se maintient au Sahel pour éviter que l’Afrique de l’Ouest saute.
    Entre 1860 et 1890, tout le Sahel était devenu un charnier. ça aussi, c’était la France!!!

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