Sachets plastiques : Dix ans après l’interdiction, le Mali piétine
Le fleuve Niger, source de vie pour des millions de Maliens, est aujourd’hui menacé par un ennemi discret mais redoutable : le plastique.

Des sachets flottants, des bouteilles abandonnées et d'autres détritus plastiques jonchent ses berges, se déversant dans ses eaux au gré des vents et des pluies. Cette pollution plastique atteint désormais un seuil critique, avec des conséquences dramatiques pour l’environnement, la santé publique et l’économie locale.
Bamako, marché de Médina-Coura. Il est 9 heures ce mardi matin. Sous un soleil de plomb, les marchands installent leurs étals à la hâte. Au pied des tables de fortune, des amas de sachets plastiques noirs s’envolent au gré du vent ou stagnent dans les flaques d’eau usées. Le spectacle est tristement ordinaire, malgré une interdiction en vigueur depuis plus de dix ans.
En 2013, le Mali avait fait figure de pionnier en Afrique de l’Ouest en bannissant les sachets plastiques à usage unique. Mais sur le terrain, la loi semble oubliée, voire ignorée.
« Personne ne nous dit rien, et tout le monde en utilise », confie Djenebou Kanté, vendeuse de légumes. « Moi, j’en donne à mes clients parce que je n’ai pas d’alternative. On ne m’a jamais proposé de solution ni de formation ».
A la Direction nationale de l’assainissement et du contrôle des pollutions, on admet que la mise en œuvre de la loi n’a jamais suivi. « Le texte existe, mais son application reste inexistant. Il n’y a ni contrôle, ni dispositif de substitution pour les commerçants », reconnaît un cadre de ce service.
Les sachets plastiques continuent donc d’être produits, importés et vendus librement sur les marchés. Un commerce informel difficile à enrayer.
Pour les acteurs de la société civile, le statu quo n’est plus tenable. Kadiatou Guindo, membre de l’association pour la protection de l’environnement, tire la sonnette d’alarme :
« Le problème se situe au niveau des autorités du pays qui tolèrent l’importation des sachets plastiques malgré qu’ils soient interdits par les textes. J’en veux pas à ceux qui commercialisent ses sachets ». Pour Mme Guindo, la meilleure formule de lutter contre les sachets plastiques en plus de l’interdiction, « c’est d’intégré un module sur l’écologie dans les cours de sciences, et les élèves pourront participer à des campagnes de nettoyage ».
Le ministère de l’Education nationale n’a pas encore inscrit l’environnement comme priorité transversale dans les programmes scolaires.
Au marché de Missira, certains commerçants disent vouloir changer, mais se heurtent à la réalité économique.
« On m’a parlé des sachets biodégradables ou des emballages en papier, mais c’est trois à quatre fois plus cher », se plaint Ousmane Diarra, vendeur de produits cosmétiques. « Pour les petits commerçants, ce n’est pas viable ».
Les déchets plastiques accumulés favorisent la prolifération des moustiques et autres vecteurs de maladies. Le plastique brûlé à ciel ouvert – pratique fréquente pour s’en débarrasser – libère des substances toxiques, dangereuses pour les riverains. Quant aux microplastiques dans l’eau potable, ils sont soupçonnés de provoquer des troubles hormonaux et digestifs chez l’homme.
« Nous constatons une hausse des cas de maladies gastro-intestinales dans les zones proches du fleuve. L’eau est souvent contaminée, et les filtres artisanaux ne retiennent pas les particules de plastique », explique Dr Fatoumata Konaté, médecin à l’hôpital.
Aussi, le secteur de la pêche, vital pour de nombreuses familles, est directement touché.
Alors que les discours sur la souveraineté et la transition écologique s’invitent dans l’agenda du gouvernement de transition, certains espèrent un sursaut.
« Il faut du courage politique. L’Etat doit montrer l’exemple, lancer des campagnes nationales, soutenir la production locale d’alternatives et surtout appliquer la loi », insiste Mme Guindo.
En attendant, les sachets plastiques continuent de souiller les quartiers, d’étouffer les caniveaux et d’aggraver les inondations en saison des pluies.
« On ne pourra pas toujours vivre dans la saleté. Si ce n’est pas pour nous, faisons-le pour nos enfants », conclut notre interlocutrice.
La pollution plastique du fleuve Niger n’est pas une fatalité. Elle résulte de comportements, d’un manque de régulation et d’infrastructures défaillantes. En agissant maintenant à travers des politiques publiques fortes, l’implication des citoyens et des investissements dans la gestion des déchets, le Mali peut sauver son fleuve et préserver la vie qui en dépend.
Long de plus de 4 000 kilomètres, le fleuve Niger traverse plusieurs régions du Mali. Jadis limpide et poissonneux, il devient par endroits une décharge à ciel ouvert. Partout des tonnes de déchets plastiques sont déversées chaque année dans le fleuve, en l’absence de systèmes efficaces de collecte et de traitement des ordures.
Djibril Diallo
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