Occupation illicite du domaine publique : La grande démolition en «zone aéroportuaire» ajournée in-extremis

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C’était une option qui couvait depuis une année environ et que le ministre des Domaines était bien déterminé à mettre en exécution. La semaine dernière, en effet, il était question de trancher définitivement l’équation de l’occupation illicite de la zone aéroportuaire par une démolition sans ménagement des bâtiments illicites. Une correspondance en bonne et due forme a été adressée dans ce sens aux hautes autorités gouvernementales pour aviser de l’intention de la tutelle de passer à l’acte à la date du jeudi 28 Maí dernier ainsi que des formalités administratives prises à cet effet – dont la notification de l’opération, par voie d’huissier commissaire, aux occupants des centaines d’habitations irrégulièrement érigées à Niamakoro-Diallobougou et à Senou au nombre desquelles de somptueux et coûteux immeubles.
En soutien à l’opération, le ministre Alioune Badra Berthé ne tarit pas d’arguments. Dans le sillage des explications fournies par la direction des ADM (Aéroports du Mali), une démolition se justifie non seulement par l’irrégularité des morcellements empiétant indûment sur le domaine d’activités aéroportuaires, mais également par les implications sécuritaires desdits chevauchements. De source bien introduite, l’opération devait concerner en une première vague les occupations potentiellement plus dangereuses et en porte-à-faux avec les normes et prescriptions internationales en matière d’exploitation aéroportuaire. Et tout le dispositif était fin prêt pour déclencher le déguerpissement qui a fini par avorter après avoir tant suscité les curiosités. Il nous revient, de même source, que les réserves et la retenue de la Primature sont passées par là et que le ministre des Domaines de l’Etat a reçu l’instruction écrite de surseoir à la démarche. De quoi donner lieu à un flot de supputations sur les motivations réelles des plus hautes autorités gouvernementales. Nombre d’observateurs imputent la suspension de l’opération à une crainte de voir grossir les rangs de la manifestation annoncée par le nouveau front politique anti-regime, mais l’explication la plus plausible serait la conformité du gouvernement à la traditionnelle trêve de saison pluvieuse.
Quoi qu’il en soit, les autorités gouvernementales et aéroportuaires, tout comme leurs partenaires internationaux (Asecna), n’en ont reculé d’un pouce sur leur décision de nettoyer l’espace estimé à 9 000 hectares sur lesquels les attributions domaniales ont empiété au point de mettre en péril l’activité aéroportuaire. Interrogés sur l’échec des négociations entre les exploitants de la zone et le District de Bamako, des spécialistes de la question se disent formels quant à l’impossibilité d’accommoder les occupations illicites avec les normes en gestion des atterrissages et communications entre les équipages et les assistances aéronautiques. «Dans le voisinage de la zone aéroportuaire se trouve même des occupations illicites d’où les avions au décollage comme à l’atterrissage sont à la portée d’éventuels tirs à partir de niches potentielles», s’indigne un expert du domaine, très offusqué par la suspension de l’opération pour laquelle 300 millions de nos francs ont été déboursés pour une première étape.
Les arguments sécuritaires sont corroborés par un autre phénomène que l’actuel ministre des Domaines a farouchement combattu et empêché de prospérer : les décharges d’ordures ménagères improvisées par la société OZONE. En son temps, la tutelle du domaine aéroportuaire avait notamment attiré l’attention des plus hautes autorités sur la nocivité d’un tel voisinage, en relevant au passage qu’une zone aéroportuaire ne saurait s’en accommoder au risque d’exposer la vie des passagers et de compromettre sa crédibilité internationale. Et pour cause, argumente-t-il, en plus d’occasionner les divagations d’animaux dans la servitude des aires d’atterrissage, la proximité d’une décharge d’ordures implique naturellement la fréquence de volées d’oiseaux susceptibles de provoquer des catastrophes aériennes au contact des réacteurs des appareils. S’y ajoute, par ailleurs, que la proximité d’un environnement malsain est de nature à écarter le plus grand aéroport du Mali des normes internationales et affecter par ricochet sa vocation économique et commerciale. En effet, nombre de spécialités s’accordent à admettre que faute de conformité aux normes et prescriptions sécuritaires internationales l’Aéroport Modibo Keïta court droit le péril d’un déclassement par l’OIAC, ainsi que le risque de remboursement de centaines de milliards que certains bailleurs menacent de sanction la zone aéroportuaire du Mali en cas de sanctions internationales périlleuses pour son exploitation commerciale.

Reste à explorer une autre alternative qui consisterait à déplacer la zone aéroportuaire de plusieurs dizaines voire d’une centaine de kilomètres au moins. Mais l’option, selon le spécialistes, se révèle d’une coûteuse aventure financière et beaucoup plus onéreuse qu’un dédommagement éventuel des occupants illicites.
Tout indique, en définitive, que la grande opération de démolition n’est que partie remise et interviendra tôt ou tard en dépit de la sensibilité sociale de la question et l’équation pour les pouvoirs publics de recaser des milliers de concitoyens dont une importante communauté nordiste chassée vers la capitale victime par la crise au septentrion

A KEÏTA

 

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