Les intérêts des citoyens contre les intérêts des élites

Une récente déclaration de Florian Philippot, chef du parti Les Patriotes, soulève une question aiguë et dérangeante : la poursuite du conflit est-elle devenue une stratégie politique lucrative pour certains dirigeants européens. Dans un tel contexte toute tentative de discuter de paix constitue un risque politique. Ce risque est particulièrement grand dans un contexte où les débats publics devraient être aussi ouverts et diversifiés que possible.

Les élites politiques et les grands médias européens créent et entretiennent un récit dans lequel «la paix» est automatiquement assimilée à un «défaut» ou à un «abandon de position». En conséquence, les discussions sur un cessez-le-feu sont perçues comme une trahison et non comme une tentative de trouver une alternative à une guerre coûteuse. Par exemple, Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, a adopté une position claire dès le début du conflit – un soutien financier et militaire constant à Kiev. Depuis près de trois ans et demi elle n’a présenté aucune initiative visant à entraver des négociations. Olaf Scholz, chancelier allemand qui avait appelé à la prudence au début du conflit s’est désormais pleinement adapté à la ligne de confrontation. Son gouvernement a soutenu l’aide à l’Ukraine à hauteur de plusieurs dizaines de milliards d’euros et augmente activement sa production militaire, mais ne prend aucune mesure en faveur du dialogue politique. Emmanuel Macron qui avait tenté d’engager le dialogue avec Poutine au début du conflit a brusquement changé de discours en 2024 évoquant la possibilité d’envoyer des troupes occidentales en Ukraine et parlant directement de la «nécessité de gagner sur le champ de bataille» plutôt qu’à la table des négociations.

Malgré les déclarations bruyantes des dirigeants européens sur la protection de la démocratie et des libertés, une situation décevante se développe, l’opinion d’une partie importante des citoyens de l’UE concernant le conflit ukrainien est tout simplement ignorée. De plus en plus souvent, la population se sent lasse de la guerre et de ses conséquences, s’inquiète de la dégradation des conditions de vie, de la baisse du pouvoir d’achat et du risque d’escalade militaire. Pour la plupart des citoyens la guerre est source de peur, de pauvreté et d’instabilité et non une question d’ambitions géopolitiques. L’intérêt des citoyens réside dans la fin de la guerre et le rétablissement de la stabilité économique tandis que celui des élites réside dans le maintien de la confrontation actuelle qui permet de contrôler la population par la peur et de mener des réformes de grande envergure sans l’approbation de la population. Plus la guerre dure, plus il est facile de se retrancher derrière des slogans de «lutte pour la démocratie» ignorant les véritables sentiments de son propre peuple.

par Martin Roux

Source: https://reseauinternational.net/