Retour à l’ordre constitutionnel : Le dépit de la «démocratie électoraliste» !

Le Premier ministre, ministre de l’Administration territoriale et de la décentralisation, le Général de Division Abdoulaye Maïga était l’invité du dernier numéro de l’émission «Mali Kura Taasira 3» la télévision nationale (ORTM).

28 Août 2025 - 04:02
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Retour à l’ordre constitutionnel :  Le dépit de la «démocratie électoraliste» !
Depuis l’avènement de la démocratie en mars 1991, le bulletin de vote n’a pas réussi à profondément améliorer la gouvernance du Mali

Une émission diffusée le 2 août 2025 et au cours de laquelle le Général de division Abdoulaye Maïga s’est prononcé sans ambages sur le retour à l’ordre constitutionnel, 5 ans après la prise du pouvoir par le Comité national du salut du peuple (CNSP) le 18 août 2020. Et selon le chef du gouvernement de la transition, les conditions  «d’élections libres, transparentes et inclusives» sont loin d’être remplies, à cause notamment de l’insécurité entretenue par les Groupes armés terroristes (GAT). Sans compter que les autorités actuelles, comme de nombreux Maliens, ne veulent pas céder à la pression internationale pour s’inscrire dans la logique d’une «démocratie électoraliste» qui ne cesse de nous ramener à la case-départ ces dernières années.

«L’État malien veut organiser les élections. Il s’y prépare. Mais il ne peut le faire au prix du chaos» ! C’est sans doute l’un des passages qui aura beaucoup retenu l’attention de l’opinion nationale, particulièrement la composante favorable à un rapide retour à l’ordre constitutionnel (la classe politique), dans le passage du Premier ministre, ministre de l’Administration territoriale et de la Décentralisation à l’émission «Mali Kura Taasira 3», diffusée le samedi 2 août 2025. Le Général de division Abdoulaye Maïga a été on ne plus clair : les autorités de la transition sont prêtes à organiser des élections, mais pas à n’importe quel prix ou à n’importe quelles conditions ! Et aujourd’hui, le défi à relever est celui de l’insécurité liée au terrorisme dont les parrains veulent garder notre pays à terre pour avoir été privé de nos richesses.

Sur le plateau de «Mali Kura Taasira 3», le chef du gouvernement a pointé du doigt les Groupes armés terroristes (GAT) et leurs sponsors comme les principaux obstacles au retour à l’ordre constitutionnel. Et cela avec un dessein qui n’est qu’un secret de Polichinelle. «Ceux qui veulent empêcher le peuple malien de voter ne veulent pas seulement bloquer un processus, mais œuvrent à empêcher un pays entier de se relever», a dénoncé le Général Maïga. Son gouvernement est tenu d’organiser de meilleures élections. Ne serait-ce qu’à cause de l’engagement sans cesse renouveler du Général Assimi Goïta d'organiser des «élections libres, transparentes et inclusives» pour éviter au pays un autre retour à la case-départ à cause des crises post-électorales, source de l’impasse actuelle dans laquelle le pays est englué.

«Le retour à l'ordre  constitutionnel passe nécessairement par un processus sécurisé et apaisé pour éviter un éternel recommencement», avait souligné le président de la Transition, Général Assimi Goïta, face aux autorités administratives indépendantes et les Institutions de la République lors de la traditionnelle présentation des vœux au palais de Koulouba en début d'année. «Le blocage électoral au Mali n’est pas le fruit d’un manque de volonté interne, mais le résultat d’un sabotage bien orchestré», a révélé le Premier ministre pour justifier la volonté des décideurs de la transition à ne pas céder à la pression de certaines forces vives (les politiciens momentanément disqualifiés par la dissolution des partis politiques) et des Partenaires techniques et financiers (PTF) pour condamner le pays à de lendemains incertains.

Un peuple dépité qui ne semble attendre plus rien de la «démocratie électoraliste» !

Autrement, nos autorités transitoires ne souhaitent pas répéter la même erreur que celles qui ont dirigé la transition de 2012-2013. Ceux-ci ont été obligés d’organiser des élections. Mais, au finish, le pays est retombé dans l’impasse moins de quatre ans plus tard avec la fronde sociopolitique contre le pouvoir de feu Ibrahim Boubacar Keïta dit IBK renversé par un putsch militaire le 18 août 2020 !

Et dans leur grande majorité, les Maliens semblent être d’accord avec les autorités de la place de ne pas céder à la pression de la communauté internationale pour un «retour à l’ordre constitutionnel précipité». Pourquoi ? La question ne se pose pas si on analyse le contenu que nos politiciens ont donné à la démocratie. D’abord, ce système a été proposé aux Maliens dans les années 90 comme une fin en soi pour les amener à soutenir massivement le mouvement démocratique. Et une fois acquis (système), c’est un autre visage de la démocratie que les Maliens ont découvert. Loin de «soigner» la gouvernance du pays des maux (corruption à tous les niveaux, détournement de l’argent public à ciel ouvert, népotisme, injustice sociale…) qui le détournent des vraies préoccupations du peuple, il les a exacerbés au point de faire de notre démocratie une «coquille vide», un mirage pour le commun des Maliens.

Les Maliens ne croient plus à cette démocratie électoraliste. D’ailleurs,  «les démocrates» maliens ne l’ont-ils pas vidé de son sens en mobilisant les citoyens dans la rue pour faire chuter un régime élu, notamment celui de feu Ibrahim Boubacar Keïta ? En s’attaquant au régime d’IBK et en refusant tous les compromis pour une autre gouvernance du pays, les initiateurs du Mouvement du 5 juin-Rassemblement des forces patriotiques (M5-RPF) ont indirectement démontré aux Maliens que les élections ne sont pas une fin en soi.

Au Mali (depuis l’avènement de la démocratie en mars 1991), comme d’ailleurs dans de nombreux États africains, l’organisation régulière d’élections n’est pas toujours «synonymes d'une démocratie véritable». Comme le dit un expert, cette pratique se caractérise par «une compétition électorale souvent limitée, une manipulation du processus électoral, une absence d'indépendance des organes de contrôle et une régulation stricte de la participation politique».

Processus manipulé par le pouvoir en place, électeurs corrompus, opposition muselée…

Manipulation du processus électoral, limite de la compétition électorale avec des partis d'opposition ayant peu de chances de remporter les élections, absence d'indépendance des organes de contrôle, restriction sur la participation politique… sont des limites de cette «démocratie électoraliste». Selon de nombreux politologues, «l'absence de concurrence réelle et les irrégularités électorales peuvent entraîner des crises postélectorales, des contestations des résultats et des violences politiques». C’est ce que notre pays a vécu après la présidentielle de 2018 et les législatives de 2020 qui nous ont entraîné dans l’impasse actuelle. 

Ce qui les amène à penser que la «démocratie électoraliste» peut ne pas conduire à «une réelle démocratisation», c'est-à-dire à «une participation politique active des citoyens, à une alternance politique régulière ou à une véritable responsabilisation des dirigeants». Sans compter que «l'absence d'indépendance des organes de contrôle et la manipulation du processus électoral peuvent affaiblir les institutions démocratiques et les règles du jeu politique». 

 Les Maliens semblent avoir compris cela. Ils comprennent la volonté des autorités actuelles de ne pas précipiter le retour à l'ordre constitutionnel, tant que le pays ne sera pas réellement prêt à organiser des élections libres et transparentes. Contrairement à la classe politique, ils sont nombreux ceux qui sont convaincus qu’il faut prendre le temps qu’il faut pour pacifier le pays et engager des réformes structurelles pour mieux refonder la gouvernance du pays.

À notre avis, le vrai enjeu du prochain scrutin présidentiel sera l’homme ou la femme sur lequel le choix des électeurs va porter. Pour consolider les acquis de la refondation et redynamiser le processus démocratique, le prochain président de la République du Mali ne doit pas être n’importe qui ; surtout quelqu’un qui va se précipiter dans les bras des puissances impérialistes par peur ou par complexe, de crainte de ne pas fragiliser son pouvoir. Le Mali de l’après transition aura besoin d’un vrai leader souverainiste, panafricaniste, et non d’une marionnette de l’Occident qui va conquérir le pouvoir juste pour des intérêts personnels et claniques en posant des actes qui ne manqueront pas de briser l’élan vers une souveraineté concrète et nous ramener en arrière.

Et comme le dit si bien un intellectuel malien dans une «Tribune» sur la démocratie, le Mali n’a pas besoin d’un Messie providentiel (militaire ou homme politique) dont les actes vont dépendre des instructions des chancelleries occidentales ou des clameurs populaires. Mais, un vrai leader qui a une vraie vision des défis et des enjeux liés au choix porté sur lui… Comme l’a récemment défendu un activiste, «un coup d’État révolutionnaire peut parfois avoir plus de légitimité et d’impact qu’une élection truquée qui place un civil incapable à la tête d’un pays». Il s’est référé à Mouammar Kadhafi (ancien guide de la Révolution libyenne), Thomas Sankara (ancien président et leader de la Révolution burkinabè), Jerry Rawlings (ancien président et architecte de l’État ghanéen) et Hamad ben Khalifa Al Thani (ancien émir et bâtisseur du Qatar moderne), «tous arrivés au pouvoir par un coup d’État. Mais avant leur départ, ils ont fondé des États respectés ayant profondément marqué les esprits».

Enfin, cela vaut pour nous tous, il est temps que les Maliens comprennent que notre pays ne se construira que lorsque nous allons cesser d’être «des partisans pour devenir des patriotes». Autrement, l’avenir du pays est lié à notre choix de privilégier l’intérêt du pays aux dépens du thé, des pagnes, des 2 000 FCFA donnés pour influencer notre vote. Au-delà de tout intérêt partisan, nous devons prochainement élire un président avec la conviction que notre choix va déterminer la qualité du départ du Mali Kura !

Moussa Bolly

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