Tchad/affaire Masra : rejet de l’ingérence d’avocats étrangers
Face aux accusations de conspiration portées par les avocats de Succès Masra, le gouvernement tchadien défend la souveraineté de sa justice et s’oppose fermement à l’implication d’un collectif d’avocats étrangers dans ce dossier sensible.

Alors que le collectif d’avocats de Succès Masra dénonce une « conspiration » contre l’ancien Premier ministre, placé en détention provisoire mercredi, près d’une semaine après son arrestation chez lui par la police judiciaire, pour son implication présumée dans les violences meurtrières de Mandakao, le gouvernement tchadien a réagi avec fermeté, rappelant que cette procédure judiciaire relève exclusivement de la souveraineté nationale et ne saurait être instrumentalisée par des acteurs extérieurs.
Dans un communiqué parvenu jeudi à APA, les autorités ont opposé une fin de non-recevoir à la tentative d’intervention d’un collectif d’avocats étrangers, dont les Français William Bourdon et Vincent Brengarth, venus en appui aux défenseurs locaux de M. Masra. Selon ces derniers, le dossier est « totalement politique », ajoutant qu’aucune preuve ne justifie l’inculpation de l’opposant, qu’ils décrivent comme « un homme politique respectueux de la loi, n’ayant jamais encouragé la moindre violence ».
« Il n’est pas question d’autoriser une quelconque ingérence étrangère dans une procédure judiciaire en cours », a précisé le porte-parole du gouvernement, soulignant que la justice tchadienne « suit son cours conformément aux lois en vigueur ».
Une affaire strictement judiciaire, selon N’Djaména
Les avocats de M. Masra affirment que leur client est victime d’un « complot préparé en amont », s’appuyant notamment sur un enregistrement audio datant de 2023 et transmis aux services de sécurité début mai 2025. Ils mettent en cause la chronologie de la procédure, affirmant que la plainte à l’origine de l’action judiciaire n’a été enregistrée qu’après l’interpellation de leur client le 16 mai à son domicile. Une version balayée par les autorités, qui assurent que « toutes les étapes ont été respectées : interpellation, audition, présentation au parquet, ouverture d’une information judiciaire et mise sous mandat de dépôt par un juge ».
Le gouvernement insiste sur la gravité des faits reprochés, Rappelant qu’au moins 42 civils ont trouvé la mort lors des événements de Mandakao, le 14 mai. Il promet que « toute la lumière sera faite sur cette tragédie » et que « justice sera rendue de manière indépendante, sans pression ni interférence ».
De leur côté, les avocats de M. Masra dénoncent un « déploiement impressionnant » des forces de sécurité – plus de 100 véhicules militaires selon eux – lors de l’audience de placement sous mandat de dépôt, qu’ils qualifient de tentative de pression sur les magistrats. Ils annoncent vouloir introduire une demande de liberté provisoire une fois leur client entendu au fond, et envisagent de saisir plusieurs instances internationales.
L’affaire survient dans un contexte politique sensible, quelques mois après l’accord de Toumaï signé en octobre 2023, qui avait permis à M. Masra de revenir d’exil et de reprendre part à la vie politique. Le gouvernement estime cependant que cela ne saurait l’exonérer de poursuites si des faits graves lui sont reprochés.
Pour leur part, les avocats français de l’opposant, annoncent avoir saisi plusieurs instances internationales, notamment le Groupe de travail de l’ONU sur la détention arbitraire et le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe. Ils prévoient également d’alerter des ONG sur ce qu’ils qualifient « d’atteinte flagrante aux droits fondamentaux ».
Pour N’Djaména, l’engagement du chef de l’État Mahamat Idriss Déby en faveur du dialogue reste inchangé, mais cela « ne signifie en aucun cas un abandon de l’État de droit ou un effacement des responsabilités pénales en cas de violences avérées ».
AC/Sf/APA
Apanews
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