Le président du Parti pour l’action civique et patriotique (PACP), Yeah Samaké et non moins maire de la Commune de Ouélessébougou réagit sur la situation difficile que vit notre pays. De l’agression physique sur la personne du président Dioncounda Traoré à une éventuelle intervention militaire de la CEDEAO au Mali en passant par les limites de la médiation, l’ancien candidat à l’élection présidentielle avortée du 29 avril 2012 donne le point de vue de son parti. Lisez plutôt !
[caption id="attachment_69490" align="alignleft" width="350" caption="Yeah Samaké"]

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L’Indépendant : Le Mali vit une des périodes les plus douloureuses de son histoire. Le lundi 21 mai, le président de la République par intérim, Dioncounda Traoré, a été tabassé dans son bureau à Koulouba. Quels enseignements tirez-vous de cet acte?
Yeah Samaké : Cette agression est un déshonneur pour notre pays. L’intégrité physique de Dioncounda Traoré en tant que président de la République par intérim a été violée. D’abord, nous déplorons et condamnons ce fait avec la dernière vigueur. Ensuite, nous souhaitons prompt rétablissement au Pr et exigeons, enfin, que les auteurs et leurs complices soient identifiés et traduits devant la justice. Ceci dit, on peut tirer plusieurs enseignements de cette agression. En effet, notre pays traverse une période douloureuse et une confusion totale. D’abord, les dispositifs sécuritaires, non seulement de la présidence, mais aussi de toutes les autres institutions doivent être à la hauteur pour que les institutions ne soient pas violées. Ce qui passe par la dotation de chaque institution de structure de sécurité autonome et générale. Nous demandons aux autorités compétentes de prendre toutes les mesures nécessaires afin que ce qui s’est passé ne se reproduise plus jamais dans l’histoire de notre pays. Cette honte collective, nous ne le méritons pas. Ensuite, c’est aussi l’expression d’une frustration née de la mauvaise gestion d’une double crise politique et sécuritaire. La situation au Nord est certes une urgence mais la priorité réside dans la recherche d’un leadership suite à la mutinerie du 21 mars 2012 qui a conduit à la démission du président Amadou Toumani Touré.
La CEDEAO a fait une mainmise sur la médiation et a fini par se métamorphoser en partie-prenante avec la signature d’accord. Une médiation sous-entend de faciliter la retrouvaille de la paix entre deux entités en conflit. Si la médiation devient elle-même partie-prenante, elle perd toute sa crédibilité. Le président Compaoré, médiateur de la CEDEAO dans la crise malienne, quand il a invité la classe politique et les forces vives maliennes à Ouaga, c’était pour explorer un début de solution. Cela s’est passé dans la pure tradition de la médiation : écouter les parties-prenantes et prendre en compte les points de convergence et ceux de divergence. Ce qui a permis de publier une déclaration qui contenait les points d’accord. Après cela, la classe politique et les forces vives ont été exclues de la gestion. Depuis, la CEDEAO avait trébuché avec la signature d’un accord-cadre avec ceux-là même qu’on est en train de dissuader à savoir le CNRDRE. Il n’était pas légitime pour ce groupe de signer un accord-cadre. Passé cela, la CEDEAO aurait pu récupérer la situation depuis l’invitation des forces vives de la nation chez le médiateur. Un grand pas avait été franchi à Ouaga, malheureusement, aucune suite n’a été réservée à cette rencontre. Et c’est là que la CEDEAO est passée de la médiation à un parti pris en imposant sa volonté au peuple malien en flagrante violation de sa souveraineté et en légitimant la junte militaire. Lors de la rencontre d’Abidjan, au lieu de rectifier le tir en impliquant les forces vives, ils s’érigent en décideurs en mettant le Mali sous tutelle en fixant la durée de la transition et en nommant son président. Cela outrepasse clairement les compétences de la CEDEAO et même de la médiation. C’est vrai que c’est la conséquence de l’incapacité de la classe politique malienne de convenir d’une solution malienne mais en tant que acteur essentiel du processus, elle ne devrait pas être exclue de la médiation dans laquelle, la CEDEAO, elle-même, tâtonne du jour au lendemain. La médiation ayant montré ses limites, il faut l’étendre désormais aux autres acteurs. Voilà les enseignements que nous pouvons tirer sur l’agression physique dont a été victime le président Traoré.
L’Indép. : Quels sont les nouveaux acteurs dont vous parliez et qui mériteraient d’être associés ?
Y.S : Puis que c’est une double crise, la CEDEAO y gagnerait en réussissant de régler la crise politique avant de pouvoir faire face à la crise du Nord. Pour la crise politique, il faut réintroduire les acteurs politiques et les forces vives maliennes dans sa résolution. Pour la crise du Nord, sa résolution passe par les voisins du Nord, notamment l’Algérie et la Mauritanie car la CEDEAO à elle seule n’a ni les moyens financiers ni la logistique d’aider le Mali à régler ce problème. Nous estimons que la solution politique doit être privilégiée pour que les Maliens, de concert avec les partenaires, se retrouvent pour combattre les mouvements islamistes violents et le terrorisme. Je recommande vivement qu’une nouvelle source soit introduite dans la gestion des deux crises. Je ne demande pas d’exclure la CEDEAO mais de lui apporter le soutien nécessaire.
L’Indép. :
Une intervention militaire de la CEDEAO est-elle nécessaire actuellement dans notre pays ?
Y.S : La réponse est non. On ne peut pas demander à des forces étrangères de venir s’interposer entre des Maliens. On ne peut pas non plus demander à des forces étrangères de venir tirer sur des Maliens. Les Maliens ne peuvent pas demander à des forces étrangères de venir protéger le gouvernement issu du peuple contre le peuple. Il n’est pas non plus question de faire appel à des forces étrangères pour venir abattre ou combattre l’armée malienne. Cela n’est pas une solution durable car le Mali aura toujours besoin de son armée. C’est pourquoi, on doit s’opposer à toute ingérence. Nous devons plutôt reformer notre armée pour combattre le terrorisme qui sévit dans le septentrion et dont le Mali seul ne pourra pas extirper. On doit solliciter l’appui des pays voisins et de la communauté internationale. Au Mali, on peut s’asseoir, discuter et trouver la solution car la résolution des crises de ce genre prend du temps. Il est temps que les Maliens puissent se consacrer au Mali pour une fois : le Mali le demande et la situation l’exige sur les Maliens qui doivent faire un sursaut. Toute autre solution est temporaire.
Diakaridia YOSSI