Ibrahima Keita, directeur général de Kafo-Jiginew : « Stabilisation, capacités et meilleurs produits et services »

Au moment de présenter son bilan aux sociétaires, le directeur général de Kafo-Jiginew a bien voulu partager avec nos lecteurs, les ambitions et les grands chantiers de son institution. Il aborde le vaste chantier de digitalisation. Entretien.

21 Juin 2025 - 14:24
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Ibrahima Keita, directeur général de Kafo-Jiginew : « Stabilisation, capacités et meilleurs produits et services »

Mali-Tribune : Quelles sont les raisons qui ont poussé Kaf-Jiginew à se doter d’un plan de communication et de stratégie marketing ?

Ibrahima Kéita : Permettez-moi d'abord de vous remercier pour me donner cette opportunité. Aujourd'hui, vous n'êtes pas sans savoir que l'arme la plus fatale est la communication. Dans cette même dynamique, dans un monde à concurrence accrue, la communication joue un rôle très important. C'est pourquoi, quand nous avons modernisé notre système d'information, il nous est paru clairement qu’il nous faut relever de nouveaux défis, dont ceux de la transformation technologique et de la digitalisation.

Certes, il y a eu quelques difficultés au départ. Après la stabilisation, il fallait vraiment informer les sociétaires, les rassurer pour qu'ils puissent s'approprier encore davantage de tous les exploits que leur institution a opérés pour les mettre au même niveau en tout cas, que les clients des grandes banques. Donc, nous félicitons notre partenaire Dia Communications qui nous a accompagnés dans cette stratégie de communication sur les produits digitaux qui a aussi repéré des experts de l'Uémoa en monétique pour cette stratégie de communication qui a d'ailleurs été finalisée par une formation.

Une des raisons non moins importantes, cette stratégie de communication était inspirée et en droite ligne avec notre politique de stratégie de digitalisation. Avant de se lancer dans la digitalisation, nous avons mis en place une stratégie dans laquelle la communication a occupé une place importante.

Mali-Tribune : Dans le même sens, Vos cadres ont effectué des visites dans des institutions similaires sous-régionales : quelles leçons peut-on tirer de ces visites ?

I. K. : Nous en avons tiré beaucoup de leçons. Souvent, il faut le benchmarking, se comparer aux autres pour voir si on est en train d’aller de l'avant, est-ce qu’on est sur la bonne voie, qu'est-ce qu'il faut corriger, qu'est-ce qui n'a pas été bon, qu'est-ce qui a marché, qu'est-ce qui n'a pas marché.

C'est pourquoi nous sommes allés dans d'autres institutions sœurs, même en dehors du Mali, qui sont beaucoup plus en avance et sans complaisance. Quand nous sommes allés, nous avons compris que nous sommes sur la bonne voie, mais qu'il reste encore du chemin à parcourir. Et ce chemin à parcourir, je pense que nous allons passer par des raccourcis grâce à ses partages d’expériences.

En effet, nous allons faire l’économie des difficultés qu’eux ont traversées. Le partage d’expériences nous permet à nous autres de ne pas commettre la même erreur, de faire le raccourci pour avoir le même résultat dans un temps record. Ces pourquoi ces visites de partage d'expériences nous permettent d'aller plus vite.

Mali-Tribune : Quelles ont été les grands défis de Kafo pendant l’exercice écoulé ?

I. K. : Les grands défis sont tracés dans notre stratégie globale. En 2024, nous avons élaboré un plan stratégique dénommé Plan d'affaires quinquennal 2024-2028.

Les trois axes stratégiques de ce plan d'affaires sont : achever la stabilisation de la modernisation ; adapter l'organisation à cette nouvelle transformation en renforçant les capacités et améliorer nos produits et services.

Compte tenu des péripéties de l'informatique, des nouvelles technologies, il y a toujours des imprévus. Dans la gouvernance mondiale, il est avéré que le plus gros risque que peut prendre une institution financière ou toute autre institution, et même au niveau des états, c'est la transformation du système d'information modernisée.

Au niveau des statistiques mondiales, 75 % des projets de transformation digitale sont des échecs. Donc si nous avons réussi, ça veut dire que nous faisons partie des 25 % dans le monde qui ont réussi. Mais aussi les 25 % qui réussissent traversent beaucoup de difficultés.

Le timing n'est pas respecté, mais aussi le budget n'est pas respecté. C'est pourquoi le premier grand défi dans notre axe stratégique, c'est d'achever la stabilisation de la modernisation de notre système d'information. Le deuxième axe fort, c'est d'adapter l'organisation à cette nouvelle transformation et renforcer les capacités.

Aujourd’hui, les technologies de la communication et d'information, nécessitent une adaptation pour éviter les risques opérationnels, mais aussi les risques informatiques. Donc nous avons beaucoup fait aussi dans ce chantier.

Le troisième défi non moins important, c'est l'objectif recherché, améliorer nos produits et services. Des produits et services digitaux à moindre coût et disponibles 24h sur 24. Nous avons lancé l'ensemble de nos produits digitaux en janvier 2024, qui nous a permis aujourd'hui de les rendre plus proches des sociétaires et clients, mais aussi disponibles 24h sur 24, 7 jours sur 7, même si les guichets ne sont pas ouverts.

Mali Tribune. : Ces défis vont certainement être encore là cette année : comment comptez-vous faire face ?

I. K. : Notre plan d'affaires avec les trois axes stratégiques est décliné en plusieurs activités. Il y a des activités à très court terme, d’autres à moyen et long terme. C'est pourquoi ces axes stratégiques du plan d'affaires sont multi-années.

2025 est la deuxième année. On peut dire que c'est vraiment l'année même du test. En effet, c’est en 2025 que nous sommes parvenus à stabiliser les opérations de guichet conformément aux activités à mener. Nous avons contourné un peu la lourdeur de la base en créant une plateforme légère qui permet une facilitation des dépôts et retraits des clients aux guichets.

Avant, quand les guichets étaient fermés, ces services n'étaient plus disponibles. Donc 2025 est une année charnière pour ces trois axes. D'autres activités sont prévues à moyen et long terme jusqu'en 2028.

Mali-Tribune : Quels commentaires peut-on faire du bilan de l’exercice écoulé ?

I. K. : Le bilan est très positif. Le Mali a traversé une crise multidimensionnelle. L’économie mondiale gravement malade du fait de la crise internationale, des conflits un peu partout. Il ne s’agit donc pas seulement du Mali. Ceci explique la frilosité des partenaires techniques et financiers.

Malgré toutes ces difficultés, l'institution n'a pas failli à sa mission de servir les membres dans les 153 guichets et les 400 000 membres.

L'institution a continué à progresser en performance commerciale. Le nombre de guichets, même si une vingtaine ont été délocalisés dans les zones de sécurité, il n'y a pas eu de fermeture en tout cas. Deuxième aspect, le membership a continué à progresser malgré toutes ces difficultés.

Les dépôts se sont accrus. C’est le témoignage que nos membres continuent à nous faire confiance en y adhérant, mais aussi en augmentant leurs dépôts. Le crédit a baissé, ce qui n’est pas propre à notre institution. Même les banques ont connu des tensions de trésorerie suite à la politique de la Bcéao, mais aussi suite à la frilosité des partenaires à accompagner l'économie malienne. C'est pour toutes ces raisons que le crédit a baissé, mais tous les clients solvables, sans exception, ont été accompagnés.

Nous avons accompagné principalement les producteurs en milieu rural. Aujourd'hui, plus de 2000 tracteurs ont été financés sur une dizaine d'années. Soit une centaine en 2024-2025.

Mali-Tribune : Dans le cadre de votre responsabilité sociétale de l’entreprise, vous accompagnez beaucoup d’écoles. Quelle est la philosophie de ce programme ?

I. K. : Notre accompagnement s’inscrit dans les objectifs de développement durable. Nous sommes dans beaucoup de créneaux sociaux. Singulièrement, l'accompagnement des promoteurs d'écoles.

Malgré quelques difficultés de paiements par l'Etat des subventions, nous faisons des avances et nous allons continuer en tout cas à financer ces écoles-là pour soutenir l'Etat. L'avenir des enfants est propre à tout le monde. Nous devons tous y contribuer.

Nous allons continuer à poursuivre les financements de ces établissements scolaires. Mais aussi, continuer à financer, malgré le retard des paiements, le coton. Nous allons continuer à financer la motorisation. Parce que la campagne agricole, une fois installée, n'attend pas.

On ne peut pas attendre le paiement de l'Etat pour ne pas mettre en hypothèque la campagne, car la pluie n'attend pas que le paiement soit fait. L'autosuffisance alimentaire, l'enseignement sont nos œuvres sociales.

En 2024, nous avons été accompagnés par des partenaires internationaux dans le cadre d'une étude d'impact social. Sur 150 institutions financières dans l'Afrique sub-saharienne, Kafo-Jiginew a été classé 4e en étude d'impact social. Ceci à mon avis est à l'honneur de tous les Maliens, pas seulement de Kafo-Jiginew. Parce que si Kafo-Jiginew a été classé 4e, ça veut dire que le Mali avance malgré toutes les difficultés.

Je terminerai par souhaiter en tout cas le retour à la sécurité, la concorde, la paix, le retour à la normalité pour que le Mali retrouve son chemin de développement, pour que nous puissions vivre en cohésion, pour que toutes les activités puissent prospérer. Dans l'insécurité, tout est mis en danger.

Donc vivement le retour de la sécurité au Mali, vivement la cohésion sociale au Mali et vivement la paix et la fin des conflits sous-régionaux mais aussi internationaux. Nous sommes interdépendants, nous sommes dans un monde interplanétaire. Ce qui se passe dans un monde très lointain est importé d'une manière ou d'une autre au Mali.

C'est comme le conflit malien est importé, les difficultés sont importées ailleurs. Donc nous prions le bon Dieu pour que tous les conflits s'éteignent.

 

Propos recueillis par

Alexis Kalambry

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