Roue libre IBK, le dernier des Mohicans

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Les Mohicans sont des Indiens du groupe tribal des Algonquins. Leurs rares descendants vivent aujourd’hui dans le Connecticut aux Etats-Unis. Pour relater leur histoire, le romancier américain James Fenimore Cooper, qui s’intéressait à la vie dans la Prairie, a écrit un ouvrage intitulé "Le dernier des Mohicans". Où il raconte l’errance de ce peuple presque en voie de disparition.

Les Indiens appelés peaux rouges par les visages pales, ont beaucoup souffert au cours de la conquête de l’Ouest des exactions des colons européens. En tant que premiers habitants de l’Amérique, on les a spoliés de leurs terres et ils sont toujours parqués dans des réserves. Le gouvernement canadien a cru devoir se donner bonne conscience en créant un ministère des affaires indiennes (peuples autochtones).

Autant dire qu’être le dernier représentant d’un peuple n’est pas de tout repos. Cela comporte certes une bonne dose de fierté mais surtout le grand défi de la pérennisation de la race. Dans le monde les oiseaux rares ne courent pas les rues. D’ailleurs ce qui est rare est cher et précieux comme l’or et le diamant. Dans le microcosme politique malien, El hadj Ibrahim Boubacar Kéïta est pourtant un oiseau rare et un homme exceptionnel. Cet homme est le seul responsable politique malien à avoir encaissé le plus de coups de la part de ses adversaires politiques. On lui a planté des banderilles dans les cotes, on lui a donné des coups de poignard assassins, on lui a même donné des baisers de Judas. Mais comme le roseau, IBK plie mais ne rompt pas.

Du congrès extraordinaire éhonté d’octobre 2000 mené sur fond de cabale par le clan de la CMDT pour le débarquer de l’Adéma à Désespoir 2002 en passant par le lâchage d’Alpha, la liste des trahisons et des félonies est longue. Ainsi après s’être servi du parapluie du RPM pour envoyer des députés à Bagadadji Tall et Choguel l’on lâché au profit d’ATT. En 2002 plus de 500 000 voix ont été arbitrairement annulées par les juges de la Cour constitutionnelle reléguant le mandemansa à la troisième place de l’élection présidentielle. Qu’à cela ne tienne, même majoritaire à l’Assemblée, son groupe ne bénéficiera pas des faveurs du prince.

Même certains de ses amis les plus proches comme le docteur Sall et Lanseni Balla Kéïta ont trouvé moyen de le quitter sous le prétexte "qu’il est plus facile de voir ATT qu’IBK". Ils savent pourtant combien de cerbères sont flanqués devant les grilles du palais présidentiel, surtout que le maître de ceans n’est pas aussi amène pour sauter au coup du premier venu. C’est aussi vrai que l’ex-premier ministre est un grand bourgeois qui se nourrit de veau gras. Cloîtré dans son Bertchesgaden, le châtelain de Sébénicoro (encore une autre appellation de ses détracteurs) s’était enfermé un moment dans sa tour d’ivoire, refusant toute vie de bohême alors que son parti allait à vau-l’eau.

Le réveil, alors, fut brutal lorsque le RPM glana seulement onze députés lors des législatives dernières contre plus de quarante obtenus précédemment. Cependant le Kankélétigui est un vrai chef de guerre. En plus d’être un homme d’action, ce n’est pas un général qui abandonne ses troupes sur le champ de bataille. Malgré les nombreuses saignées qu’enregistre le RPM, IBK affirme que même s’il ne reste qu’un seul homme, ce parti se fera. Finie donc la vie de pacha au château, fini l’ermitage dans la pension de Sébénicoro. Désormais il monte au charbon, aussi bien au Mali qu’à l’étranger, ameute ses troupes partout, tient des meeting à ciel ouvert, tire à boulets rouges sur le palais présidentiel, pousse ses pions comme dans un domino. Patiemment le tisserin tisse son nid.

Qui a dit au demeurant qu’IBK est un opposant timoré ? Plutôt un homme aux bras d’acier dans des gants de velours. On a vu l’homme au temps de Alpha tour à tour embastiller les anarchistes du Coppo, mater les élèves et étudiants pour rétablir l’ordre et la quiétude sociale. Pour autant en 2002, il a refusé de descendre dans la rue pour casser au constat des nombreuses tricheries du corps électoral. C’est qu’il a un sens aigu de l’Etat et une haute conscience du respect du bien public. Bref, c’est un homme d’Etat au sens propre, son charisme faisant le reste. N’eut été la trahison des ademistes avec à leur tête Alpha Oumar Konaré, Soumaïla Cissé et Mme Sy Kadiatou Sow, nul doute que l’homme serait aujourd’hui à Koulouba. C’est vrai que Dieu donne le pouvoir à qui il veut mais qui, mieux que lui, est bien placé pour succéder à ATT en 2012 ? Ibrahim Boubacar Kéïta, c’est le dernier des Mohicans, c’est-à-dire une espèce d’homme politique en voie de disparition.

Mamadou Lamine DEMBELE

 

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