Démocratie au Mali : L’amateurisme affligeant

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Nous avons donc une explication à tout et pour tout. Aussi ne sommes-nous presque jamais à court devant les charades de la vie. La démocratie dont nous parlons n’est que le jeu des trois singes aveugles, sourds et muets. On est où là ? Tout le monde se prend pour un médecin et se croit habilité à établir et à délivrer un certificat de décès.

Les sciences de la santé s’efforceront de lier le décès à une maladie connue et diagnostiquée telle.

Le pays a eu aussi à traverser des périodes difficiles. Ailleurs, ces difficultés ont entraîné de douloureuses, voire de sanglantes remises en question. Des coups d’Etat, des révolutions de palais, des soulèvements populaires, des guerres civiles, avec leur macabre cortège de biens détruits, de vies brisées, d’ambitions anéanties, de destins fracassés… En 1991, nous avons dit non à la dictature du général pour mettre fin au parti unique. En 1992, le pays devait connaître, quasiment sans casse, sa toute première alternance démocratique. La joie était dans nos cœurs pour une paix. Le spectacle qui entoure les élections de 2012 nous interpelle tous pour que nous reprenions notre destin en main. Le bras de fer entre le Gouvernement et l’opposition sur l’installation de la CENI est un paradoxe qui remet à demain nos espoirs. Qui sont ces politiciens qui veulent mettre le feu à la maison ? La semaine dernière, la CSTM est sortie de l’ombre pour condamner le système. Que Dieu sauve notre pays pour que nous ne nous retrouvions pas comme nos frères dont le pays a connu une élection postélectorale. A chacun ses illusions. Prenons garde de croire que Dieu nous tirera à tous les coups de tous les incendies que nous nous ingénions à allumer. Celui qui est en fin de mandat n’a plus rien à dire dans le jeu démocratique. Il ne serait ni bon ni sain de décourager les bonnes volontés qui ont choisi de se jeter résolument dans l’action. Au regard de quoi, la fièvre réformiste qui marque le dernier quinquennat peut s’interpréter comme la volonté de secouer le cocotier, de réveiller les énergies endormies de plus de quatorze millions de Malien.

Nous devons nous inquiéter, par exemple, par rapport au fichier électoral monté à grand frais, présenté comme la clé de notre entrée dans un monde électoral propre et sans tache, a piteusement fini dans l’eau de boudin de l’impréparation, de l’approximation, d’un amateurisme affligeant. Si nous tenions les élections pour le terrain par excellence de légitimation de toute souveraineté démocratique, nous n’aurions pas eu à perdre une seule minute, dès le lendemain des élections présidentielles et législatives, avant de retourner sur le chantier pour voir nos faiblesses en matière d’organisation d’élection libre et transparente. Tant qu’il reste quelque chose à faire, c’est que tout est encore à faire et à parfaire.

Après avoir organisé plus d’une dizaine  d’élections sous le régime du renouveau démocratique, nous devons nous préoccuper de savoir si, enfin, nous sommes devenus majeurs. C’est-à-dire si nous sommes capables de faire de l’urne et du bulletin de vote les instruments régulateurs de notre système démocratique. Ceci par delà les industries de la fraude. Ceci par delà la foire à la magouille. L’intérêt supérieur et permanent de notre pays est à situer bien au-delà des motivations temporaires et égoïstes d’une poignée d’individus intéressés. Nous devons voir loin, bien au-delà des horizons présents. Ouvrir de nouveaux chantiers avant d’en avoir conclu les précédents peut laisser perplexe et interrogateur. Et c’est là la source de toutes les spéculations, de toutes les intentions pas toujours catholiques prêtées au gouvernement. Dans une démocratie qui se respecte, on gagne toujours à associer le peuple souverain à l’étude du menu avant de l’inviter à prendre place à la table du banquet. Et il ne servira à rien de lui servir un nouveau plat sans s’assurer qu’il a achevé de manger le précédent.
Destin GNIMADI

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