Aides ménagères : Quand la maternité porte malheur

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Maladies sexuellement transmissibles, rejets fréquents de la société, grossesses non désirées avec son corollaire d’avortement et d’abandon d’enfants, etc., le quotidien des aides ménagères traduit un calvaire dans les villes maliennes.                       

Un bon après-midi, le 20 août 2010, nous sommes au centre d’hébergement d’aides ménagères en détresse «Djiguiya So» de l’ONG association jeunesse et développement du Mali (AJDM) sise à Niamakoro, un quartier populaire situé en commune VI du district de Bamako. Couchée à côté de trois autres filles, toutes mères, Chata Fané, 17 ans, allaite fièrement son nouveau-né de moins de 48 heures. Son admission à ce centre, 24 heures avant son accouchement, mettait un terme à un calvaire qu’elle vivait dans les rues de Bozola au centre-ville de Bamako après avoir été virée par son employeur.         

«Après cinq mois de travail, ma patronne m’a licenciée  pour cause de grossesse. Elle m’a dit de chercher mes parents pour aller accoucher»,  a déclaré Chata, la colère dans la gorge. Elle doit son salut au regard vigilant d’une dame qui l’a remarquée à plusieurs reprises errant seule dans la rue à des heures tardives de la nuit avec une grossesse presqu’à terme. C’est elle qui a conduit, le 18 août, Chata Fané au centre Djiguiya So. «Chata Fané peut s’estimer heureuse» se presse à apprécier l’une de ses colocataires du centre. Comme motif de fierté, la maman mineure a perçu, de sa patronne, ses cinq mois de salaire à raison de 6000 F Cfa par mois, son fiancé resté au village a reconnu la paternité de l’enfant.                                  

«Nous, nous  recevons généralement des filles abandonnées par des employeurs pour leur état de santé ou à cause de grossesses qu’elles portent. Il s’agit donc des filles abandonnées dans la rue»,  a expliqué Jacques Somboro, coordinateur de l’ONG. L’AJDM dispose de deux centres d’hébergement à Bamako qui accueillent, chacun, plus de 80 aides ménagères par an. Plusieurs autres centres d’accueil sont opérationnels et prennent peu de congés dans la réception de ces filles.

Trop d’abus

Ces filles migrantes sont à la recherche de revenus servant de trousseau pour leur mariage. L’opinion publique les qualifie péjorativement de «bonnes» ou «52». Elles viennent généralement des milieux ruraux des régions de Mopti, Ségou, Sikasso et Koulikoro. Elles sont engagées en ville pour des travaux de ménage, d’entretien d’enfants, ou de petit commerce contre une rémunération mensuelle de 5000 à 10000 F Cfa. On imagine mal à Bamako une famille dépourvue de cette assistance. Sans éducation scolaire ni protection, elles sont exposées à de multiples abus (harcèlements, viol, violence, etc.) et n’ont souvent que leurs yeux pour pleurer. Les conséquences sont des cas fréquents d’avortement ou d’abandon d’enfant et un taux de séropositivité élevé (2,2 %) chez la catégorie socio professionnelle.                                

«Ça me fait trois années ici que je ne peux pas retourner au village. Mes parents ne veulent pas me voir apporter un enfant», se désole Awa Guindo, 18 ans. Son enfant sur le dos, Awa fait le tour des maisons à la recherche de linge à laver pour subvenir à ses besoins et ceux de son enfant à Lafiabougou, en commune IV du district de Bamako. Le père de son enfant s’est éclipsé dans la nature. «Il y a beaucoup trop d’abus en ce qui  les concerne»,  juge Me Bréhima Koné, président de l’association malienne des droits de l’homme (AMDH).                      

Beaucoup de bonnes souffrent d’une exclusion sociale liée à des grossesses ‘‘indésirées’’. Plus regrettable, la plupart ont l’âge de la minorité et ignorent les notions élémentaires de la santé de la reproduction. Ces grossesses sont généralement issues de viols tardivement déclarés ou de liaisons occasionnelles et le père de l’enfant n’hésite pas à renier la paternité. «C’est là le grand problème que nous avons au niveau des centres d’accueil. Nous cherchons à donner aux filles des conseils concernant leurs droits»,  explique Jacques Somboro. A la déclaration de la grossesse, les filles sont lâchées par leurs employeurs et se retrouvent dans la rue, faute de soutien. A l’annonce de la maternité, leurs propres parents au village les déclarent persona non grata. C’est là que commence un chemin de croix fait de conditions de vie très précaire.

Seydou Coulibaly

 

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