Que sont-ils devenus… Ousmane Bocoum, Ex-pilote/CDB : Une retraite paisible après un bureau dans le ciel

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Une certaine opinion affirme que l’avion est le moyen le plus sûr. Mais, il apparaît clairement aussi qu’en cas de catastrophe, les passagers assistent à leur mort en direct. Que pense Ousmane Bocoum de cette thèse ? Vous comprendrez chers lecteurs que nous sommes toujours avec les acteurs du transport aérien dans le cadre de la rubrique “Que sont-ils devenus ?”. Celui qui nous a reçus le week-end dernier fait partie des premiers pilotes que l’Etat malien a formés pour remplacer les expatriés russes qui pilotaient nos avions. Ousmane Bocoum confirme que l’avion est le moyen le plus sûr sur terre. Pour argumenter cette assertion, il met en exergue sa formation de pilote, ses expériences bâties sur une décennie de fonction. C’est cet homme qui a eu le courage de convier le président Moussa Traoré dans la cabine pour lui signifier son opposition à la fermeture de la compagnie Air Mali. Si le chef de l’Etat alors lui avait donné l’assurance que cela ne se produirait pas, il finira par assister impuissant quelques semaines à la chute d’Air Mali. Jusque-là, cette fermeture lui fait mal, parce qu’il estime que les Maliens en général et le personnel en particulier n’ont pas été préparés à cela. Est-ce un mauvais souvenir pour lui ? Cela tombe sous le sens. Comment de l’IPR de Katibougou, il s’est retrouvé dans le pilotage d’un avion ? C’est la principale question qui a débouché sur beaucoup d’aspects de la vie et du parcours d’Ousmane Bocoum. Au moment de prendre congé du vieil homme, son épouse qui revenait d’une cérémonie, s’est rassurée que ses enfants nous ont donné à boire et à me manger. L’accueil a été on ne peut plus chaleureux, avons-nous répondu. Qu’elle reçoive ici nos sincères remerciements.

La confraternité chez les anciens pilotes, stewards, hôtesses de l’air de la compagnie Air Mali que nous avons déjà rencontrés dans le cadre de cette rubrique rappelle à bien des égards celle des journalistes de Podium (Gaoussou Drabo, Souleymane Drabo, Mamadou Diarra, Mamadou Kouyaté dit Jagger).

Quand nous avons rencontré ces as de la plume, chacun nous a conseillé de rencontrer les autres. Cela dénote une collaboration sans complaisance et sans hypocrisie. Cela nous a marqué lors de notre reportage sur l’hebdomadaire sportif qui a marqué son temps. Hélas ! L’emblématique Podium qui a contribué à asseoir l’amour du sport dans le cœur de bons nombre de Maliens s’est éteint.

Ousmane Bocoum

C’est le même constat chez les anciens de la compagnie Air Mali et c’est salutaire. Ceci nous conduit directement à notre héros du jour : Ousmane Bocoum, dont la carrière aérienne s’est forgée de façon spontanée. Le seul effort qu’il a fourni aura été sa volonté d’abandonner ses études à l’Institut polytechnique de Katibougou (IPR), parce qu’il a été séduit par le mot navigateur aérien, dont un avis de recrutement a été lancé par la compagnie Air Mali. Autrement dit, il voulait être un assistant de l’équipage.

Après le concours, les stagiaires étaient envoyés en URSS pour quatre ans de formation. Les dernières visites médicales ont décelé moult problèmes cardiaques, de tension et de diabète. Il fallait alors recadrer les différentes spécialités. Une épreuve au cours de laquelle Ousmane Bocoum s’est retrouvé dans le groupe des pilotes. Ceux qui ont été déclarés inaptes ont été reconvertis mécaniciens chargés de l’entretien de l’avion.

Un deuxième test à la fin du stage a classé les participants en deux catégories : les pilotes de gros et de petits avions. Leur retour au Mali est sanctionné par leur embauche à Air Mali en 1967.

Après une année avec le statut de copilote, Ousmane Bocoum est envoyé en Yougoslavie pour un stage de perfectionnement de quatre mois, lequel recyclage le consacrera Commandant de bord. Il effectuera son premier vol sur Paris en 1969.

Comment s’est passé cette première épreuve ? Bocoum s’en souvient comme si c’était hier. “Du statut de copilote à celui de CDB, c’est le trajet de la maison à l’aéroport, ça ne change pas, c’est la même atmosphère dans la famille en donnant au revoir. Au-delà de toute cette ambiance, il faut comprendre que l’émotion liée à ma qualité de CDB trouble quelque fois les pensées. Mais nous avons été bien formés. Une fois dans l’avion, j’ai pris les choses en main, comme elles se devaient. Ce premier vol a été une réussite totale”.

Pilote multidimensionnel, c’est seulement en 2012 qu’il a décidé de tout arrêter pour mener une vie de retraité. Il avait pris déjà cette décision en 2005. Mais le président Amadou Toumani Touré ne lui en avait pas donné le temps. Les deux hommes se sont rencontrés dans un avion en partance pour la Mauritanie.

ATT lui a fait part de son intention d’acheter un Boeing 727 pour les vols présidentiels. Avec un tel projet, il avait forcément besoin d’un pilote expérimenté comme Ousmane Bocoum. Compte tenu de leurs rapports, à Mopti, il ne pouvait décliner l’offre de son cadet, qui en plus est président de la République.

Dans cet intervalle de temps, il était devenu par la force des choses l’homme à tout faire de la compagnie Air Mali, après les départs d’Abdoul Kader Tangara au Cameroun, et de Boubacar Diakité en Allemagne.

De Malitas à Air Afrique Ousmane Bocoum s’est occupé des vols présidentiels et internes avec parfois des déplacements au Burkina Faso, dont l’Etat malien louait l’avion. C’est lors d’un voyage dans ce pays que les Sierra Léonais lui proposèrent de meilleures conditions de travail, plus alléchantes.

Il dit n’avoir pas réfléchi deux fois avant d’accepter cette proposition. Notre compatriote Babani Sissoko le débauchera à la création de sa compagnie, Air Dabia. Ils ont collaboré pendant quatre ans (1996 -2000). Finalement cette compagnie a eu des problèmes et ses avions ont été cloués au sol. C’est ainsi qu’il rejoindra son complice Abdoul Kader Tangara, au Kenya qui était débordé par la fréquence des vols (2000-2002).

A la suite d’achat d’avions en novembre 2002, les Mauritaniens demandèrent solennellement à Ousmane Bocoum de les assister pour assurer les déplacements, et en même temps former leurs pilotes. C’était une façon de préparer la relève. C’est sur ces entrefaites qu’il a été rappelé par le président ATT comme évoqué plus haut.

Satisfactions

Durant l’entretien avec notre héros du jour, il nous est revenu de chercher à savoir si réellement il menait une vie de famille. Tantôt il était en voyage, tantôt au Kenya, en Sierra Léone, en Mauritanie, en un mot comment son épouse et ses enfants accueillaient et géraient ses absences répétées ? En plus des coups de fil qui ne suffisent pas dans tous les cas, est-ce que sa famille le réclamait ?

C’est seulement en Gambie qu’il était avec sa famille, sinon pour les autres séjours à l’étranger il vivait seul. A l’en croire, il est évident que sa famille désire toujours le voir à côté d’elle. Mais le sourire au coin des lèvres, Bocoum nous rappelle qu’un chef de famille n’a de valeur que lorsqu’il parvient  à  assurer son rôle, c’est-à-dire mettre sa famille dans les meilleures conditions de vie, selon ses moyens. Et sur ce plan, soutient-il, tout a été mis en œuvre pour assurer l’avenir et l’éducation de ses enfants à travers leur inscription dans les grandes écoles et universités. Et pour nous convaincre que son sacrifice a produit les effets escomptés, il nous a parlé de sa retraite  sous la forme de la réussite de ses enfants.

“Je vis une retraite paisible, partagée entre la mosquée, mes enfants et petits-enfants. Pour revenir sur votre question précédente, par mes investissements les enfants ont réussi. J’ai deux filles : l’une vit aux Etats-Unis, et l’autre travaille à la Francophonie en France. Le garçon est cadre de la Bcéao à Abidjan. Les autres à Bamako travaillent également. Tous m’aident et m’entretiennent comme il faut”.

Que fait-il de sa pension et des cadeaux de ses enfants ? Vit-il le bonheur ? Pour ces questions banales, Ousmane Bocoum a des réponses logiques. Il clame que le  bonheur est relatif et dépend du contexte dans lequel on le place, l’argent est consécutif aux dépenses. Autrement dit tant que l’argent est là, il y aura toujours des raisons valables pour l’utiliser.

Marié et père de huit enfants, les bons souvenirs de l’ancien pilote sont le plaisir d’avoir fait des vols, le respect et l’estime de l’environnement à son égard durant sa carrière.

O. Roger Tél : (00223) 63 88 24 23

 

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2 COMMENTAIRES

  1. Quand j’avais une dizaine d’année, je voyais ce Monsieur rentrer de ses voyages chez lui à la Sema en tenue de pilote. Cela me faisait rêver. J’ai nourrit le rêve de faire pilote. Le destin a décidé autrement, je suis devenu conducteur mais pas d’avion, de train.
    Aujourd’hui encore, je repète à mes enfants que mon rêve était d’être pilote d’avion.
    Je garde de lui l’image d’un homme calme, humble et discret.
    Je suis heureux de savoir qu’il a exercé jusqu’en 2012 et que c’est un homme heureux qui vit une retraite paisible auprès de ses enfants et petits enfants.
    Bon vent Monsieur le CDB.

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