Lutte contre l’esclavage au Mali : Les innovations majeures du Code pénal

Le nouveau Code pénal apporte des innovations majeures, à la lutte contre l’esclavage au Mali. Un grand pas en avant pour les défenseurs de droit de l’homme, qui militent depuis plusieurs années dans ce sens.

28 Août 2025 - 15:35
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Lutte contre l’esclavage au Mali : Les innovations majeures du Code pénal

L’Organisation internationale du Travail (OIT) à travers son Projet DRL-MLI 23/03/USA sur l’esclavage et les pratiques analogues au Mali, a organisé, du 29 au 30 juillet 2025, à l’Hôtel Flandre de Sévaré, un atelier de vulgarisation des nouveaux codes: Code pénal, Code de procédure pénale et de la Loi sur l’organisation judiciaire au Mali. Facilité par le Coordinateur national du Projet, Ibrahim Abathina Cissé, cet atelier a regroupé des universitaires, des professionnels de l’information et des membres de la société civile.

Pendant deux jours, les participants se sont familiarisés avec ces différents textes, notamment les dispositions légales de répression du fleau de l’esclavage, de la traite des personnes et du trafic illicite des migrants. Le nouveau Code pénal apporte des innovations majeures dans la lutte contre l’esclavage.

Le Livre III, Titre I et Chapitre 4 du Code pénal évoque les atteintes aux libertés de la personne tandis que la Section 4 aborde l’esclavage et les pratiques assimilées. Selon l’article 324-11, l’esclavage et les pratiques assimilées sont interdits. L’article 324-12 définit l’esclavage comme « l’état d’un individu sur lequel s’exercent des attributs comparables à ceux du droit de propriété ou certains d’entre eux ». 

Réclusion de dix ans et amende de 10 millions de francs pour tout coupable d’esclavage et de traite d’esclave

L’esclave est la personne qui n’est pas libre et se retrouve sous la dépendance absolue d’un ‘’maître’’ dans les conditions définies à l’alinéa précédent, précise l’alinéa 2 de cet article. L’alinéa 3 de cette même disposition explique que « la traite des esclaves comprend tout acte de capture, d’acquisition ou de cession d’un individu en vue de la réduire en esclave, tout acte d’acquisition d’un esclave en vue de le vendre ou de l’échanger, tout acte de cession par vente ou échange d’un esclave acquis en vue d’être vendu ou échangé, ainsi que tout acte de commerce ou de transport d’esclaves ».

Il ressort de l’article 324-13 que l’esclavage et la traite des esclaves sont punis de la réclusion de dix ans et d’une amende de 10 millions de francs.

L’article 324-14 définit le délit d’esclavage sexuel comme le fait de contraindre une personne, sur laquelle exerce un pouvoir associé au droit de propriété, soit pour l’avoir acheté, prêtée ou troquée à des actes de nature sexuelle. De lourdes sanctions frappent toute personne coupable d’esclavage sexuel qui risque la réclusion criminelle de vingt ans, une amende de 5 millions de francs et une interdiction de séjour de dix ans. L’âge, la maladie, l’état de grossesse et le handicap physique ou psychique de la victime constituent des circonstances aggravantes. Avec l’une des circonstances aggravantes, la peine est la réclusion de 20 ans, une amende de 10 millions de francs et une interdiction de séjour de 15 ans.

Les pratiques assimilées à l’esclavage, selon l’article 324-15, sont le placement, le servage et la servitude pour dettes. L’article 324-16 fournit plus de détails sur le placement en énumérant quatre cas. Le premier cas concerne une femme promise ou donnée sans son avis en mariage, moyennant une contrepartie en espèce ou en nature versée à ses parents, tuteur, famille ou toute personne ou groupe de personnes. Le deuxième cas frappe le mari ou la famille de ce dernier qui cède sa femme à titre onéreux ou autrement. Le troisième exemple de placement concerne le cas d’une « femme transmise par succession, à la mort de son mari à une autre personne ». Le dernier cas de placement, selon le nouveau Code pénal, est la situation d’un enfant remis soit par ses parents ou par l’un d’eux, soit par son tuteur, à un tiers contre paiement ou non, en vue de l’exploiter ou de le soumettre au travail. « Le placement, quelle que soit sa forme, est puni d’une peine de prison de dix ans et d’une amende de 1 000 000 de francs », tranche l’article 324-16.

Le servage est, selon l’article 324-17, la condition d’un individu tenu par la loi, la coutume ou un accord de vivre et de travailler sur une terre appartenant à une autre personne et de fournir à cette dernière, contre rémunération ou gratuitement, certains services déterminés sans pouvoir changer sa condition. « Le servage est puni d’un emprisonnement de dix ans et d’une amende de 1 000 000 de francs ».

L’article 324-18 définit la servitude pour dettes comme l’état ou la condition résultant du fait qu’un débiteur s’est engagé à fournir en garantie d’une dette, ses services personnels ou ceux de quelqu’un sur lequel il a autorité, si la valeur équitable de ces services n’est pas affectée la liquidation de la dette ou si la durée de ces services n’est pas limitée ni leur caractère défini. Cette pratique assimilée est punie de dix ans de prison et de 1 million de francs d’amende.  « Le fait d’épouser, faire marier ou empêcher de se marier, une femme réduite en état d’esclavage contre son gré est puni d’un emprisonnement de cinq ans et d’une amende de 1000 000 de francs. Tout rapport sexuel commis pendant un mariage survenu dans les conditions décrites à l’alinéa 1er, est réputé viol, et les dispositions de l’alinéa 4 de l’article 324-3 du présent code sont applicables ». 

Agent public visé par des lourdes sanctions 

L’article 324-20 nous apprend que la privation d’une veuve de la jouissance de son délai de viduité ou sa réduction pour cause d’esclavage est punie de cinq ans de prison ferme et 1 million de francs d’amende. La privation d’un enfant de l’accès à l’instruction à cause de l’état d’esclave de ses parents ou de lui-même est punie d’un emprisonnement de cinq ans et d’une amende de 1 million de francs, ajoute l’article 324-21. L’article 324-22 note que la privation d’un ayant-droit de son droit à l’héritage à cause d’un état d’esclavage est punie d’un emprisonnement de cinq ans et d’une amende de 1 million de francs. « Le bien dont la victime a été privée lui est restitué ».

Toute discrimination fondée sur l’état d’esclavage, dispose l’article 324-23, est punie de cinq ans de prison ferme et 250 000 francs d’amende. « Tout propos ou écrit privé ou public, tout acte privé ou public, de nature à approuver, encourager, ou faciliter l’esclavage est puni d’un emprisonnement de cinq ans et d’une amende de 250 000 francs. Cette peine est portée au double lorsque l’auteur de l’infraction est un agent public. Le code ordonne la destruction des supports ayant servi à la commission de l’infraction ».

Toute personne qui va proférer des injures publiques à l’encontre d’une personne en état d’esclavage sera sanctionnée d’une peine de prison, selon l’article 324-25.

L’article 324-26 évoque la responsabilité d’agent public qui a désormais l’obligation d’agir face à des pratiques d’esclavage.  « Tout agent public informé, dans le cadre de ses fonctions, de pratiques susceptibles d’être qualifiées d’esclavage ou de pratique  assimilées, a l’obligation de saisir le procureur de la république territorialement compétent. Se rend coupable de complicité passive du crime d’esclavage tout agent public qui, y ayant assisté, s’est abstenu d’intervenir pour empêcher sa perpétration ou qui, en ayant eu connaissance s’est abstenu d’en dénoncer les auteurs ou complices ».

La tentative et la complicité de l’esclavage et de pratiques assimilées sont punies de la même façon que celle-ci, rapporte l’article 324-27.

Selon l’article 324-28, l’interdiction des droits civiques à temps est, en outre, prononcé contre les personnes condamnées pour les infractions d’esclavage et des pratiques assimilées.

Par Chiaka Doumbia

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