Gouvernance et politiques publiques au Mali : Des politiques publiques peu réactives aux besoins des citoyens ?

Une large majorité des Maliens souffrent de difficultés concrètes : selon une enquête Afrobaromètre de 2025, 48 % jugent leurs conditions de vie mauvaises, 81 % ont souffert d’un manque d’argent ces 12 derniers mois, et seuls 42 % constatent une amélioration, tandis que 39 % estiment que leur situation s’est détériorée.

27 Août 2025 - 02:11
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Gouvernance et politiques publiques au Mali : Des politiques publiques peu réactives aux besoins des citoyens ?

Le soutien à la démocratie est faible : seuls 39 % préfèrent encore la démocratie à un autre régime, contre 36 % qui admettent qu’un régime non démocratique pourrait être préférable, dans certaines circonstances.

De plus, l’affiliation politique est en chute libre : seulement 14 % des Maliens se sentent proches d’un parti politique, contre près de 68 % en 2014, selon "Défis des jeunes, conditions de vie et pauvreté au Mali : Résultats de l’enquête Afrobarometer Round 10 au Mali" étude menée par le Groupe de recherche en économie appliquée et théorie, et Afrobarometer. "Ce désengagement affaiblit le lien entre besoins exprimés et formulation des politiques publiques".

Les politiques sont en général conçues par les institutions étatiques, souvent de manière centralisée. Le Vérificateur général (nouvellement nommé en mai 2025) peut certes signaler des anomalies dans la gestion des ressources publiques ; il publie un rapport annuel destiné aux plus hautes autorités.

Cependant, son impact sur la réactivité aux besoins citoyens (eau, santé, éducation) reste limité sans un suivi politique et une volonté de mise en œuvre. La société civile tente de combler les trous laissés par l’État : selon une analyse de l’USIP, "des organisations comme Femmes et Développement renforcent le dialogue entre communautés et autorités, notamment autour des questions de paix, droits humains et sécurité, y compris celle des femmes".

"Pour autant, ces initiatives, bien que vitales, restent incantatoires face aux besoins massifs - sans cadres institutionnels stables et inclusifs". Afrobaromètre collecte des données fiables sur l’expérience des citoyens depuis 1999 (via le GREAT au Mali). Ses enquêtes montrent des attentes fortes - par exemple, 58 % des citoyens estiment que les élus devraient écouter et agir selon les demandes des électeurs.

"Malheureusement, ces résultats sont rarement traduits en politiques concrètes ou mécanismes d’action publique. Le manque de diffusion auprès des décideurs et de traduction en programmes opérationnels limite leur utilité réelle", déplore un sociologue. Pour lui, "institutionnaliser la captation des voix citoyennes, via des enquêtes régulières et forums locaux systématiques ; renforcer les capacités du Vérificateur Général, avec un mandat étendu et des mécanismes de suivi public ; créer des plateformes hybrides (Etat-société civile), comme des conseils consultatifs locaux, pour coconstruire des politiques (eau, santé…) et surtout diffuser et utiliser les données Afrobaromètre dans les décisions - y compris des objectifs sectoriels basés sur les indicateurs citoyens", recommande le rapport, pour mieux avoir l’adhésion des populations.

Pour le rapport, "la faible réactivité des politiques publiques aux besoins fondamentaux est moins un problème d’intention qu’un problème de structure et de canalisation des demandes citoyennes. Le renforcement de la démocratie locale, l’inclusion proactive des données citoyennes, et le positionnement stratégique de la société civile sont autant de leviers pour redonner aux politiques publiques leur légitimité".

Aminata Agaly Yattara

Ce reportage est publié avec le soutien de Journalistes pour les droits humains (JDH) au Mali et NED

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