La Chicha, 30 mois apres son interdiction au Mali : Les menaces nouvelles

De l’importation, à la distribution en passant la vente et l’usage, depuis deux ans et demi une interdiction totale frappe la chicha au Mali. La mesure, bien que saluée par beaucoup de citoyens, avait suscité des discussions. Retour sur le bilan des 30 mois d’interdiction du narguilé à Bamako.

27 Août 2025 - 01:39
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La Chicha, 30 mois apres son interdiction au Mali : Les menaces nouvelles

15 août 2022. En conseil des ministres à Koulouba, le gouvernement malien se penche sur la question de la Chicha dont la consommation prend de l’ampleur chez les jeunes. Il adopte un arrêté interdisant "l’importation, la distribution, la vente et l’usage" du produit sur toute l’étendue du territoire national.

Le gouvernement malien se montre ferme dans l’arrêté contre toute personne qui tenterait de violer la loi. Les coupables encourent des peines d’emprisonnement allant 1 à 10 jours et du paiement d’une amende de 300 à 10 000 FCFA.

L’arrêté, cosigné par six ministères, entre en vigueur le 15 février 2023, après six mois de délai accordé aux usagers et revendeurs pour s’y conformer. A Bamako comme à l’intérieur du pays, la décision est saluée par la majorité de la population. Quelques interrogations subsistaient sur la capacité des autorités à appliquer la mesure. Retour sur le bilan des 30 mois d’interdiction totale.

A la chasse

En cette fin d’août 2025, il n’y a plus de traces des pipes à eau. L’appareil volait la vedette dans la capitale quelques années plus tôt. Dans les rayons de plusieurs grandes boutiques de vente d’articles divers et les bars à chicha reconnus d’avant les accessoires de la chicha ont complètement disparu, à première vue.

Ce résultat est le fruit de plusieurs mobilisations et actions menées sur le terrain, souligne l’Office central des stupéfiants (OCS). De 2024 au 1er semestre 2025, les services de OCS ont annoncé la saisie de plus d’une tonne d’appareils et accessoires de chicha et l’interpellation de 422 personnes ».

« Ces personnes interpellées ont été placées sous mandat de dépôt par le procureur. Les appareils saisis, tous détruits », affirme le directeur général de l’OCS Colonel-major Fousseyni Keïta. En plus des visites de contrôle, l’OCS a intensifié des activités de sensibilisation auprès des jeunes sur les dangers de la consommation et du trafic des drogues et autres stupéfiants, dont la chicha, souligne son directeur général.

Ces campagnes de sensibilisation se sont déroulées notamment dans les écoles, lors des activités populaires, sur des médias audiovisuels publics et privés.

Au total, l’office dit avoir mené « 206 campagnes de sensibilisation en 2025 ».

Bilan satisfaisant

Dans la lutte contre la chicha, de nombreux acteurs de la société civile soutiennent les autorités. Le Réseau ''Mali sans drogue'' est dans cette démarche depuis plusieurs années.

Pour son président Sidi Mohamed Samaké, ces deux années et demi d’interdiction de la chicha ont permis de faire bouger les choses dans la lutte au Mali. Selon lui, ce décret marque un point de départ « Depuis son entrée en vigueur, l'usage de la chicha a considérablement diminué au Mali. Elle a presque disparu des champs de vision public. C'est un bilan positif pour nous la société civile qui était très préoccupée depuis 2018 ».

Bien que disparue des champs de vision public, la chicha continue encore d’être consommée par les jeunes dans certaines boîtes et bars, confirme DD, usager. « Tout se fait maintenant dans la discrétion totale. Le cercle d’amis de fumeur est très filtré dans certains endroits », ajoute-il. Pour l’usager l’interdiction n’a pas assez impacté sur le prix de consommation.

Face à la dangerosité de la chicha sur la santé et sa forte dépendance de la pratique chez des jeunes, le Mali et plusieurs pays de la sous-région dont (Niger, Guinée, Cameroun, Benin, Kenya, Rwanda) l’ont interdit.

D'autres pays ont durci les lois sur la consommation du narguilé. L’usage de chicha en Côte d’Ivoire est interdit dans les lieux publics depuis 2012. Au Burkina Faso, la mesure d’interdiction concerne seulement la commune de Ouagadougou. Suite à ces durcissements de la loi de la pipe à eau, plusieurs pays dans le monde font face aujourd’hui à l’introduction d’autres produits comme la E-cigarette, la puff, le serpent ou blue tabacco, kush etc.

En juin dernier à Dublin, les experts au cours de la Conférence mondiale sur la lutte antitabac de l’OMS ont mis en garde contre la progression du marché de ces produits. Ces nouveaux produits, qui alertent-ils, sont « encore insuffisamment visés par les législations préventives ».

Puff

Par son design coloré et ses arômes fruités ou sucrés, il séduit de plus en plus de jeunes à Bamako. L’introduction de ces produits constitue « une menace réelle et un danger pour la jeunesse », soutien Sidi Mohamed Samaké, président du Réseau Mali sans drogue.

Souvent perçus comme des alternatives « modernes » ou « moins nocives » que la cigarette et la chicha, ces produits, de l’analyse de Dr Salif Koné pneumophtisiologue, tabacologue, exposent les consommateurs à la nicotine et à de nombreuses substances chimiques.

Pour Dr Koné ce qui inquiète particulièrement c’est l’attrait qu’ils exercent sur les jeunes. « Le puff, par exemple, par son design coloré et ses arômes fruités ou sucrés, est en train de séduire une nouvelle génération qui risque de devenir dépendante à la nicotine. Pour nous, professionnels de santé, c’est un nouveau défi de santé publique », alerte le praticien hospitalier au CHU du Point G.

Dire que le puff est inoffensif est une erreur, précise le praticien coupant court aux arguments des usagers. « Certes, il n’y a pas de combustion comme dans la cigarette traditionnelle, mais cela ne signifie pas absence de danger. Ces produits contiennent souvent de la nicotine, responsable d’une dépendance rapide, et des arômes chimiques qui peuvent provoquer des irritations bronchiques et entraîner une inflammation chronique. Les études montrent aussi qu’ils peuvent être une porte d’entrée vers le tabagisme classique. Il faut bien comprendre que moins nocif ne veut pas dire sans danger », ajoute-t-il.

Quelle réponse

Pour faire face à ces nouveaux défis, le Réseau Mali sans drogue propose de travailler sur la répression, la thérapie et la prévention. Ces trois domaines doivent évoluer ensemble de façon harmonieuse, pense Sidi Mohamed Samaké. Trois axes essentiels paraissent essentiels pour Dr Salif Koné, tabacologue.

Le premier concerne l’information et la sensibilisation des jeunes et des parents sur les risques réels des puffs et des e-cigarettes.

Le deuxième axe porte sur la régulation et l’encadrement. Sur ce point, Dr Koné propose « d’interdire la vente aux mineurs, de contrôler la publicité et l’importation comme cela a été fait pour la chicha ».

Le praticien hospitalier au CHU du Point G soutient de même le renforcement de la recherche scientifique locale. Ce, en documentant les usages, les impacts sanitaires et les représentations sociales autour de ces produits afin d’adapter nos politiques de santé.

Au cœur du bilan des 30 mois d’interdiction de la chicha au Mali, acteurs, population et spécialistes sont unanimes sur les progrès obtenus dans la lutte contre la consommation de chicha chez les jeunes au Mali. Cependant, « l’interdiction qui ne doit pas nous faire relâcher notre vigilance », préviennent les praticiens.

Kadiatou Mouyi Doumbia

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