Cinq ans de transition de la coalition M5 RFP- CNSP : Les Maliens entre attentes non comblées et promesses non tenues

18 Août 2020 – 18 Août 2025 la transition dirigée par la coalition militaro-civile, à savoir le Comité National pour le Salut du Peuple, CNSP et le Mouvement du 5 Juin Rassemblement des Forces Patriotiques, M5 RFP, a soufflé ses cinq bougies.

24 Août 2025 - 00:58
27 Août 2025 - 08:13
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Cinq ans de transition de la coalition M5 RFP- CNSP :  Les Maliens entre attentes non comblées et promesses non tenues

Que de chemin  parcouru et que d’espoirs déçus en cinq ans de transition au Mali. La grande espérance d’une écrasante majorité des maliens, qui a été celle de voir enfin les crises et autres préoccupations légitimes connaitre un début de solution  après la chute du régime IBK, s’est estompée au fur et à mesure que les années passent. Les problèmes, s’ils ne se sont pas exacerbés, restent entiers dans plusieurs domaines. Ainsi les attentes loin d’être comblées, les promesses loin d’être tenues ont toutes laissé place à la consternation, voir à la contrition. En effet, la promesse d’un lendemain enchanteur sur le plan social et d’une résolution définitive des crises sécuritaire, sociale et de mauvaise gouvernance, est allée à vau-l’eau. Et pourtant ce n’est pas faute des ressources humaines compétentes, encore moins de stratégies pour y parvenir, mais certainement faute de leadership affirmé, de vision large sur les enjeux et défis auxquels le pays est confronté et dont la réponse nécessite une lecture fine et intelligible. Faudrait-il continuer sur cette trajectoire sans issue ou changer de fusil d’épaule au grand bonheur du résilient peuple malien ? Que faut-il faire pour redresser la barre avant qu’elle ne se casse définitivement ?

Quand 4 millions de maliens sont sortis  un 14 janvier 2022, au-dedans comme au dehors,   pour soutenir de bonne foi les autorités de la transition ou simplement le Mali après les sanctions jugées inhumaines de la CEDEAO, c’était dans l’espoir de voir enfin le bout du tunnel. Celui d’un Mali débarrassé de tous les écueils qui bloquent son épanouissement comme l’insécurité, la corruption, bref la mauvaise gouvernance.  Quand le peuple dans son écrasante majorité avait accepté   la mise entre parenthèses de la démocratie et de toutes les libertés y afférentes, en dépit d’énormes sacrifices qu’il a consentis pour son avènement, c’était dans le but de donner un large espace aux autorités de la transition  afin de travailler à réparer les dommages et autres manquements à l’orthodoxie et à la bonne gouvernance causés par les régimes démocratiques précédents. Cinq ans après, le Mali est toujours à la case départ pour ne pas dire qu’il marche à reculons tant sur le plan socio-sécuritaire que politico-économique. Aujourd’hui dresser un bilan de cinq ans de transition qui doit en toute logique comprendre des actifs et des passifs relève d’un parcours de combattant et expose un libre penseur et un analyste neutre à la vindicte populaire des soutiens de la transition qui ne voient que le verre à moitié plein. Nous allons néanmoins nous y lancer en retenant essentiellement trois domaines : Politico-institutionnel, diplomatico-économique et socio-sécuritaire

Dans le domaine politico-institutionnel

Des reformes ont été faites comme l’adoption d’une nouvelle constitution, la rédaction d’une Charte nationale pour la paix et la réconciliation en remplacement à l’Accord pour la paix et la réconciliation de 2015 conclu en Algérie sous IBK. Il y a eu également l’organisation des concertations qui ont abouti à la naissance d’une première Charte de la transition. Que dire de la tenue des Assises Nationales de la Refondation, ANR, qui, de l’avis de tous les grands observateurs, sont à la base de la chaotique situation dans laquelle se trouve le Mali. Ces Assises ont non seulement abouti à la rédaction d’une nouvelle charte de la transition, mais aussi tracé les contours de l’interminable transition. Toutes les deux chartes ont fixé un délai devant mettre fin à la transition, mais elle continue sur la base des recommandations d’une autre concertation dite des forces vives de la nation. Cette dernière concertation a donné quitus aux autorités de prolonger autant de fois qu’elles le désirent jusqu’à la pacification totale du pays avec in fine la candidature du Président de la transition et celle des ministres et des membres du CNT qui souhaitent être candidats. Comment ne pas évoquer la dissolution des partis et associations à caractère politique ? Les autorités, pour assouvir leur dessein ont d’abord commencé par dissoudre la charte des partis politiques ensuite les partis politiques eux-mêmes ainsi que les associations à caractère politique. Comme si cela ne suffisait pas, interdiction leur a été faite de se réunir en quelque lieu que ce soit encore moins de manifester. Comme si tout cela ne suffisait pas encore on leur a demandé des comptes sur plus de 25 ans de gestion.      Bref les espaces de libertés ont été restreints et la fin de la transition qui devrait consacrer le retour à l’ordre constitutionnel est renvoyée aux calendes grecques

Dans le domaine diplomatico-économique :

Les autorités avaient pris certaines décisions comme le retrait  du G5 Sahel, de la CEDEAO et de la Francophonie, mais il a initié la création, avec le Niger et le Burkina Faso, de  l’Alliance des Etats du sahel, l’AES qui est devenu par la suite la Confédération des Etats du Sahel. Cette nouvelle organisation qui se fixe comme objectif de combler le vide créé par le retrait de la CEDEAO et surtout conjuguer les efforts afin d’arriver à bout du terrorisme. Les autorités maliennes ne se arrêtées au retrait de ces organisations sous régionales, elles ont rompu diplomatiquement avec la France avec comme corollaire l’expulsion des médias français comme RFI et France 24 et  TV5 plus tard, pour se tourner vers la Russie. Cette nouvelle coopération beaucoup plus large avec la Russie a-t-elle donné les résultats escomptés ? Une bonne question surtout quand on sait que les problèmes sécuritaires et socioéconomiques s’exacerbent.  Le Mali dans sa marche souverainiste s’est  brouillé diplomatiquement  avec la Côte d’ivoire et l’Algérie et a opté pour une large coopération avec le  Maroc, le grand rival algérien. Une erreur diplomatique à ne pas commettre compte tenu de notre proximité avec l’Algérie et surtout des liens socioéconomiques, voire culturels avec ce grand voisin. Comme si ces brouilles ne suffisaient pas le pays n’est pas en bonne odeur de sainteté avec la Mauritanie, mais il  se rapproche de la Turquie et de la Chine. Que dire de la  rupture avec une partie de la Communauté internationale qui se reconnaissait en la MINUSMA éconduite à la frontière ? Toutes ces décisions, dit-on, n’avaient qu’un seul objectif réaffirmer la souveraineté du Mali. La question qui taraude les esprits est celle de savoir si ces choix diplomatiques ont apporté les résultats escomptés au Mali et surtout au peuple malien. Rien qu’à en juger par la mauvaise santé de l’économie, par l’exacerbation de la crise socio-sécuritaire et par l’isolement diplomatique, l’on en déduirait que les autorités se sont trompées, certainement de bonne foi, de combat en se brouillant avec un nombre important de pays, alors même qu’il a besoin de tout le monde. L’économie du Mali se porte mal et elle a besoin de nouveau souffle.

Dans le domaine socio-sécuritaire

S’il faut reconnaitre que l’armée malienne a été dotée d’équipements militaires et fait l’objet d’organisation structurelle, mais  force est de constater que la sécurité s’est fortement dégradée ces derniers temps. Les FAMa ont certes engrangée des victoires sur l’ennemi et ont même libéré Kidal du giron des Rebelles avec le soutien des instructeurs Russes, mais le mal sécuritaire s’est métastasé pour atteindre tout le pays. Faudrait-il voir en la brouille diplomatique avec certains pays, la cause de l’exacerbation de la crise sécuritaire ? Ou encore la tension politico-sociale interne en est-elle pour quelque chose ? Nous ne saurons l’affirmer, mais il est de bon ton que quand un pays est en crise profonde et multidimensionnelle comme ce que nous connaissons au Mali, les autorités doivent minimiser les brouilles diplomatiques, rassembler le peuple, à travers les forces vives de la Nation, afin que chacun puisse apporter sa solution, car c’est ensemble que l’on pourra trouver le remède à tous ces maux. 

Faudrait-il continuer sur cette trajectoire sans issue ou changer de fusil d’épaule au grand bonheur du résilient peuple malien ?

Après cinq ans de pilotage à vue l’heure de se ressaisir semble sonner, celle de la cohésion et de l’unité semble carillonner. En effet,  le salut des autorités et celui du Mali tout entier passent par un changement de paradigme, par une prise de conscience du danger qui guette le Mali et qui le menace dans son essence, en d’autres termes il est plus que nécessaire d’aller au rassemblement autour du Mali. Pour ce faire, les maliens doivent taire leurs querelles byzantines, mettre sous le boisseau leurs intérêts sordides, communier en priant afin de sauver le Mali qui est sur le point de s’effondrer au grand dam de tous. Le constat est certes amer, mais il est réel, les Maliens n’ont jamais été aussi divisés, aussi divergents sur l’essentiel et aussi antagoniques sur le fondamental. Il est grand temps que les autorités descendent de leur piédestal royal  pour devenir des autorités au service exclusif du peuple.

 Que faut-il faire pour redresser la barre avant qu’elle ne se casse définitivement ?

Pour redresser la barre trois mesures urgentes s’imposent, la première est de revenir sur la décision de dissolution des partis politiques, soit en abrogeant la loi ou en diligentant la rédaction d’une nouvelle charte des partis politiques de concert avec les acteurs politiques majeurs. La deuxième décision urgente doit être l’harmonisation de nos relations avec l’Algérie, mais aussi avec la Côte d’Ivoire sans rompre avec les autres pays  comme le Maroc. Il n y a pas que ces deux pays, il faudrait une décrispation et un réchauffement des relations diplomatiques avec la France et l’occident sans rompre avec la Russie. La troisième et dernière mesure urgente à prendre est la formation d’un gouvernement d’union nationale avec à la clé l’organisation d’élections dans un bref délai avec comme seul objectif signer le retour à l’ordre constitutionnel normal, pour clore le long et tumultueux chapitre de la transition. C’est à ce seul prix que l’on pourrait éviter à notre pays un effondrement certain.

En définitive, L’évaluation de ce quinquennat devrait donner lieu à une introspection sans complaisance et aboutir à une conclusion conséquente de la part des autorités afin de changer de trajectoire. Les Maliens ont  trop souffert alors ils ont besoin de solutions à leurs multiples maux.    

Youssouf Sissoko

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