Historique du football Malien: Si le football malien m’était conté

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Depuis les années 60, le football malien a toujours eu mailles à émerger au plan international. Et depuis les jeux africains de Brazza en 1963, il s’est toujours heurté à des échecs à répétition. Et ce, toujours près du but. Mais ces derniers temps, avec la victoire significative des cadets à la CAN 2015 et le parcours honorable des juniors à la coupe du monde de leur catégorie, on assiste à une certaine embellie, un renouveau prometteur. Est-ce la fin du signe indien?

La série noire

Après les indépendances, le Mali pouvait se vanter d’avoir l’un des footballs les plus performants du continent. Ils sont légion ces monstres sacrés du ballon rond qui ont défrayé la chronique et éclaboussé le football africain de leur talent. Karounga Keïta, Cheick Fantamady Keïta, Cheick Fantamady Diallo, Sadia Cissé, Moussa Traoré dit Juglas, Idrissa Touré dit Nani et bien d’autres, et surtout le phénoménal Salif Keïta dit Domingo. Immense talent capable à lui seul de gagner une rencontre. Avec cette pléiade de talents, les Aigles pouvaient légitimement aspirer à un trophée continental. Mais comme poursuivis par un signe indien qui semblait leur coller à la peau, les footballeurs maliens échoueront toujours près du but.

1965: après l’échec du stade malien, coiffé sur le fil par l’ASEC d’Abidjan (2-1 après un nul 2-2 à Bamako), ce sera au tour du Réal de Bamako de connaitre la déconvenue en finale de la coupe d’Afrique des clubs champions face aux Ivoiriens du stade d’Abidjan (1966). Et pourtant, après leur éclatante victoire (3-1) de Bamako, les réalistes étaient bien partis pour l’emporter.

Après la réduction du score à Bamako par Peter Théodore, Déhi Maurice, le goléador ivoirien se chargera d’annihiler l’avance des deux buts acquis au Modibo Keïta en quinze petites minutes. Et lors des prolongations, et après que Balla eut marqué pour le compte du Réal, rétablissant un score de parité (3-1) sur l’ensemble des deux matchs, Joseph Bléziri dit «Jo» le virevoltant ailier ivoirien sonnera le glas des représentants maliens à la 105è minutes. Score final: 4-1.

Il faut dire que Domingo qui avait un chien de garde à ses basques, en l’occurrence Lamizana l’ivoiro-voltaique, fut constamment muselé. Ce sera le même Lamizana qui va amputer l’équipe malienne de sa force motrice, Ousmane Traoré dit Ousmane Blé’n autour duquel tout le système était échafaudé. Ousmane Blén sera victime au cours du match d’une fracture à la jambe. Car, sans ce métronome de Ousmane, SalifKéïta perdait la moitié de ses moyens…………. Concernant ce dernier une campagne de dénigrement. Et pourtant, c’était une pimpante équipe que cette formation du Réal de Bamako. Dans son parcours, elle avait tenu la dragée haute et mis en échec l’ogre camerounais, l’Oryx de Douala, emmené par l’immense Bappé Lépé perché sur deux mètres, grand baroudeur doté d’un sens inné du but. (3-2).

Puis ce sera en 1972 l’épopée camerounaise en phase finale de la coupe d’Afrique des Nations. Les Aigles qui ont réussi à se hisser en finale, après une demi-finale épique face aux Léopards du Zaïre actuel RDC (4-3) après prolongations trébucheront face aux Diables rouges du Congo mené par le phénoménal François M’Pelé alors professionnel à Nice. Malgré un forcing de dernières minutes sur la défense congolaise, le Mali perdra 2-3. Deux des trois buts congolais seront l’œuvre d’un homme : N’Bono le sorcier qui vola la vedette à un Domingo diminué gravement touché à la cheville lors de cette même fameuse demi-finale.

Il faut dire qu’avant cette finale, l’infirmerie malienne était archicomble et pleine à craquer, suite aux 120 minutes livrées en demie finale.

Dans ces mêmes années 70, ce sera l’odyssée du Djoliba Atletic Club en coupe d’Afrique des Clubs Champions. Arrivés aux portes de la finale après un brillant parcours, les champions maliens seront confrontés à l’ogre ghanéen, l’Ashanti Kotoko de Koumassi. Après avoir réussi l’exploit de tenir en échec cette redoutable formation dans son antre fétiche de Koumassi où elle est irrésistible, les Maliens baisseront les bras au stade omnisports Modibo Keita, après avoir réussi le plus dur et le gros du boulot. Avec un but assassin concédé dans les ultimes minutes au grand dam du public sportif malien.

On ne saura clore ces séries d’échecs et de désillusions sans parler des jeux africains de Brazza organisés en 1963 dans l’euphorie des indépendances. Le Mali se sera distingué par son football chatoyant, son jeu collectif et sa technique, faisant l’unanimité sur sa classe. Mais parvenu en finale après un brillant parcours, il se fera accrocher par le pays hôte.

Les footballeurs maliens des années de l’indépendance ne redoutaient aucune formation sur le continent. A titre d’exemple et à preuve, cette éclatante et retentissante victoire « 6-4 » arrachée aux Ivoiriens de l’ASEC d’Abidjan, une équipe constellée de vedettes tels que Konan Yobouet, Jules Nénéby et autres Jean Keita, l’international gardien de but, un Malien reconverti ivoirien pour les besoins de la cause.

Devant un public ahuri et médusé du stade Houphouët Boigny par un Domingo éblouissant et les siens. Alors qu’à l’aller à Bamako, ils s’étaient contentés d’un match nul « 2-2 ». Or aujourd’hui, la Côte d’Ivoire est en passe de devenir notre bête noire, si elle ne l’est déjà. Ironie du sort!

Puis vint la désastreuse campagne de 1977. Pas désastreuse pour l’équipe malienne, mais plutôt pour l’éthique sportive. Malgré son élimination précoce et sa courte victoire de Bamako à l’aller (1-0) sur un tir tendu de Cheick Fantamady Keita ce jour-là au four et au moulin, au retour au stade municipal de Bouaké choisi pour la circonstance, les Ivoiriens ont pourri l’atmosphère, réservant un accueil des plus hostiles aux maliens. Un véritable enfer. Durant leur séjour, les Maliens essuyèrent intimidations et provocations de la part de leurs hôtes. Un officier ivoirien, de surcroit un colonel, fera même irruption sur l’aire de jeu pour empêcher Salif Keita de se désaltérer. Le car transportant les joueurs maliens sera cagnassé et un joueur malien prendra les éclaboussures des vitres dans l’œil. Dans cette atmosphère électrique, les Aigles ne pouvaient qu’être battus (2-0). Mais ils seront tombés les armes à la main.

Et à leur décharge, il faut dire que les conditions pour une victoire n’étaient point réunies, loin s’en faut.

Mais à leur prochain match contre les Diables rouges du Congo, le sort se chargera de venger les Maliens. En effet, les Ivoiriens à leur tour vivront une situation similaire à Brazzaville, sinon pire, et verront même leur drapeau ivoirien déchiré et vilipendé. Leur maigre avance d’Abidjan (3-2) sera annihilée et ils seront boutés hors de la compétition (0-2).

Ironie du sort qui s’amuse souvent à nos dépens en nous jouant des tours pendables ! Là encore, il faut dire que le Mali fut victime du sort, car cette équipe de 1977 disposait d’arguments serieux et aurait même été capable d’aller très loin dans la compétition.

Plus près de nous, une autre occasion ratée pour le football malien dans ces années 2000. Le Djoliba AC qui avait réussi à décrocher son billet pour la finale de la Coupe CAF sera freiné dans sa course victorieuse par l’équipe de Dolizi du Congo Brazzaville qui, il faut le dire, lui était supérieure sur tous les plans.

Une lueur d’espoir dans la grisaille

Aujourd’hui, les Maliens se surprennent à rêver à nouveau. Et pour cause. La prestation plus qu’honorable de nos jeunes à la CAN 2015 (pour les cadets) et le bon parcours de nos juniors médaillés de bronze à la coupe du monde de leur catégorie, constituent une lueur d’espoir dans cette grisaille permanente. A tel point que certains sportifs préconisent de donner la priorité à ces jeunes en équipe A.

Du côté des séniors, on sent aussi une marge de progression. Après une 3eme place à la CAN gabonaise, ils ne seront éliminés que sur tirage au sort en Guinée Equatoriale. Après avoir tenu en échec toutes les formations de leur poule, et surtout les deux ogres ivoirien et camerounais. Le football ne vaut que par la préparation rigoureuse, en évitant toute improvisation, ce qui, hélas, n’est pas le fort du malien. Mais une fois n’est pas coutume, dit-on, et l’on espère que cette fois-ci, les responsables sportifs (ministère et fédération) sauront prendre des mesures judicieuses pour impulser du sang nouveau au football malien.

Le Bilan

Ecœurant, et même…presque catastrophique.

-Une CAN cadette de second palier, bien que remportée de haute lutte en 2015.

– Une coupe CAF considérée comme de deuxième catégorie par rapport à la prestigieuse ligue des champions qui regroupe les cracks nationaux issus des différents championnats locaux remportée en 2009 par le Stade malien face au représentant algérien.

-Dans une certaine mesure, et au regard de l’évènement, on peut ajouter cette médaille de bronze, synonyme de 3eme place, récoltée par nos juniors lors de la dernière coupe du monde de la catégorie, encore en 2015.

Au final, aucun trophée d’envergure, car la CAN sénior et la ligue des champions demeurent les coupes-reines du continent. Mais comme on a coutume de le dire, il n’est jamais trop tard pour bien faire, même si un long retard peut porter préjudice au moral. En CAN 12 phases finales et finaliste en 1972. 0 phases finales en Coupe du monde et aux jeux olympiques un quart de finaliste en 2004. Jeux africains en 19654 finaliste, Tournoi de l’UEMOA finaliste : 2008, 2011, 2016. Coupe Amilcar Cabral vainqueur en 1989, 1997, 2007 ; second en 1979, 1981, 1987, 1988. Coupe d’or Kwame Nkrumah finaliste en 1963 et Coupe Laurent Gbagdo de l’Unité UFOA vainqueur en 2005.

Que retenir de tout cela ? Que, malgré tout le mérite qui lui revient, le Mali a toujours joué les seconds rôles sur l’échiquier footballistique du continent. A preuve, il a toujours été considéré par les spécialistes comme une équipe sympathique, un trouble-fête lors des récentes C.A.N. Une formation tout juste susceptible dans un bon jour de bousculer les ténors et les grands. Il va donc falloir s’extirper de ce rôle secondaire pour s’illustrer brillamment lors des grands rendez-vous. C’est un défi à relever. Vivement une coupe d’envergure dans cette disette sportive. C’est le moins qu’on puisse souhaiter.

Souvenirs –Souvenirs

Ils sont nombreux ces géants que la mémoire collective a relayés aux oubliettes, enterrés à jamais et relégués aux calendes grecques. Bakaridjan est de ceux-ci. Véritable légende des premiers temps du pays, il aura brillé au firmament du football malien et finira par devenir le leader incontesté du lot de footballeurs des années de l’indépendance. Son nom devrait être inscrit en lettres d’or dans les annales du sport malien. Et pourtant, hélas ! Avec lui, il faut citer Abdoulaye Diawara dit Blocus. A propos de lui, écoutons plutôt les déclarations de l’entraineur du Stella-club d’Abidjan avec lequel le Djoliba avait croisé le fer en amical au stade Houphouët Boigny : « Ce blocus est sans doute un des plus grands joueurs du continent. Il est phénoménal. Vraiment, il m’a épaté » No comment !

Cet après-midi-là, Blocus brilla de mille feux, dominant partenaires et adversaires, manquant de peu de donner l’avantage à son équipe avec ce boulet de canon de 45 mètres qui alla s’écraser sur le montant de Koffi N’Guessan, le gardien ivoirien. Score final : 1-1. Dans la foulée, il faut citer Moussa Traoré dit Juglas, Idrissa Touré dit Nani, Chiekné Traoré dit Kolo, Sadia Cissé, Cheick Oumar Mara, Fatogoma Ouattara, Labas Diakité, MocktarMaiga, Kidian Diallo,… On ne pourra pas tous les citer, tant ils sont nombreux, ces artistes qui ont fait les beaux jours du foot malien. C’est dire combien ce football était foisonnant de talents.

Bokoum Abdoul Momini/maliweb.net

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