Les chefs d’Etat major planchent sur le plan d’attaque, les politiques tendent l’oreille vers Ouaga. Et ils ont déjà entendu un premier frémissement : le clan Ansardine reçu par Compaoré rejette toute violence, tout extrémisme et toute forme de terrorisme. C’est beaucoup et peu en même temps.

Beaucoup parce que c’est un désaveu de l’allié salafiste qui fonde son jihad local sur la légitimité malienne d’Ansardine. Et c’est peu parce que sur le dossier du Nord, on aura vu souvent les engagements engloutis par les sables mouvants de la realpolitik. Et puis, on n’a pas besoin de loupe pour voir que le groupe parti à Ouaga est l’aile la plus flexible d’Ansardine. Alghabass Ag Intallah qui y dirige la délégation n’est pas connu comme un intégriste. De plus, il est le futur amenokal -ou leader- de Kidal et il sait que son leadership se heurtera à la double légitimité de chef de guerre et de leader religieux de Iyad Ag Ali. Alors, la charia ne saurait être pour lui un objectif non-négociable. La véritable fumée blanche pour le Nord-Mali, c’est d’Alger qu’il faut l’attendre où se trouve le chef d’Ansardine qui a eu certes une vie antérieure mais dont la foi musulmane passe pour s’être progressivement radicalisée depuis son passage à la Dawa dans les années 1990. Une rupture d’avec la galaxie salafiste prononcée de la bouche de ce stratège hors-pair a donc plus de poids que venant de toute autre leader de son mouvement. Or il a beau être un stratège, Iyad Ag Ali aura trop joué et peut avoir embouché plus qu’il ne peut mâcher cette fois-ci. Il sait qu’Aqmi est la seule vraie force militaire sur le terrain où il vit et que la nébuleuse ne lui pardonnera une nième rebuffade. A moins qu’il ne soit à Alger pour y rester, bunkérisé, le temps de la guerre. D’une guerre que lui sait encore un peu trop loin pour être hors de portée d’une vengeance de Abuzeid plutôt que de Belmoktar. Le premier étant plus obstiné et plus porté sur le prosélytisme au Sahel que le second qui serait resté encore un peu plus dans son business. Sans assurances fortes, Iyad Ag Ali ne fondra pas. Mais il n’est pas suffisamment solide pour empêcher les « dissidences » qui affaibliront son mouvement. Ouaga en est la preuve. Au-delà de la version dunaire du serpent qui se mort la queue, les pages qui s’écrivent sont pourtant celles d’une autre Aqmi : celle qui n’a jamais été autant mise en difficulté depuis janvier dernier où le Mnla et Ansardine l’ont sortie de ses grottes.
Adam Thiam