Guerre d'influence: une mine canadienne passe aux mains des Russes en Afrique

26 Août 2023 - 14:26
26 Août 2023 - 14:26
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Guerre d'influence: une mine canadienne passe aux mains des Russes en Afrique
OTTAWA – Une compagnie minière canadienne, qui exploitait un des plus importants gisements d’or de la République centrafricaine, fait les frais de la guerre d’influence de la Russie sur le continent africain pour chasser les Occidentaux et contrôler les ressources naturelles. L’affaire remonte à 2019 quand le gouvernement centrafricain retire son permis d’exploitation de la mine N’dassima à une entreprise enregistrée à Vancouver et cotée à la Bourse de Toronto, Axmin. Quelques mois plus tard, la mine d’or est cédée à Midas Ressources, une compagnie du groupe russe Concord Management, contrôlé par Evgueni Prigojine, le patron de la milice Wagner qui aurait été tué cette semaine. Les mercenaires de Wagner sont présents en Centrafrique depuis 2017. Ils assurent la sécurité du président Faustin-Archange Touadéra, en échange du contrôle de ressources naturelles. Un des leurs, Valery Zakharov, a même été le conseiller spécial du président en sécurité nationale. Les mercenaires russes opèrent de façon similaire dans d’autres pays africains, dont le Mali, sous le couvert d’une nébuleuse d’entreprises relevant toutes d’Evgueni Prigojine. Mais la Centrafrique «est l’exemple le plus avancé du modèle économique de Wagner en Afrique, au point que ses interventions pourraient être décrites comme une capture de l’État», écrit l’Initiative mondiale contre la criminalité organisée transnationale dans un rapport publié en février. Washington préoccupé Axmin n’est donc qu’une compagnie occidentale parmi d’autres à croiser la route des Russes en Afrique. Mais ses déboires inquiètent Washington, car les officiels américains estiment que la gigantesque mine N’dassima a le potentiel de financer les opérations de Wagner dans le futur, selon des câbles diplomatiques obtenus par Politico. Connue comme étant une des seules du pays industriellement exploitable, la mine a une valeur brute estimée à 2,8 milliards $, d’après une étude d’Axmin. L’entreprise n’a pas répondu aux questions du Journal, et Affaires mondiales Canada, qui appuie les compagnies canadiennes à l’étranger, a refusé de commenter «pour des raisons de confidentialité commerciale». D’après les câbles diplomatiques, il apparait cependant clair que des hommes de Wagner chapeautent maintenant les opérations à N’dassima et l’ont littéralement fortifiée. Les câbles indiquent que la production s’est accélérée de manière «extraordinaire» en 2022. De l’or pour financer la guerre Washington a sanctionné Wagner et Midas Ressources en juin, indiquant que la nébuleuse «finance ses opérations brutales en partie grâce à l’exploitation de ressources naturelles dans les pays comme la Centrafrique et le Mali». Affaires Mondiales Canada, qui a aussi sanctionné le groupe russe pour son rôle en Ukraine, déclare pour sa part être «préoccupée par la présence de Wagner» en Afrique et par «son impact sur la sécurité et les intérêts commerciaux étrangers». Le gouvernement centrafricain affirme lui avoir éjecté Axmin car elle ne respectait pas les délais légaux pour débuter l’exploitation de la mine. Mais l’entreprise canadienne réplique que les conditions sécuritaires sur place, en particulier la présence d’hommes armés, rebelles et mercenaires, l’empêchaient de travailler. Axmin, qui aurait investi 900 millions $ dans le développement de N’dassima depuis 2006, a tenté pendant des mois de négocier avec les autorités locales pour récupérer la mine, sans succès. Elle s’adresse maintenant à la Cour internationale d’arbitrage. La Centrafrique est un des pays les plus pauvres du monde. 71% de la population vit avec moins de 1,90 dollar par jour, indique la Banque mondiale. Les Nations Unies estiment que 56% de la population aura besoin d'une assistance humanitaire et d'une protection cette année, une augmentation de 10% par rapport à 2022.
QUE CHANGE LA MORT DU CHEF DE WAGNER EN AFRIQUE? La mort d’Evgueni Prigojine ne veut pas dire que Wagner et le Kremlin disparaitront du paysage africain, prévient Lova Rinel, chercheuse spécialiste de Wagner et de la Russie sur le continent, associée à la Fondation pour la recherche stratégique. «Comme toute mafia, vous avez coupé la tête de la pieuvre, mais elle repousse», a-t-elle prévenu dans le magazine français L’Express. Elle estime même que le successeur d’Evgueni Prigojine pourrait être nul autre que l’ex-conseiller du président centrafricain, Valery Zakharov, commandant en chef de Wagner. Cet ancien agent des services secrets russes est un des derniers survivants de la hiérarchie Wagner, puisque les deux successeurs les plus évidents du chef, Sergueï Sourovikine et Dmitri Outkine, seraient aussi décédés. Continent stratégique Après sa mutinerie de juin, Evgueni Prigojine s’est fait discret. Mais il a consacré ses rares apparitions à l’Afrique, signalant l’importance du continent pour la Russie. Mme Rinel souligne que «la guerre en Ukraine a fait de l’influence russe en Afrique une nécessité absolue, parce que Vladimir Poutine a besoin du vote des dirigeants africains lors des résolutions votées à l'ONU». Dans une vidéo diffusée le 19 juillet, Evgueni Prigojine indiquait que ses hommes allaient quitter le front ukrainien pour se concentrer sur l’Afrique: «Ce n’est pas la fin, mais le début d’une grande œuvre qui sera bientôt réalisée», disait-il. Fin juillet, il apparaissait sur une photo où il serrait la main de Freddy Mapouka, le chef du protocole du président de Centrafrique, en plein sommet russo-africain, à Saint-Pétersbourg. Finalement, deux jours avant le crash de son jet privé, il faisait une dernière apparition vidéo dans laquelle il affirmait être en Afrique. En tenue de camouflage, il déclarait que ses hommes rendent «la Russie encore plus grande sur tous les continents et en Afrique». Et en Centrafrique, la mort du chef de guerre ne devrait pas changer la donne car le gouvernement local affirme avoir signé «un accord de défense avec la Russie et non avec Wagner», et que Moscou a «sous-traité» avec le groupe paramilitaire. Après avoir nié pendant des années un quelconque lien entre le Kremlin et Wagner, Vladimir Poutine a admis que la Russie a versé 86 milliards de roubles au groupe paramilitaire, soit plus de 1,2 milliard $. En échange, les mercenaires servent de bras armé du Kremlin à l’étranger. Source: https://www.journaldemontreal.com/

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