La Chine et l’Europe se rapprochent
Récemment, on a assisté à une intensification attendue des différents niveaux de contacts entre la Chine et l’Europe. Cette dernière agit à la fois sous la forme de structures interétatiques et par le biais de pays individuels.

Remarques préliminaires générales
Tout d’abord, il convient de noter qu’au cours des dernières années, la Chine et l’UE sont devenues des partenaires commerciaux de premier plan l’une pour l’autre. En 2023, le volume des échanges bilatéraux de marchandises s’est élevé à 739 milliards de dollars, mais s’est soldé par un déficit de 292 milliards de dollars pour l’Union européenne. Cette situation, particulièrement défavorable pour les Européens, représente l’un des principaux contentieux dans leurs relations avec la Chine. Le même déséquilibre affecte d’ailleurs les relations sino-américaines, ayant constitué l’une des motivations essentielles poussant Donald Trump à déclencher sa « guerre commerciale ».
Cependant, les défis des relations entre l’UE et la Chine vont au-delà de cette question. Depuis une dizaine d’années, Bruxelles est aux prises avec ce qu’elle appelle le « shopping chinois », une tendance selon laquelle des entreprises européennes importantes (en particulier dans les secteurs de haute technologie) sont confrontées à des menaces de rachat par des investisseurs chinois. Depuis un an ou deux, la perspective d’une « inondation du marché européen » par des produits chinois relativement bon marché issus des technologies les plus récentes, comme les voitures électriques, les panneaux solaires, les éoliennes et bien d’autres, est perçue ici comme une menace non moins sérieuse.
En d’autres termes, ce n’est pas seulement (et même pas tellement) le facteur de l’alliance avec Washington, mais ses propres arguments de poids qui, premièrement, forcent Bruxelles à ériger des barrières au développement des relations commerciales et économiques avec Pékin et, deuxièmement, réduisent l’espace pour les manœuvres manifestement anti-américaines de ces derniers mois en intensifiant la politique en direction de la Chine. Jusqu’à présent, tout cela ressemble davantage à des manifestations politiques sans fondements solides et dont les perspectives de développement ne sont pas claires.
Quant aux motifs qui sous-tendent l’intensification de la politique européenne de la Chine, parallèlement au même plan de manœuvre anti-américain, le facteur de la concurrence pour l’influence sur l’Europe avec d’autres acteurs asiatiques de premier plan, tels que l’Inde et le Japon, devient de plus en plus important pour la Chine.
Contacts sino-européens de ces dernières semaines
Tout d’abord, l’attention a été attirée sur un certain nombre d’événements de grande envergure organisés au cours de la première moitié du mois de mai de cette année sur le territoire chinois pour marquer le 50e anniversaire de l’établissement des relations officielles entre Pékin et Bruxelles, au cours desquels des déclarations notables ont été faites. En particulier, lors d’une réception le 6 mai, le vice-dirigeant chinois Han Zheng, s’adressant aux invités européens, a déclaré qu’il n’y avait pas de « conflit d’intérêts fondamentaux ou de contradictions géopolitiques, ce qui fait (des deux parties, ndlr) des partenaires qui contribuent au succès de l’autre ».
Un appel a également été lancé pour « approfondir la coopération, résoudre correctement les différends commerciaux et économiques et travailler ensemble pour faire respecter les règles et les procédures du commerce multilatéral ». L’implication de la dernière partie de cette remarque, qui préoccupe les deux parties, ne peut être mise en doute. En ce qui concerne l’UE, elle se reflète dans une illustration remarquable du Global Times.
De son côté, l’ambassade de l’UE à Pékin a organisé son propre événement, auquel a assisté la porte-parole du ministère chinois des affaires étrangères, Hua Chunying. Cet événement coïncidait avec le 75e anniversaire de la « Déclaration Schuman », considérée aujourd’hui comme le début d’un long processus d’intégration européenne, et dont la date de publication (9 mai) est célébrée comme la « Journée de l’Europe ».
Le format Chine-Pays d’Europe centrale et orientale (PECO) a organisé une foire régulière en mai, au cours de laquelle les produits de plus de 400 entreprises des partenaires européens de la Chine ont été présentés. Après le retrait de trois pays baltes des PECO, l’organisation comprend désormais 14 pays d’Europe centrale et orientale. Il convient toutefois de noter que cette fois-ci, les entreprises des deux principaux pays de l’UE, à savoir l’Allemagne et la France, ainsi que la Grande-Bretagne, étaient également représentées à la foire. Pourtant, jusqu’à récemment, Bruxelles se méfiait des PECO, qu’elle considérait comme une source de « séparatisme sur le continent ».
Il convient de noter à cet égard que le chancelier allemand F. Merz et le président français E. Macron ont été les interlocuteurs en ligne du dirigeant chinois le 20 mai. Lors de la conversation avec le premier, le président Xi a noté que « la Chine est prête à travailler avec l’Allemagne pour ouvrir un nouveau chapitre dans le partenariat stratégique global » entre les pays. »
Enfin, nous constatons que les réalités actuelles ne reflètent que partiellement l’affirmation, qui n’est pas rare, selon laquelle le principal projet international de la Chine, l’initiative « la Ceinture et la Route », « vise l’Europe ». L’Afrique et l’Amérique latine y occupent une place de plus en plus importante. En particulier, la réunion ministérielle régulière Chine-CELAC (Communauté des États d’Amérique latine et des Caraïbes) qui s’est tenue à Pékin en mai et au cours de laquelle le dirigeant chinois Xi Jinping a pris la parole, a attiré l’attention. Cet événement remarquable mérite toutefois un commentaire séparé.
Remarques générales finales
Tout d’abord, nous devons reconnaître que la transformation radicale de l’ordre mondial, apparue il y a longtemps, a été considérablement accélérée par la « guerre commerciale » de D. Trump. Dans le même temps, comme au cours de tout processus de transition, divers facteurs d’incertitude accrue sont générés dans l’espace de la politique mondiale. Ce qui, à son tour, incite tous les acteurs importants à chercher une sorte d’« options de rechange » pour se positionner sur la scène internationale. En outre, les manifestations concrètes de cette recherche auraient semblé tout à fait inattendues il n’y a pas si longtemps. Les manœuvres mutuelles sino-européennes actuelles peuvent également être considérées comme telles.
Il n’y a pas d’obstacles significatifs au lancement du processus de recherche d’une « option de secours » dans les relations entre l’actuelle Europe « politique » et la moitié du continent représentée par la Russie. Contrairement aux spéculations fréquentes sur le début de l’ère des « grandes guerres », une fois de plus et surtout dans la même Europe. A cet égard, l’attention a été attirée par le signal apparemment inattendu attribué à U. von der Leyen selon lequel Bruxelles serait en train de « travailler à la restauration des liens avec Moscou ».
Ce signal a toutefois été éclipsé par la gaffe très médiatisée de F. Merz au sujet des fameux missiles « Taurus ». Malheureusement, elle a été l’occasion d’une nouvelle flambée d’activités de propagande sur le même thème de « l’inévitabilité de la guerre en Europe ». Avec une implication sélective de « l’histoire ».
Difficile de se départir de l’impression qu’il s’agit là précisément de l’objectif poursuivi avec détermination par certains acteurs, ayant sciemment provoqué, entre autres, le conflit ukrainien.
Vladimir Terekhov, expert sur les problèmes de la région Asie-Pacifique
Source: https://journal-neo.su/fr
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