Nigeria : Buhari malade, le vice-président Yemi Osinbajo est aux portes du pouvoir

Treize personnalités nigérianes ont publié une lettre ouverte au président, affaibli, pour qu’il se retire du pouvoir. Le numéro 2 de l’Etat conduirait les affaires jusqu’en 2019.
Lire aussi : Au Nigeria, l’inaudible et invisible diplomatie du président Buhari Dans une lettre ouverte rédigée par treize figures importantes du Nigeria, dont Femi Falana, avocat pour les droits humains, et Jibrin Ibrahim, politologue respecté, les signataires se disent « contraints à lui conseiller de suivre les indications de ses médecins, et de se reposer sans plus attendre ». M. Buhari, qui n’est pas apparu aux deux derniers conseils des ministres, n’assure plus que le service minimum à la présidence depuis son retour en mars. Il a repris ses fonctions, mais avec un agenda largement réaménagé : il ne travaille que deux heures par jour en moyenne. Ses absences répétées au sommet de l’Etat « ont nourri les spéculations et les rumeurs » sur son état de santé, ajoute la lettre datée 1er mai et divulguée sur tous les médias nigérians.
Dossiers les plus délicats
De nombreux hommes politiques de tous bords se sont également inquiétés de la situation de blocage que pourrait causer son absence des affaires s’il ne délègue pas le pouvoir au vice-président, comme le prévoit la Constitution. Le porte-parole de Buhari, Femi Adesina, a refusé de commenter la lettre ouverte. Un autre responsable communication de la présidence, Garba Shehu, a quant à lui simplement rétorqué que le président, malgré sa convalescence, se tenait informé chaque jour des activités du gouvernement, et ce, entre autres, à travers des rencontres avec son vice-président Yemi Osinbajo.Pendant ce temps-là, Yemi Osinbajo, qui a célébré en mars son soixantième anniversaire, semble bel et bien déterminé à mettre la main sur les dossiers les plus délicats du pays. Fin avril, il rencontre un groupe de parents des lycéennes de Chibok, enlevées par le groupe terroriste Boko Haram il y a désormais plus de trois ans. Le vice-président assure travailler quotidiennement pour la libération des lycéennes. De nombreuses négociations seraient en cours, a-t-il alors affirmé, et ce « avec les deux factions de Boko Haram, chacune des deux détenant une partie des filles ».

Lutte contre la corruption
Il faut dire qu’avant de se lancer dans la politique, Yemi Osinbajo, diplômé de la prestigieuse London School of Economics, a mené une longue carrière d’avocat et de professeur de droit à l’université de Lagos. En 1999, il fait ses débuts en politique en tant que ministre de la justice de l’Etat de Lagos, puis renoue, en 2007, avec sa carrière d’académicien. Il se rapproche de Buhari six ans plus tard, en 2013, lorsqu’il signe avec d’autres auteurs le manifeste du congrès des progressistes (APC), le programme politique ayant servi de base à la campagne présidentielle de Muhammadu Buhari. Dès fin 2014, séduit par l’engagement de Buhari dans la lutte contre la corruption, Osinbajo accepte d’être désigné candidat à la vice-présidence du pays aux côtés de l’ancien général.Originaire de Lagos, Yemi Osinbajo a grandi dans une famille chrétienne très pratiquante, attachée aux valeurs cardinales. Sa mère, Olubisi Osinbajo, se souvient dans une interview pour le journal Punch des raisons pour lesquelles elle avait épousé Opeoluwa Osinbajo, le défunt père du vice-président : « Il n’était pas riche, mais je l’admirais pour ses autres qualités. » Ingénieur civil, le père a géré une entreprise de scierie avec son épouse, enseignante de formation. Ensemble, ils ont élevé cinq enfants dans les préceptes de l’Eglise anglicane : « La culture de la prière était enracinée en eux dès leur jeunesse », indique Mme Osinbajo. Ce n’est donc pas un hasard si Yemi Osinbajo est par la suite devenu pasteur évangélique.
LE MONDE Le 03.05.2017 à 15h47
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