Pour ou contre l'Accord d’Alger : Qui politise le débat ?
L’Accord d’Alger continue de défrayer la chronique. En dépit des messages officiels lancés à grands renforts médiatiques, sur fond d’affichage creux, le texte de l’Accord d’Alger, tel...
L’Accord d’Alger continue de défrayer la chronique. En dépit des messages officiels lancés à grands renforts médiatiques, sur fond d’affichage creux, le texte de l’Accord d’Alger, tel qu’il a été négocié et signé entre le gouvernement du Mali et les insurgés de Kidal, n’est toujours pas parvenu à emporter l’entière adhésion populaire, en ce sens que de nombreux segments de la société lui ont réservé un accueil de rejet en y dénonçant des erreurs lamentables. Pour noyer le débat autour de cette question, certains, dans l’entourage présidentiel, n’hésitent plus à accuser les autres, qui ont dénoncé la chose, de visée politicienne.
De plus en plus, pour se donner bonne conscience, on n’hésite plus, parmi les laudateurs zélés du régime, à donner une connotation politique à la démarche de tous ceux-là qui ont ouvertement exprimé leurs réserves à l’Accord d’Alger. De fait, dire du mal à cet accord dit de paix, et signé dans des circonstances troubles, loin du cadre national, est aujourd’hui synonyme d’avoir des arrières pensées électoralistes ou politiciennes. Un comportement politique qui s’inscrit absolument dans le cadre de grandes manœuvres de 2007. Voilà que nous y sommes : le débat, ô combien d’actualité sur l’Accord d’Alger, qui révèle un intérêt national d’une grande importante politique et sociale, est simplement biaisé et débarrassé de tout son contenu sociologique et même psychologique. En réalité, ceux qui ont intérêt à faire prospérer cette thèse, des plus fantaisistes, savent pourquoi ils s’y hasardent d’autant que le contexte actuel du pays est celui du triomphe de la pensée unique où la seule vérité est celle qui est prononcée et soutenue par le prince du jour.
Arrières pensées
Le fait que tout cela se déroule dans un contexte démocratique en constitue l’une de ses dérives. Et le fait que la critique s’attache à un parti politique, qui ne fait qu’exprimer ses opinions politiques sur une décision politique d’un gouvernement quelconque, en offre également la pire démonstration que la démocratie se meurt dans notre pays. Comment peut-on en vouloir à une formation politique, digne de ce nom, d’avoir simplement émis des opinions politiques sur le choix du gouvernement ? En effet, les déclarations politiques, exprimées par les partis politiques, depuis la signature de l’Accord d’Alger, sont jugées politiques voire politiciennes ou cruciales selon qu’elles soutiennent ou non l’Accord d’Alger. Autrement dit, le Rpm, qui a clairement émis de sérieux doutes sur la viabilité de l’Accord d’Alger, avant de le rejeter en bloc, est aussitôt taxé de comportement politicien, soucié de son positionnement électoraliste dans la perspective de 2007, pour avoir simplement soutenu ce qu’il a dit de mal sur ce texte. Les autres, tout aussi nombreux et diversifiés, qui ont exprimé leur soutien à l’Accord d’Alger, mais qui l’ont fait sous forme de déclarations politiques, ne sont pas taxés de politiques ou de politiciens dès lors que leurs opinions n’écorchent pas la sensibilité du président ATT.
On en arrive à ce point où l’amalgame est érigé en mode de gestion politique pour compartimenter les différentes sensibilités, enregistrées dans le pays sur une décision politique d’un gouvernement, entre les bons et les mauvais citoyens ; bonnes déclarations et les mauvaises déclarations, celles dites politiciennes forgées par le positionnement électoraliste de 2007. Le mélange de genre est savamment dosé par les concepteurs de ce nouvel ordre pour le pays qui, lui, est désormais fondé sur la surenchère politique et le verbiage n’ayant aucun socle idéologique. De ce fait, dans le but de se faire une nouvelle promotion politique, les laudateurs, forts de leur science, ont insidieusement glissé sur le terrain de la prospective politique en assimilant le soutien exprimé à l’Accord d’Alger à celui plus significatif des échéances de 2007. En d’autres termes, soutenir l’Accord d’Alger, c’est penser tout le bien de la candidature du président ATT en 2007. Le débat politique, déjà biaisé, autour de l’Accord d’Alger ne vise même plus, comme on peut le constater, à l’objet pour lequel il est entonné, mais plutôt à se projeter dans la perspective de 2007. Histoire, voit-on, de se faire une place dans l’entourage présidentiel qui s’étend à la mesure de l’opportunisme politique en cours.
Au-delà de l’Accord d’Alger
En allant au-delà de l’Accord d’Alger, pour lier les soutiens au président ATT à l’échéance politique de 2007, les laudateurs en question savent alors que la brèche est dangereusement ouverte dans notre pays pour l’opportunisme politique auquel jeu ils sont prêts à tout donner pourvu que les concerts de louange, qui sont proférés à souhait, reçoivent des échos favorables à Koulouba. Il faut alors que le régime fasse énormément attention à cette nouvelle dérive, car tout le monde sait que les concerts de louanges, si opportunément proférés à cette occasion, ne reposent sur aucune sincérité morale ni politique. Dans l’histoire récente du pays, en tout cas, sur ce registre, la situation se présentait différemment. En 1994, lorsque le régime de l’époque, en dépit de sa confortable majorité, cherchait à gérer les conséquences de la rébellion de 1990, après la signature du Pacte national qui a mobilisé tous les segments de la vie nationale, le fait marquant a été d’élargir le débat politique sur cette question nationale. A cette époque, on s’en souvient comme si c’était hier, l’Adema au pouvoir avait associé les forces politiques de l’époque, lesquelles ont joué un rôle déterminant dans la sensibilisation et la mobilisation des citoyens en faveur de ce document qui prenait ainsi une dimension véritablement nationale.
A l’évidence, il n’a jamais été nié, à cette époque marquant le début de l’ère démocratique, le rôle significatif de la classe politique dans l’appréhension d’une telle question nationale. Au contraire, celle-ci a été confortée dans ce qu’elle avait fait dans ce sens. En fait, la classe politique, d’une seule voie, en tout cas les partis politiques plus représentatifs, a adressé, à l’époque, une déclaration solennelle au gouvernement du Mali dans laquelle les signataires, une bonne douzaine de partis politiques, ont non seulement soutenu les actions engagées pour la résolution de la crise, mais aussi annoncé une série de recommandations allant dans le sens de l’instauration de la discipline militaire au sein de l’armée. Cette déclaration politique a été ressentie à l’époque comme une action d’envergure nationale. Aujourd’hui, les choses ont changé : non seulement, la classe politique, dans son ensemble, a été superbement ignorée dans le dossier de l’Accord d’Alger ; mais aussi, il manque une réelle conviction aux initiatives politiques, jusqu’ici annoncées en faveur de l’Accord d’Alger. Est-ce à dire que c’est le régime lui-même qui ne joue pas le jeu ?
Par Sékouba SAMAKE
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