«Les peuples ont les dirigeants qu’ils méritent », disait le philosophe. Mais M. COULIBALY Mohamed Lamine est persuadé du contraire au regard de ce qui se passe au nord du Mali, singulièrement à Kidal, depuis un certain 23 mai 2006 où les insurgés de cette date ont déserté les rangs de l’armée régulière pour retourner leurs armes contre leurs propres compagnons militaires. Au lieu d’être traqués, jugés et jetés en prison pour désertion militaire avec circonstances aggravantes après assassinats d’enfants, ils sont plutôt gratifiés par le président ATT avec le titre pompeux de «super Maliens » à travers les accords d’Alger signés le 4 juillet dernier. M. COULIBALY n’a pas assez de morts pour crier sa colère contre le gouvernement et sa désapprobation totale desdits accords.
Tant qu’on vit sur cette terre, on ne finira pas d’être étonné par le comportement humain. Tout homme, tout être humain est le fruit de son temps et de l’espace ; comme pour dire que l’homme est le fruit de sa société. La société malienne, on le sait, est unique et exemplaire grâce à certains usages issus de nos valeurs ancestrales comme le cousinage (sinankouya), l’hospitalité ( le diatiguiya), le respect de toutes les couches sociales sans distinction de race ou de religion, la solidarité, l’entente et la paix. Mais ces différentes valeurs n’excluaient pas que le peuple malien est un peuple guerrier, car il a enfanté l’un des deux grands empires du continent les plus vieux qui se faisait respecter par sa puissance militaire et sa capacité d’expansion. Ne dit-on pas que «qui veut la paix, prépare la guerre » ? Un moment de la vie, il faut savoir prendre «ses » responsabilités et s’assumer sans réserve : quand le Koweït (un des Etats les plus paisibles du monde, inoffensif comme un agneau de brousse) fut envahi par l’Irak, la paix a-t-elle été la solution ? Certainement non ; et les USA en première ligue, suivis des pays les plus développés, ont repoussé les Irakiens par la force, non pas des Accords d’Alger ou pareil.
On ne le dira jamais, nos pays (du Sud) sont et demeurent les meilleurs foyers de tension du monde, de part notre extrême pauvreté et notre dépendance tous azimuts vis-à-vis du Nord à l’opposé des pays asiatiques animés et décidés à copier, créer et concurrencer. Nos pays sont donc les lieux où il faut essayer certaines armes, évoquer les vielles armes ou se positionner dans leur quête d’or ou de pétrole, et à n’importe quel prix. Les gouvernements souffrent souvent ou capitulent à des pions dont les commanditaires dictent leur loi aux gouvernants, dans le cas contraire, ils ferment le robinet.
La rébellion Touarègue du Nord – Mali ne s’assimile point à l’apartheid. De l’Algérie en passant par le Maroc, le Soudan, le Tchad, etc. ont toujours maté leurs rébellions. Comment une poignée d’analphabètes envolés aux hauts grades de l’armée sans réelle formation, et sautant des grades, peuvent-ils être plus intelligents que nos stratèges militaires en se donnant rendez-vous dans les garnisons du Nord avec la bénédiction du pouvoir ?
Depuis ce temps, cette rébellion se préparait quand des subordonnés exigent d’être mutés chez eux, alors qu’il fallait les envoyait à Kayes, Sikasso, Ségou ou Koulikoro, ou dans le cas contraire, si le commandant de la garnison est Touareg, l’essentiel de la troupe doit provenir d’autres localités. Mais pour eux, ils sont militaires non pour le Mali, mais pour Kidal uniquement, un fait officialisé par les Accords d’Alger. Si le gouvernement et le président ATT savaient qu’ils allaient signer de « semblants Accords de paix » à Alger, ce n’était pas la peine de déplacer les militaires pour aller combattre. Mais avant, ces questions méritent d’être répondues par le président ATT au peuple malien :
1- Les attaques du 23 mai 2006 ont-elles fait des victimes humaines ou non parmi les civils à Kidal ?
2- Puisqu’il est avéré que lesdites attaques étaient préméditées et planifiées d’avance, ces morts (surtout d’enfants) ne sont-ils pas alors des assassinats ?
3- Que prévoient le code pénal malien et le règlement militaire dans ce cas de figure ?
4- Les insurgés-bandits du 23 mai avaient-ils déposé ce projet d’accord avant de déserter et de prendre des armes ?
5- Ces bandits ont-ils été mandatés par la population de Kidal pour agir en son nom ?
6- Si non, à quel titre peuvent-ils (puisqu’il s’agit des criminels) engager la région de Kidal jusqu’à signer des Accords ?
7- Un militaire peut-il se substituer ou revendiquer à la place d’élus régionaux ? Si tel est le cas, tous les militaires maliens peuvent-ils bien revendiquer au nom de leur localité, dussent-ils prendre des armes ?
8- Si les négociations étaient sincères, pourquoi est-ce que les initiateurs de l’insurrection du 23 mai tels Iyad, Bahanga, Fagaga ou Bamoussa Diarra ne se sont-ils pas rendus à Alger pour montrer qu’ils accordaient de l’importance à ce document ?
9- Pourquoi le gouvernement a-t-il subitement laissé sa logique de mater et de combattre une poignée de bandits armés au profit d’une paix «capitulation » qui ne dit pas son nom ?
10-Pourquoi est-ce qu’en en position de faiblesse, les rebelles ont-ils exercé une pression internationale pour faire capituler le gouvernement ?
Mais en dépit de tout ce qui s’est passé, le gouvernement, le président ATT et les responsables militaires, pour se justifier face à l’opinion, qualifient cette petite répression contre des bandits (dont le Mouvement patriotique Gandakoî a eu raison) de guerre. Ce mot est trop fort et inqualifié dans ce contexte, sauf s’il existe particulièrement un dictionnaire pour le président ATT et amis, pardon pour le Touré kè et leurs soutiens. Une guerre se fait entre Etats organisés ; mais la guerre civile implique toutes les populations d’une contrée ou d’un espace, tel est loin d’être le cas.
Après leur intégration dans l’armée et les professions para militaires (police, douane, gendarmerie, garde nationale), ce qui n’a jamais été fait aux Sudistes (recrutés suivant le volontariat individuel et non pas sur la base de quota ethnique ou régionaliste), certains intégrés déserteurs ont réalisé qu’ils sont des «super Maliens » ou des Maliens à «200% » pour demander toujours plus qu’il n’en faut.
Le président ATT, réalisant qu’il a pris un sérieux coup qui peut affecter sa prochaine, ou je dirai sa présente campagne, il initie une vaste campagne de communication malgré la faculté de compréhension et d’analyse des Maliens. Le ministre Kafougouna KONE est loin de convaincre la presse et l’opinion nationale qui ne sont pas dupes sur le sujet. Au finish, appuyé en cela par la presse d’Etat (l’ORTM et l’AMAP) qui ne se comporte pas en média public, le président ATT aura le soutien de ses amis politiques (ADEMA, URD, MPR, CNID, PARENA….). Le soutien de beaucoup s’explique plutôt par le souci de garder les portefeuilles et postes qu’ils occupent. Car il faut les mériter.
Dans tout ce brouhaha, les Maliens réalisent et se rendent à l’évidence que le groupe RPM/RDT est un parti citoyen, patriotique, responsable, sérieux et soucieux du devenir et de l’avenir du Mali, dans l’honneur et la dignité, dussent-ils être marginalisés à l’Assemblée Nationale pour soutenir les Accords honteux d’Alger. L’histoire jugera chacun sur ses actes.
Le devoir historique nous interpelle tous à donner notre point de vue pour être en quiétude avec notre conscience. Les Maliens loyalistes du Nord comme du Sud et de l’Est comme de l’Ouest, qui savent encaisser et endurer, mais ne sont pas amnésiques. Car le tintamarre actuel ne rime à rien et ne va nulle part. Ces criminels doivent être tous poursuivis et jugés par le Tribunal Pénal International. Pour cela, nous interpellons fortement l’Association Malienne des Droits de l’Homme et la Ligue malienne des droits de l’homme à s’acquitter de leur devoir et à prendre toutes leurs responsabilités pour tous les assassinats commis à Kidal, le 23 mai dernier.
Il n’est un secret pour personne que les partis politiques qui ont soutenu ATT et «ses » Accords d’Alger ont tous violé les principes fondamentaux de la démocratie. Car aucun d’eux n’a demandé l’avis de sa base après explication du contenu des Accords. La position des partis dépend de l’opinion personnelle des chefs des partis qui s’en servent pour leurs intérêts personnels.
Mamadou Lamine Coulibaly
Juriste / journaliste
NDLR : Mauvaise lecture. La guerre, dans le dictionnaire des Coulibaly, c’est l’absence de haricot. Voilà un Coulibaly qui s’essaye à l’esprit.