Le Mali s’aligne à la norme AES : Assimi, cinq ans pour refonder l’État

Dans cette note d'analyse sur la révision de la Charte de la Transition au Mali, nous souhaitons insister sur la notion de "légitimité réinventée" au sein de la Confédération des États du Sahel (AES).

16 Juin 2025 - 01:59
15 Juin 2025 - 13:13
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Le Mali s’aligne à la norme AES : Assimi, cinq ans pour refonder l’État

Cette approche s'inscrit dans un contexte sahélien unique, marqué par une guerre totale contre les groupes armés terroristes et une hostilité géopolitique croissante. Le Mali, à l’instar du Burkina Faso et du Niger, adhère pleinement à cette nouvelle architecture du pouvoir en accordant un mandat de cinq ans renouvelable à ses dirigeants de transition.

Le gouvernement du Général Abdoulaye Maïga envoie ainsi un message clair de rupture avec les modèles de gouvernance imposés de l’extérieur, notamment ceux promus par certaines organisations internationales. Il rappelle que la légitimité peut être intrinsèquement contextuelle, profondément liée aux réalités de guerre, de reconstruction et de souveraineté nationale, et ne saurait se réduire à la seule tenue d’élections à date fixe. Cette vision s'appuie sur l'émergence d'un "cinquième pouvoir" : celui de l'armée, agissant comme garante de la souveraineté et de la sécurité, soutenue par un peuple qui s'estime trahi par des dirigeants élus n'ayant pas su répondre aux défis existentiels de la nation.

Pour ces "cinq ans" qui lui sont accordés, le Général d'Armée Assimi Goïta, Chef de l'État, est donc investi d'une mission de reconstruction, non de simple règne. C'est dans cette même veine que les États du Sahel (Mali, Burkina Faso, Niger) adoptent un modèle politique commun : la stabilité avant l'élection, la légitimité populaire avant les urnes. Une nouvelle légitimité populaire refondatrice se forge progressivement, une légitimité qui, bien que "non rationnelle" au sens des démocraties libérales classiques, est profondément alignée sur les aspirations de l'AES. Cette tribune, s'appuyant sur le communiqué du Conseil des ministres du mercredi 11 juin 2025, retrace le cheminement qui a conduit à la prorogation de la Transition malienne pour cinq ans, avec pour objectifs la stabilisation, la réforme et la refondation des structures étatiques et institutionnelles. En tant que note d’analyse, elle propose une synthèse cohérente sur cette nouvelle dynamique du 5ème pouvoir, sous un angle éditorial spécifique. Car ce communiqué marque en effet un tournant politique majeur dans le contexte sécuritaire et institutionnel extrêmement tendu du Sahel. Les points saillants qui suivent reflètent les implications et les enjeux liés à cette révision de la Charte de la Transition au Mali, entérinant l'entrée des autorités maliennes dans le schéma des autres pays de la Confédération AES. Ce choix stratégique d’un mandat de cinq ans renouvelable pour les trois chefs d'État de la Confédération des États du Sahel (AES) met en exergue l'enjeu d'une légitimité populaire fondée sur la refondation et non sur les mécanismes électoraux classiques.

 

Contexte politique et dispositions clés

Le Conseil des ministres a finalement adopté le projet de loi portant révision de la Charte de la Transition. En effet, suite à un rapport présenté par le ministre délégué auprès du Premier ministre, chargé des Réformes politiques et du Soutien au Processus électoral, Mamani Nassiré, la décision a été prise par le gouvernement. Cette initiative s'inscrit dans la continuité des Assises Nationales de la Refondation (ANR), tenues du 27 au 30 décembre 2021. Ces assises avaient formulé 517 recommandations visant une refondation totale de l'État et l'établissement d'une nouvelle vision politique, en réponse à la demande du peuple malien de "mener des réformes politiques et institutionnelles prioritaires, avant d'organiser des élections".

La mise en œuvre de ces recommandations a déjà conduit à des avancées significatives, notamment l'adoption d'une nouvelle Constitution par référendum le 18 juin 2023, promulguée le 22 juillet 2023 par le Président de la Transition, Chef de l'État. Cette nouvelle Constitution, socle de la refondation, a introduit des dispositions majeures : elle renforce les pouvoirs du président, rendant le Premier ministre responsable devant lui ; elle crée une nouvelle chambre haute du parlement, le Sénat ; elle déclasse le français au rang de langue de travail, élevant les langues nationales au statut de langues officielles ; et elle légalise les tribunaux traditionnels et religieux. Ces mesures visent à ancrer le cadre institutionnel dans les réalités et aspirations maliennes.

 

Défis actuels et alliances régionales

Depuis la "rectification de la Transition" en mai 2021, qui a vu le Colonel Assimi Goïta prendre les rênes du pouvoir pour corriger une "mauvaise gouvernance", le Mali poursuit sa lutte pour une souveraineté pleine et fait face à des défis, dont certains sont soutenus par des sponsors étrangers.

En réponse à ces difficultés partagées, le Mali a renforcé ses liens avec les pays frères du Burkina Faso et du Niger. Cette coopération a d'abord abouti à l'adoption de la Charte du Liptako-Gourma, instituant l'Alliance des États du Sahel (AES) le 16 septembre 2023. L'AES a été ainsi créée pour contrer les menaces de rébellion armée ou d'agression extérieure, considérant toute attaque contre la souveraineté d'un membre comme une agression contre les autres. Plus récemment, le 06 juillet 2024, ces trois nations ont transformé cette alliance en Confédération des États du Sahel.

Malgré l'adoption d'une nouvelle Constitution, le contrôle de l'ensemble du territoire par les Forces Armées et de Sécurité, et les résultats obtenus dans la lutte contre le terrorisme et l'extrémisme violent, le Mali et les autres pays de l'AES demeurent confrontés à la menace de la déstabilisation internationale et à l'atteinte aux intérêts vitaux des populations.

 

Une Transition prolongée au Nom de la Stabilité

L’adoption d’un projet de loi accordant un mandat de cinq ans renouvelable au Président de la Transition s’inscrit dans une logique de priorité sécuritaire sur l’agenda électoral. Le gouvernement justifie cette décision par la nécessité de pacifier durablement le territoire, dans un contexte de guerre totale contre le terrorisme et d’instabilité régionale. Cette orientation rejoint celle des autres pays de l’Alliance des États du Sahel (AES), comme le Burkina Faso et le Niger, qui ont également suspendu les processus électoraux classiques au profit d’un pouvoir exécutif renforcé.

À Bamako, Ouagadougou, Niamey, un nouveau souffle politique traverse le Sahel. Au cœur de cette dynamique, une volonté assumée : faire primer la stabilisation de l’État sur le cycle électoral classique. Le projet de loi récemment adopté par le gouvernement malien, accordant un mandat de cinq ans renouvelable au Président de la Transition à partir de 2025, ne relève pas d’un désir de conservation du pouvoir, il reflète un projet politique inédit, partagé avec les autres membres de l’AES.

Il faut le dire sans ambages : la forme classique de légitimité électorale, jugée rationnelle, ne suffit plus face aux défis existentiels que vivent les États sahéliens. Le terrorisme, les ingérences extérieures, les fractures internes ont mis à mal les institutions héritées. En réponse, les peuples du Sahel ont envoyé un signal fort : il faut reconstruire l’État avant d’élire ses gestionnaires.

Le mandat de cinq ans, revendiqué à l’unisson au sein de l’AES, incarne une légitimité fondée sur la souveraineté populaire, l’adhésion au projet national, et non sur la seule mécanique électorale. Loin de rejeter les principes démocratiques, il s’agit ici d’une «démocratie de reconstruction», où le vote devient l’aboutissement d’un processus refondateur, et non son point de départ.

 

Une rupture assumée avec les Partis politiques traditionnels

Ce projet de loi s’appuie sur les recommandations des Assises Nationales de la Refondation, qui prônent une refonte complète du système politique avant toute élection. Dans cette perspective, les partis politiques sont perçus comme des acteurs du passé, parfois accusés d’avoir contribué à l’affaiblissement de l’État. Des discussions et des propositions ont même émergé concernant la suspension ou la dissolution des partis politiques dans le cadre des réformes en cours, reflétant une volonté de rompre avec un système jugé inefficace ou corrompu. Le projet de loi adopté répond aux attentes légitimes du peuple malien, formulées lors des concertations des Forces vives de la Nation et des Maliens établis à l'extérieur.

 

Une Légitimation par la Souveraineté populaire

Alors que les États du Sahel optent pour des mandats de transition prolongés et harmonisés, une nouvelle forme de légitimité populaire émerge : celle qui refuse la précipitation électorale au profit d’un projet refondateur assumé. C'est l'analyse d’une rupture géopolitique majeure.

Le choix des États du Sahel d’instaurer un mandat de cinq ans renouvelable pour leurs présidents de transition ne peut être interprété simplement comme une volonté de prolonger le pouvoir. Il incarne un changement de paradigme : reconstruire l’État avant de le faire élire. Dans cette logique, la légitimité n’est plus d’abord électorale, elle est populaire, souveraine, enracinée dans un contrat social en pleine réécriture.

Le discours officiel insiste sur la volonté du peuple malien de voir les grandes réformes aboutir avant toute échéance électorale. La nouvelle Constitution, adoptée par référendum en 2023, est présentée comme un socle de légitimité pour prolonger la Transition. Le pouvoir en place cherche ainsi à ancrer sa légitimité dans une dynamique de refondation, plutôt que dans un calendrier électoral classique. La Charte révisée de la Transition et la nouvelle Constitution se complètent pour établir ce cadre juridique et politique, offrant une base légale à cette prolongation et aux réformes profondes.

 

Des risques de tensions internes et internationales

Malgré les justifications sécuritaires, cette prolongation de la Transition pourrait raviver les tensions avec les partis politiques, les organisations de la société civile et certains partenaires internationaux qui réclament un retour rapide à l’ordre constitutionnel. Elle pourrait également renforcer l’isolement diplomatique du Mali, déjà engagé dans une rupture avec plusieurs institutions régionales et internationales. D'où l'importance des éléments de langage à vulgariser pour imposer un narratif conforme à la perception générale sur le territoire malien. Pas en dehors. Ces risques de contestations tous azimuts peuvent être atténués par l'ensemble des Réformes clés dont : l'application des recommandations issues des Assises Nationales de la Refondation (2021) ; Le Référendum constitutionnel organisé du 18 juin 2023, créant les bases d’un nouveau régime avec des pouvoirs présidentiels renforcés et de nouvelles institutions, l'intégration dans la dynamique régionale de l’AES (Charte du Liptako-Gourma, Confédération des États du Sahel) ; la justification politique à travers la pacification des cœurs au cours du Dialogue inter Maliens pour continuer les réformes par le biais de la rédaction achevée du projet de Charte nationale pour la paix et la réconciliation nationale. Entre autres logiques pouvant faire face à des voix critiques, il y a l’émergence d’une légitimité populaire non électorale, fondée sur la souveraineté et la refondation.

 

Implications régionales et nouvelle architecture politique Sahélienne

Cette convergence des États membres de l’AES autour d’un même format de gouvernance renforce la cohérence politique de la Confédération, au-delà des alliances sécuritaires.

Le modèle AES s’éloigne des standards politiques internationaux fondés sur la légitimité procédurale (élections pluralistes à échéances fixes) pour adopter une approche fondée sur trois piliers : le consentement populaire exprimé dans les assises, les référendums et le soutien manifeste à la souveraineté ; la souveraineté de la réforme, conçue comme la réponse première aux crises existentielles de l’État ; la centralisation du pouvoir pour la stabilisation, assumée comme mesure transitoire en période de guerre.

C’est une «démocratie de reconstruction» qui se forge dans les pays de l’AES. Un modèle encore contesté, mais porteur d’une cohérence régionale, face à des défis partagés.

Enfin, cette décision s’inscrit dans une reconfiguration géopolitique plus large : la création de la Confédération des États du Sahel et l’adoption de la Charte du Liptako-Gourma traduisent cette volonté d’émancipation collective vis-à-vis des modèles démocratiques occidentaux. Le mandat de cinq ans renouvelable devient ainsi un modèle politique commun au sein de l’AES, fondé sur la stabilité, la souveraineté et la lutte contre les ingérences.

Certes, cette vision suscite inquiétudes et critiques. Mais elle ouvre aussi un espace de réinvention politique, où la légitimité puise dans l’engagement, la continuité et la clarté du cap, plutôt que dans une alternance parfois vidée de substance.

Ce choix appelle un pari : celui que cinq années pleines, portées par un leadership aligné sur les aspirations populaires, permettront une reconquête durable de la souveraineté, de l’intégrité territoriale et de la cohésion sociale. L’avenir dira si ce pari sera tenu. Mais refuser d’en reconnaître la logique, c’est refuser d’écouter les peuples du Sahel.

Khaly Moustapha LEYE

Synthèse du communique

Objet du communiqué : adoption d'un projet de loi portant révision de la Charte de la Transition par le Conseil des Ministres du Mali.

Motifs et justificatifs :

Les Assises Nationales de la Refondation (décembre 2021) ont abouti à 517 recommandations visant une refondation totale de l'État, priorisant les réformes politiques et institutionnelles avant les élections.

En application de ces recommandations, une nouvelle Constitution a été adoptée par référendum le 18 juin 2023 et promulguée le 22 juillet 2023.

Défis et enjeux :

Depuis la "rectification de la Transition" (mai 2021), le Mali lutte pour sa souveraineté face à des défis, dont certains sont soutenus par des acteurs étrangers.

En réponse, le Mali s'est allié au Burkina Faso et au Niger, formant l'Alliance des États du Sahel (AES) le 16 septembre 2023, transformée en Confédération des États du Sahel le 6 juillet 2024.

Malgré ces avancées, le pays et l'AES restent confrontés à la menace de la déstabilisation internationale et à l'atteinte aux intérêts vitaux des populations.

 

Disposition du projet de loi

Face à ces défis, la nécessité de prolonger la Transition est évoquée pour garantir la pacification totale du pays. Le projet de loi adopté prévoit la révision de la Charte de la Transition, conférant au Chef de l'État un mandat de 5 ans renouvelable à partir de 2025, en alignement avec les dispositions de la Confédération AES.

Ce communiqué souligne les efforts de réforme entrepris ainsi que les mesures prises pour stabiliser le pays dans un contexte sécuritaire et politique complexe. Le temps dira si ce modèle tiendra ses promesses. Mais il marque déjà une page neuve dans le récit politique du Sahel.

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