Réconciliation nationale : Un dialogue sous la censure autoritaire de « Pinochet »

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Alors que les contours du dialogue inter-Maliens attendent d’être défini, on sait déjà que c’est un schéma préconçu que les animateurs et protagonistes du Dialogue n’ont le choix que d’accepter. Les couleurs ont été annoncées par le président du processus en personne, Ousmane Issoufi Maiga, qui en a confirmé toutes les réserves qui pourraient peser sur sa neutralité. C’était à la faveur de son installation dans ses fonctions par le président de Transition. L’homme sur qui Assimi Goïta a porté son dévolu aura montré tous les signaux d’une démarche fragilisée d’avance dans ses fondations, d’autant qu’elle repose sur une table-rase dans le sens de la dénégation de tout ce qui naguère encore était considéré comme des acquis. L’ancien Premier ministre d’ATT – dont le gouvernement avait passé un accord en 2006 avec la rébellion – s’est montré méconnaissable par des révélations inédites à l’occasion de son intronisation par Assimi Goita. C’est avec lui à la Primature, en effet, qu’a été signé à Alger un certain «Accord pour la paix, la sécurité et le développement dans la région de Kidal» C’est donc pour se délecter probablement de la confiance et du choix porté sur sa personne qu’Ousmane Issoufi Maïga s’est illustré une hostilité viscérale à toute forme d’accord avec un groupe quelconque. «Quelle que soit la légitimité de ses revendications», a-t-il pris soin de préciser, avec des allusions à peine voilées aux mouvements armés dont il confirme l’exclusion du nouveau processus qui s’amorce. Anticipant sur ses termes de référence, le monologue du président du Dialogue inter-Maliens en a trace d’ores et déjà les sillons en martelant à l’envi qu’il est hors de question qu’il débouche sur «un accord» qui oblige le chef suprême à s’assoir sur la même table que des bandits. «J’ai toujours déploré le fait qu’un État soit contraint de se mettre au même niveau qu’une bande d’hommes armés sous prétexte qu’ils ont des revendications…», a-t-il indiqué sans doute pour revendiquer sa réputation d’homme autoritaire par des propos susceptibles de frustrer les mouvements armés loyalistes. Et, ignorant peut-être qu’une rébellion est admise même à l’ONU dans le cadre du droit à l’autodétermination des peuples, l’ancien chef de Gouvernement ne conçoit surtout pas que des concitoyens aient «le droit de faire ce qu’aucun malien n’a jamais fait…».

Qu’il s’agisse de Tamarasset, d’Alger ou de Ouaga qui a permis de quitter la Transition de 2012, Ousmane Issoufi Maïga estime que c’était une accumulation d’erreurs à ne plus répéter. Surtout qu’à la différence de 2014 avec la visite de Moussa Mara, l’Etat dispose désormais des moyens d’exercer le contrôle et sa souveraineté sur l’ensemble du territoire. Or l’expérimentation du dernier Accord a eu pour conséquence le contrôle administratif du territoire ainsi que de ses ressources minières dix années durant par les mouvements sans aucun impact sur le développement des régions sous leur empirisme. En reprenant ainsi aux pieds de la lettre le discours de nouvel an de son employeur face aux forces vives, le président du Dialogue inter-Maliens conseille par ailleurs d’intégrer sans état d’âme l’inversion de la donne comme principe à ne transiger sous aucun principe.

À la place d’un accord – dont il récuse toute idée -, Pinochet en impose à son équipe dans le sens d’un «pacte définitif et ultime» entre les couches représentatives du pays sous l’égide du chef de l’Etat». Ce qui lui paraît distinct d’un accord qui implique un tête-à-tête entre les mouvements armés et le gouvernement malien.

Quoi qu’il en soit, la solution au problème malien, dans son entendement, réside moins dans une réconciliation que dans la tolérance excessive au nom de l’humanisme ainsi que dans les équations de gouvernance politique.  En censurant ainsi la portée du Dialogue inter-Maliens tel que conçu, Ousmane Issoufi propose sa propre doctrine qui consiste à remettre en cause et à reléguer les principes démocratiques au nom d’une dictature vertueuse au nom de l’intérêt national. «Le pacte doit reconnaître que la cause de notre instabilité provient d’abord de la  gouvernance politique dite démocratique» et considérer la «corruption et les détournement de fonds» comme des crimes à combattre impitoyablement. Est également considérée comme un crime, selon la nouvelle doctrine de Pinochet, toute remise en cause de l’unité nationale, du caractère républicain et même de la laïcité de l’Etat, alors que le caractère républicain implique d’agir au nom d’autorités légitimes et que la laïcité était naguère constatée par des religieux lors du référendum constitutionnel.

Le dialogue inter-Malien s’en retrouve ainsi dissocié de sa substance qui est l’appropriation endogène de la réconciliation nationale avec une approche inattendue qui risque de poser les jalons de futures équations plus qu’elle n’en résout.

A KEÏTA

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