Échiquier politique national : Les grands déficits

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La grande marche organisée par la Cmas le vendredi dernier a montré les déficits que nous avons dans notre pays, au niveau de l’animation de la vie publique, politique. Il revient surtout à IBK de reprendre la main et de faire en sorte que cela soit corrigé.

 

La première lacune constatée est le déficit d’Etat. L’Etat a mis en place une décision d’Etat d’urgence qui interdit des regroupements jusqu’à certains niveaux. Dans le cadre du Covid-19, d’autres mesures ont été édictés. Malgré tout, personne n’a eu le courage même de rappeler ces décisions ou d’appeler à leur respect.

Pire, avant la rencontre, qu’est ce qui n’a pas été entendu, dit et vu de nature à fragiliser l’Etat et les institutions ? Il n’y a eu personne pour affirmer l’Etat. L’État, c’est d’abord et avant tout, l’ensemble des pouvoirs d’autorité et de contrainte collective que la nation possède sur les citoyens et les individus en vue de faire prévaloir ce qu’on appelle l’intérêt général, et avec une nuance éthique le bien public ou le bien commun. On peut opposer l’Etat à tout. Et l’Etat prime sur tout. Aujourd’hui, le constat est là : il y a un déficit d’affirmation de l’Etat.

Certes, Manassa Dagnioko, la Présidente de la Cour constitutionnelle a essayé, mais, elle aurait mieux fait de ne pas en rajouter, car, encore une fois, s’étant emparée des prérogatives du gouverneur ou du préfet en la matière.

Le second déficit semble être au niveau de l’animation politique. D’abord la “majorité présidentielle”. Elle semble être aux abonnés absents. Face aux mécontents, elle n’a eu aucune stratégie, aucune contre-proposition, aucune action, faisant croire que la Cmas avait en face un terrain vierge, un boulevard. La pensée unique. La majorité politique, et partant, toute la classe politique a donné raison à tous ceux qui disent qu’ils n’ont plus de légitimité, qu’ils sont coupés du peuple réel et de ses préoccupations. Aucun n’a pu aller à sa base et tenir un discours contraire à celui de la Cmas. Aucun n’a contredit publiquement la Cmas, a fortiori lui tenir tête publiquement !

C’est pire pour l’opposition ! Une partie s’est terrée, l’autre a senti une opportunité et s’est attelée, voulant récupérer. C’était pathétique de voir le peu de considérations que les foules avaient pour elle, la tolérant juste pour avoir épousé une cause qu’elle n’a jamais pu porter, ou autour de laquelle elle n’a jamais pu mobiliser. Vivement un renouvellement de la classe politique !

Il y a un déficit confessionnel au Mali. La question est difficile et savamment évitée par tout le monde. La classe politique s’est servie des religieux, les tirant des lieux de culte et les instrumentalisant. Les religieux ont compris, ont pris le pouvoir, sont devenus incontrôlables, aspirant souvent même au pouvoir temporel, eux qui prêchent pour l’autre monde.

Le danger est que, étant les remparts, étant ceux qui ont pour rôle de nous parler d’éthique et de morale, leur implication dans le temporel fait qu’ils laissent un vide, un rôle essentiel, mais abandonné. Les religieux semblent attirés par les biens de ce monde, par le pouvoir temporel.

Enfin, il y a un déficit sécuritaire. Machiavel (1469-1527) définit l’État comme le pouvoir central souverain, et détache l’action politique des considérations morales et religieuses. Dans le même ordre d’idée, la sécurité est un de ses instruments privilégiés. Il s’agit pour elle de faire en sorte que les lois soient respectées. Ces deux jours nous ont montré que notre pouvoir sécuritaire n’a aucune capacité d’anticipation, de gestion et même qu’elle n’est pas proactive.

En tout état de cause, il y a un malaise. Un malaise profond, dont la solution n’est ni la posture de la Cmas, certes à même d’éveiller l’exécutif, ni l’autruche de la majorité présidentielle. Après cet ouragan, il faudrait bien que les Maliens se parlent et décident. Ensemble.

 

Alexis Kalambry

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