GESTION DES AFFAIRES PUBLIQUES : Le courage politique en questions

Il n’y a pas d’autorité sans pouvoir et il n’existe point de pouvoir sans courage de l’exercer pleinement dans toute sa plénitude. Le courageux est-il celui-ci qui appréhende le danger et l'affronte en connaissance de cause, ou celui-là qui se jette dans la mêlée en ignorant tout des...

12 Sep 2006 - 00:58
12 Sep 2006 - 00:58
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Il n’y a pas d’autorité sans pouvoir et il n’existe point de pouvoir sans courage de l’exercer pleinement dans toute sa plénitude. Le courageux est-il celui-ci qui appréhende le danger et l'affronte en connaissance de cause, ou celui-là qui se jette dans la mêlée en ignorant tout des dangers qui le menacent ? Autrement dit, le courage est-il sagesse ou saillie ? Cette alternative n'épargne pas le champ politique.
 
« Quand le courage empiète sur la raison, il ronge le glaive avec lequel il combat », disait Shakespeare. Quant au général Charles de Gaulle, il ne cessait de rappeler que « les hommes intelligents sont rarement courageux, les hommes courageux sont rarement intelligents ». Et d’Alain Etchegoyen, philosophe français et ancien commissaire au Plan, nous apprenons que « le courage politique lui-même oscille entre la résolution et la témérité, le cran et l'entêtement, la fermeté et la crânerie ».
Le courage, dans sa définition immédiate et nominale comme dans l'attribut dont on qualifie un homme ou une femme, est toujours valorisé. Il est toujours perçu comme un compliment, suscite l'admiration, transforme le pouvoir en autorité.
Généralement, dans le gouvernement démocratique, le courage est une vertu qui ne peut se dissocier de la responsabilité, principe moral émergent de notre temps. Puisque la responsabilité consiste à répondre de ses actes ou décisions et de leurs conséquences devant ceux qui sont concernés par ces actes ou décisions, elle constitue bien une épreuve dont la pratique enveloppe l'idée de courage.
Le gouvernement représentatif moderne a abandonné les mœurs athéniennes qui imposaient au chef politique une « reddition de comptes » au terme de son mandat. Mais, la notion de responsabilité consacre le courage en ce qu'elle constitue une pratique continue moins localisée dans le temps.
Le courage politique détermine aujourd'hui la carrure d'un chef politique. Il se manifeste dans cette capacité à entraîner les siens, ses plus fidèles soutiens ou ses électeurs là où ils ne vont pas spontanément. En effet, le courage ne consiste pas à vouloir appliquer mécaniquement un programme électoral comme si l’on s'imposait un mandat impératif. Le chef d'une majorité élue l'est souvent en France avec un faible avantage. Le programme n'a donc pas été approuvé par 100 % des Français.
 
Assumer et s’assumer
Par ailleurs, cette légère majorité d'électeurs n'a certainement pas approuvé le programme dans sa totalité. Il reste donc une grande marge pour les gouvernants, ce dont n'ont pas toujours conscience leurs soutiens dans l'attente des engagements respectés. Autrement dit, le courage politique constitutif du chef politique réside dans cette capacité à ne pas suivre, mais à contredire parfois. Dans une époque où la discordance des temps produit des tensions grandissantes (temps électoral et médiatique contre temporalité politique), le courage se confond avec la responsabilité dans la résolution d'affronter le long terme.
Le courage politique s'attache en particulier aux principaux aspects de la bonne gouvernance. Il s’agit tout d’abord de l'obligation de rendre compte. Elle pousse les administrations publiques à démontrer en quoi leur action et leurs décisions sont conformes à des objectifs précis et convenus.
Il y a également la transparence. C’est un principe selon lequel l'action, les décisions et la prise de décision des administrations publiques sont, dans une certaine mesure, ouvertes à l'examen des autres secteurs de l'administration, du Parlement, de la société civile et parfois d'institutions et d'autorités extérieures.
 
Nos gouvernants sont-ils courageux ?
Après ces différentes définitions, nous sommes à cette interrogation : ne manque-t-il de courage aux gouvernants actuels ? Un certain nombre de faits nous obligent de répondre par l’affirmative. Il y a d’abord la gabegie ambiante dont souffrent tous les segments de l’administration. Tolérée par le régime presque personne ne la dénonce. On peut aussi souligner le clientélisme qui profite aux réseaux mafieux animés par les commerçants proches du régime.
Les trois premières exonérations sur la TVA du riz importé pour juguler la famine ont été accordées à trois opérateurs proches du pouvoir en 2005. Connus de tous, tout le monde sait comment ceux-ci se sont comportés. Mais comme toute sanction, notre peuple en proie à la famine, s’est contenté des lamentations d’un président qui se dit abusé et incapable d’en imposer aux voleurs.
Cependant, l’Etat avait consenti des sacrifices afin de soulager les ménages. Aujourd’hui, les détracteurs du pouvoir prétendent que les dividendes ont servi à alimenter les caisses du Mouvement citoyen. Monsieur le président, pouvez-vous démentir cette accusation ?
La dernière preuve du manque de courage de nos dirigeants est encore révoltante. Les recettes douanières ne reflètent pas le volume des marchandises importées. Les caisses du gouvernement sont désespérément vides, une réunion s’est tenue sur la question entre le Premier des ministres, son ministre de l’Economie et des Finances et différents responsables de la douane. C’était le 5 septembre 2006. Les causes de ce manque à gagner sont connues.
Nous avons entendu le directeur général des services de la douane, le sieur Cheick Kéita butter dans son intervention rapiécée à la sortie de la dite réunion. Il nous disserte que les hydrocarbures ne seraient pas en cause. Soyez sérieux M. le directeur. Vous savez, qu’il existe des importations frauduleuses des produits pétroliers. La Cotecna, chargée de la surveillance, ne joue pas pleinement son rôle. Un journaliste indépendant vous a même rencontré personnellement pour recoupement. Quelle a été votre réponse ?
 Si nous avions le pouvoir de vous démettre, vous ne resterez pas un jour de plus. Ceux qui peuvent le faire manquent de courage. Alors si l’argent ne rentre pas, qu’ils se taisent. De toute façon, cet argent profite plus au Mali d’en haut qu’à ceux d’en bas.
Abdoul Karim Dramé
(journaliste indépendant)

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