C’est désormais un secret de Polichinelle : la création du PDES, le 17 juillet 2010, n’a pas du tout plu aux mastodontes de la classe politique. Mieux, cette naissance, au lieu de raffermir les liens déjà solides entre le président de la République et les partis de la majorité, a au contraire, jeté un froid sur la qualité de ces relations. C’est vrai qu’aucun de ces partis n’ose élever la voix pour dénoncer la création du parti présidentiel qu’est le PDES, mais personne n’est dupe. Le soutien des grands partis de la majorité, Adema et URD, et l’opposition modérée, éternellement affichée par le RPM, semblent avoir vécu.
Au lancement du PDES, aucun des leaders du trio constitué de l’Adema-PASJ, de l’URD et du RPM n’avait fait le déplacement pour assister à la naissance de ce que la presse a aussitôt baptisé le parti présidentiel. Ni Dioncounda Traoré, le modéré et très flegmatique président de l’Adema, ni Younoussi Touré, l’indéboulonnable président de l’URD, ni Ibrahim Boubacar Kéïta, le charismatique président du RPM, qui ravit la vedette chaque fois qu’il est invité à de pareilles cérémonies, n’avait fait le déplacement.
Préférant envoyer, par exemple, le rusé Soumeylou Boubèye Maïga et le dinosaure de l’Assemblée nationale, l’honorable Assarid Ag Imbarcaoune pour représenter la ruche, le très respectable bourreau de travail Abdoulaye Koïta, l’homme de confiance de Soumaïla Cissé, pour l’URD et pour le RPM l’ancien ministre, le très intelligent Nancoma Kéïta et le jeune député Abdrahamane Sylla, en pleine ascension au sein de son parti.
Certes, après la création du PDES, certains premiers responsables de ces formations politiques, à l’instar de Younoussi Touré, avaient, quand même, tenu à souhaiter la bienvenue au nouveau-né. Même s’il faut voir en cela surtout un geste de civilité plutôt que l’expression d’une réelle sympathie.
Alors que des premiers responsables de partis de moindre calibre avaient massivement fait le déplacement, tels Mountaga Tall, du CNID-FYT, qui avait eu la malchance de se retrouver, côte à côte, épaule contre épaule, avec le ministre N’Diaye Ba, qui venait juste de tourner le dos au CNID pour le PDES.
Après donc la création du PDES, des rumeurs ont pris corps, un peu partout, tendant à faire croire de l’imminence d’un remaniement ministériel. Raison invoquée : le président de la République n’est pas content de la création du PDES et de l’entrée, dans son bureau national, d’une kyrielle de membres de son gouvernement.
ATT, fâché du fait que ses amis ne l’ont pas écouté, allait donc les punir, en les privant du beurre gouvernemental. C’est pourquoi, nombre de militants et sympathisants des partis Adema et URD croyaient, dur comme fer, à ce que, par exemple, des ministres Hamed Diané Séméga de l’Equipement et des transports, Marahafa Traoré de la Justice, Mohamed El Moctar de la Culture, N’Diaye Ba de l’Artisanat et du tourisme, Hamèye Niang de la Jeunesse et des sports, soient remerciés dès le lendemain de la création du PDES. Alors que, voilà ceux-ci toujours en place et le gouvernement s’apprête même à aller en vacances.
D’où cette lourde déception qu’on peut facilement lire sur le visage de tous ces responsables Adema et URD qui avaient, dans leur for intérieur, parié que le PDES fera long feu, suite à une éventuelle furie du président ATT.
Pour se convaincre davantage de leur sinistre prévision, certains avaient même juré que le président ATT allait peser de son poids, afin d’empêcher le parti étoilé de briller de mille feux. Et cela indépendamment du fait que le nouveau-né était arrivé avec une cuillère dorée à la bouche.
C’est vrai que l’Adema et l’URD ont de réels motifs d’inquiétude par rapport à la présidentielle de 2012. Au vu seulement des personnalités qui avaient fait le déplacement, le jour du lancement du PDES au CICB, on est pris de frayeur devant une telle déferlante. Emerveillé, un présentateur vedette avait même eu à dire que l’événement est " un grand jour dans la construction de la Nation ".
En même temps, dans la rue, certains disaient que c’était " un non événement " et que le PDES allait mourir de sa belle mort. Lors du dernier rassemblement d’une grande formation politique de la place, un haut cadre avait même, pour rassurer ses militants de son amour profond pour son parti, lancé ces propos : " Le PDES n’ira pas loin ". C’est donc cette forte conviction qui est en train d’être battue en brèche, et cela au fil du temps : les ministres PDES donnés pour partants du gouvernement sont toujours en place et le parti aurait même planifié des sorties sur le terrain, notamment à l’intérieur du pays.
Ahmed Diané Séméga et les membres de son équipe seront suivis sur tout leur parcours durant tous leurs déplacements. Car, ils sont soupçonnés de vouloir récolter le fruit du travail d’autrui et de chercher à semer sur des champs déjà désherbés par les grands partis. En somme, le PDES est vu, aux yeux de certains, comme un usurpateur venu casser les grandes formations politiques. Et cela, avec la bénédiction supposée du président de la République.
C’est donc pour éviter que tout le travail fourni depuis, par chacun des membres du trio, n’aille à vau-l’eau que des manœuvres secrètes sont entamées en vu de la mise en branle d’une union sacrée Adema-URD-RPM pour contrer ATT, à travers le PDES.
Aujourd’hui les partis de l’Adema originel se voient donc obligés de sceller une paix des braves, pour d’abord leur propre survie. Et, si possible, pousser le président de la République à choisir le futur Premier ministre au sein de la majorité Adema-URD. Il s’agira, en fait, d’imposer au président qu’il applique le fait partisan. Ces partis pensant, à tort ou à raison, n’avoir rien eu en retour de leur soutien au président de la République. Et cela, depuis huit ans déjà. Et voilà qu’au moment du départ, le président ATT, qui s’était toujours opposé à la création d’un parti, voudrait maintenant les payer en monnaie de singe. C’est ce qui se dit à longueur de journée dans les salons feutrés de ces nombreux cadres et élus Adema et URD.
En catimini des députés se rencontrent dans le but de rebattre les cartes en octobre prochain, lors de la rentrée parlementaire. Car, le PDES, accusé de tous les noms d’oiseaux, est soupçonné de vouloir faire main basse sur plusieurs députés en vue de former une majorité beaucoup plus stable et beaucoup plus solide. Et cela, autour du PDES, le parti présidentiel. C’est dire que chacun est désormais sur ses gardes.
Chroniqueur politique