Plus qu’une aberration de considérer à la légère l’échec patent de la politique pénitentiaire malienne, ce serait se faire hara-kiri que de continuer à agir comme si rien n’allait de soi. Faut-il le rappeler que l’effectif de la Maison centrale d’arrêt de Bamako, vitrine des maisons d’arrêt malienne, héberge aujourd’hui entre 3 000 et 4 000 détenus vivant dans de miteuses conditions ? Derrière ce phénomène couvent des réalités muettes susceptibles d’en rajouter lourdement à la crise multiforme que traverse le Mali depuis presque deux décennies.
En effet la langueur et le fonctionnement ésotérique de la sphère judiciaire malienne font de la détention carcérale un univers exceptionnellement insolite auquel s’ajoute, comme pour ne rien arranger, les maux multiformes qui s’accumulent dans les maisons d’arrêt notamment avec une insertion socioprofessionnelle et le suivi post carcéral qui n’existent que théoriquement dans les textes, le surpeuplement carcéral, la lourdeur des procédures judiciaires, une prise en charge psycho-carcérale quasi inexistante.
Cette énumération n’est pas exhaustive des problèmes du monde pénitentiaire qui pourrait faire le lit de frustrations généralisées dans l’ensemble des maisons d’arrêt du pays. Ils sont tous susceptibles de se transformer en espaces de radicalisation et d’échanges d’expériences criminelles entre détenus en pleine déperdition – dont l’éducation surveillée en détention a souvent de néfastes effets tel qu’en en témoigne le taux de récidive qu’on estime malgré l’absence de donnée chiffrée à plus de 60%. Somme toute, ce tableau peu reluisant rend impérieux et même incontournable la nécessité de s’inscrire dans la dynamique d’un changement drastique d’orientation politique du monde carcéral qui doit à tout prix se réinventer pour reprendre le bon train.
Seydou Diakité