Les vieux démons de la division viennent de sévir dans le monde des travailleurs des douanes maliennes. Depuis quelques jours, en effet, une nouvelle section syndicale, cette fois affiliée à la Cstm, existe. Mais pour le moment, la créature de Moussa Gaoussou ne risque pas de décimer les troupes de Yacouba Katilé.
[caption id="attachment_76130" align="alignleft" width="159" caption="Yacouba Katilé, secrétaire générale Douanes Mali"]

[/caption]
Il y a peu, le monde des travailleurs des douanes maliennes s’est divisé en raison de la création d’une nouvelle section syndicale affiliée à la Confédération syndicale des travailleurs du Mali, la deuxième centrale des travailleurs. A l’origine de cette division se trouve un certain Moussa Gaoussou, douanier en activité à Ségou, responsable de la mutuelle des douanes dans cette région. La création de cette section est l’aboutissement d’un long bras de fer entre Moussa Gaoussou et Yacouba Katilé, secrétaire général de la section syndicale des douanes, affiliée à l’Union nationale des travailleurs du Mali, la première et plus grande centrale syndicale. Dans une longue campagne voulue déstabilisatrice, Moussa Gaoussou a mis en cause la «
gestion opaque et patrimoniale» du syndicat des douanes par Katilé. Pour le premier, il était temps que le second lui cède son fauteuil de secrétaire général, surtout qu’il estime que les membres du syndicat ont tout eu. Pour prendre cette place, Moussa Gaoussou aurait tout entrepris jusque dans les moindres détails. Las de ne pouvoir détrôner Katilé, il a préféré créer une nouvelle section, espérant du même coup diviser à fond le monde des travailleurs de la douane. En fait, ce sont ces travailleurs douaniers qui vont trancher la question en adhérant très faiblement à l’invention de Moussa Gaoussou, en renouvelant leur confiance à Yacouba Katilé. A l’issue d’entretiens avec des douaniers, agents et cadres, il semble que la légitimité et la légalité ont prévalu dans le maintien de l’actuel secrétaire général. Que lui reprochent ses adversaires ? Gestion patrimoniale, visée d’intérêts personnels, activisme pour le compte de quelques amis.
Mais selon nos différents interlocuteurs, tous des douaniers en activité ou à la retraite, dont des membres du bureau syndical de la douane, toutes les décisions concernant les travailleurs se prennent en toute démocratie. A leurs dires, grâce à la liberté de parole dont tout le monde jouit, les réunions du bureau se déroulent très souvent dans une atmosphère électrique, tendue et houleuse. Et même si les participants n’ont pas les mêmes points de vue sur les différents points de l’ordre du jour, les réunions se terminent toujours par des décisions et recommandations longuement discutées et librement prises par la majorité. Les mêmes interlocuteurs affirment que l’équipe de Katilé n’a jamais eu en vue que les seuls intérêts de l’ensemble des travailleurs. Il serait faux, estiment-ils, que l’on insinue que les membres du bureau ne visent que leurs seuls intérêts à eux. Pour preuve, même s’ils ont beaucoup œuvré pour la promotion des travailleurs et l’instauration d’un plan de carrière véritable, seulement trois membres de ce bureau occupent ce qu’on peut appeler un poste de responsabilité. Et encore ! Il ne s’agit que de deux chefs de brigade et d’un chef de brigade adjoint. Et c’est tout.
Par contre, sur un tout autre plan, depuis que l’équipe de Katilé est venue aux affaires, elle veille scrupuleusement sur les intérêts des travailleurs. Grâce à elles, les douaniers, en activité ou à la retraite, bénéficient aujourd’hui de droits et avantages dont ils n’auraient jamais rêvés il y a seulement quelques années. Les responsables syndicaux se font un honneur de sillonner toutes les régions du Mali afin de s’imprégner des conditions de travail et de vie des douaniers. De même, ils partent dans tous les ports abritant des entrepôts maliens à l’extérieur, ce qu’il leur a permis de faire bénéficier aux travailleurs des primes assez conséquentes pour leur permettre de travailler sans trop de problèmes à l’étranger.
C’est conscients de tous ces efforts que beaucoup de douaniers ont refusé de rejoindre la nouvelle section. Laquelle, aux dernières nouvelles, serait en train de perdre ses quelques rares militants.
Ceux-ci auraient été informés de la vraie raison du dépit de Moussa Gaoussou. Le bureau syndical se serait opposé à une prise du contrôle du comité syndical de Ségou, base du dissident, parce que par un principe, il est vrai non écrit, la gestion de la mutuelle est séparée de celle du comité syndical. Or Moussa Gaoussou, déjà responsable de la mutuelle voulait également prendre le contrôle du bureau de Ségou pour briguer la section.
Le contrôle du bureau de Ségou était visé parce que celui-ci a été démembré par de nombreuses mutations des agents. La section syndicale ayant tardé à pourvoir les postes vacants, ils ont été pris d’assaut par les nouvelles recrues, dont la plupart n’aurait même pas prêté serment, qui réagissent comme si elles étaient encore dans des réunions estudiantines. Ces nouveaux douaniers se sont activés d’autant plus qu’ils n’avaient aucune expérience des revendications et questions syndicales, et étaient donc manipulés par de plus anciens désireux d’occuper enfin le devant de la scène syndicale. Selon des indiscrétions, un des fondateurs de la nouvelle section syndicale affiliée à la Cstm serait arrivé à la douane avec un diplôme de … moniteur d’agriculture. Et évidemment, quand on atterrit là où on ne doit pas descendre, quand on devient ce qu’on ne doit pas être, il est tout à fait naturel que l’on fasse n’importe quoi, n’importe quand, n’importe comment.
Cheick Tandina