Un expert craint le pire pour l’Ukraine: “Il n’y a qu’une seule issue réaliste et c’est un triomphe pour Poutine”

Et si la guerre en Ukraine se soldait par une victoire de la Russie? C’est la crainte du professeur en politique internationale Jonathan Holslag (VUB), qui voit dans l’évolution des rapports de force un “triomphe d’horreur” russe. Qu’est-ce que cela signifie pour l’Ukraine? Et pour le reste de l’Europe?

20 Août 2025 - 15:49
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Un expert craint le pire pour l’Ukraine: “Il n’y a qu’une seule issue réaliste et c’est un triomphe pour Poutine”
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Un expert craint le pire pour l’Ukraine: “Il n’y a qu’une seule issue réaliste et c’est un triomphe pour Poutine”
Jonathan Holslag © HLN Fotomontage, Bollen, Gtty Images

Selon le politologue Jonathan Holslag (VUB), un “triomphe d’horreur” russe est l’issue la plus réaliste: l’Ukraine cédera du territoire en échange de garanties de sécurité. “Par triomphe d’horreur, j’entends que Poutine, après des années de guerre et des milliers de victimes, finira par contrôler une partie du territoire ukrainien. Ce ne sera pas la victoire totale qu’il espérait au départ, mais il contrôlera l’est de l’Ukraine, y compris le Donbass et un passage vers la Crimée”, explique l’expert. “Ce dernier point est important. Les Russes pourront ainsi se déplacer vers la Crimée sans obstacle. Dans les semaines à venir, la confirmation de cette conquête territoriale sera discutée.”

Pourtant, le président Zelensky a longtemps insisté sur le fait qu’aucun territoire ne pouvait être abandonné. Cette option est-elle désormais complètement écartée?

“La réalité politique et diplomatique est souvent déterminée par la situation militaire sur le terrain, aussi dure soit-elle. L’Ukraine n’est actuellement pas en mesure de changer la position sur le front, surtout compte tenu de la réticence de Trump à l’aider. D’autres scénarios sont possibles, mais ils semblent peu réalistes. Surtout parce que la population ukrainienne en a vraiment assez: elle souhaite également des négociations et une désescalade du conflit.”

“La guerre a favorisé l’unité nationale en Ukraine, ce qui a permis à la corruption et à d’autres problèmes internes de rester sous la surface.”

Jonathan Holslag, Professeur en politique internationale à la VUB
“Il sera surtout intéressant de suivre ce qui se passera pour l’Ukraine et Zelensky après un accord. La guerre a créé une unité nationale qui a permis à la corruption et à d’autres problèmes internes de rester sous le tapis. Ceux-ci risquent de refaire surface à ce moment-là. La stabilité politique deviendra alors une grande préoccupation en Ukraine.”

Des garanties de sécurité suffisent-elles à mettre fin efficacement au conflit?

“La Russie se heurte aux limites de sa propre économie. Même le ministre russe de l’Économie admet que le pays se dirige vers une stagflation (combinaison d’inflation et de croissance économique ralentie, ndlr). C’est pourquoi le Kremlin souhaite une stabilité à court terme. Mais cela ne signifie pas encore une paix durable. Il s’agira au mieux d’une stabilisation temporaire, où la Russie pourra à tout moment déstabiliser à la fois l’Ukraine et l’Europe. Ce n’est absolument pas la paix, ce mot, je choisis de ne pas le prononcer.”

“La paix est une denrée rare dans la politique mondiale. La sécurité et la stabilité semblent être le maximum atteignable pour le moment. Et elles dépendent du nouvel équilibre des pouvoirs qui doit être construit en Ukraine et autour. Le soutien des États-Unis y sera crucial. Mais aujourd’hui, il est difficile d’évaluer jusqu’où il ira. Il est possible que les garanties de sécurité signifient que les États-Unis fourniront à nouveau un soutien militaire si la Russie viole les accords. Mais une garantie de sécurité complète, comme celle dont bénéficient les pays membres de l’OTAN, ne sera pas accordée à l’Ukraine.”

Si Poutine sort de ce conflit avec des gains territoriaux, cela ouvre-t-il la porte à de nouvelles agressions? Quel est le risque que les Russes se regroupent et attaquent à nouveau dans trois ou quatre ans, en Ukraine ou ailleurs, par exemple dans les pays baltes?

“Les pays baltes sont membres de l’OTAN, c’est une situation bien différente. Je ne pense pas que la Russie ait intérêt à attaquer un membre de l’OTAN. Mais en Ukraine, il faut prendre ce scénario en compte. Bien que cela ne se produira probablement plus sous Poutine. S’il obtient cette victoire symbolique, il stabilisera d’abord l’économie. Ensuite, il devra progressivement penser à sa succession, Poutine est tout de même âgé (72 ans, ndlr). L’agressivité future de la Russie dépendra surtout du profil de ce successeur.”

“Je pense depuis longtemps que la Russie va se repositionner comme avant la guerre en Ukraine: en tant qu’acteur de puissance dure entre l’Europe et la Chine. Les Russes sont frustrés que la guerre les ait rendus dépendants de manière malsaine de la Chine. Même si les relations semblent cordiales entre les dirigeants russes et chinois, il existe en Russie beaucoup de méfiance envers la Chine. La Russie voudra renforcer à nouveau son pouvoir, par exemple en vendant du pétrole bon marché aux pays asiatiques.”

“Ce qui m’inquiète également, c’est que d’autres pays vont désormais tirer la conclusion que l’agression paie, ce qui fragilise la sécurité internatio­na­le.”

Jonathan Holslag, Professeur en politique internationale à la VUB
“Vous le voyez déjà aujourd’hui, avec Netanyahu à Gaza et Erdogan dans le nord de la Syrie. Les États peuvent exposer leur puissance militaire presque sans conséquence. Ce qui fragilise la sécurité internationale.”

Que signifierait un accord pour la stabilité de l’UE?

“À court terme, les conséquences seraient plutôt limitées. De nombreux états membres envisageront à nouveau d’acheter de l’énergie aux Russes. Peut-être pas autant qu’avant, mais peu à peu, nous allons redevenir pragmatiques avec la Russie. Même si ce pays peut à tout moment provoquer de l’instabilité. C’est tout de même interpellant qu’un état avec une population et une économie beaucoup moins importante que la nôtre puisse déstabiliser 500 millions d’Européens majoritairement riches.”

Ce ne serait pas une erreur d’acheter à nouveau de l’énergie russe?

“Nous avons peu de ressources et devons penser à la compétitivité de notre économie. Le gaz russe était important pour la position de l’Europe. C’est en partie à cause de son absence que des secteurs comme la chimie se retrouvent en difficulté. Tant que l’énergie verte n’offrira pas une alternative complète aux énergies fossiles, le pétrole et le gaz russes restent attractifs. Car l’énergie russe est environ 30 à 40% moins chère que celle qui arrive aujourd’hui par pétroliers dans nos ports.”

Source: https://www.7sur7.be/

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