CEDEAO-AES : Une troïka pour suivre le divorce
Alors que le départ du Burkina Faso, du Mali et du Niger de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) est désormais une réalité, l'organisation régionale a pris les devants.

Réunis à Abuja le dimanche 22 juin 2025 lors d’un sommet ordinaire, les chefs d'État de la CEDEAO ont annoncé la constitution d'une troïka ministérielle afin de piloter les négociations post-retrait d’avec les pays de l’AES.
Le dispositif, appuyé par un négociateur en chef et le président de la Commission de la CEDEAO, vise à encadrer les implications politiques, économiques et institutionnelles de cette scission. Le retrait des trois pays est devenu effectif en janvier 2025, respectant ainsi le délai d'un an prévu par l'article 91 du traité révisé de la CEDEAO depuis l'annonce de leur intention de quitter l'organisation en janvier 2024.
La mission de cette troïka est multiple et complexe. Elle devra notamment s'assurer de la préservation des droits des citoyens ouest-africains vivant dans ces pays, garantir le respect des engagements existants entre les deux blocs, et gérer les conséquences institutionnelles, sécuritaires et économiques de cette rupture historique.
En parallèle, l'Alliance des États du Sahel (AES), constituée en septembre 2023, a rapidement consolidé son autonomie. En juillet 2024, elle s'est dotée d'un cadre confédéral, marquant une volonté claire d'indépendance vis-à-vis des anciennes structures régionales. Cette affirmation s'est traduite par la création de symboles forts : un drapeau, un logo, un hymne, un passeport commun et un projet de force conjointe. L'AES remplace de fait le G5 Sahel, dont les trois pays ont également claqué la porte.
Malgré cette fracture politique et institutionnelle, un point de convergence essentiel a été maintenu par les deux blocs : la libre circulation des personnes et des biens dans l'espace ouest-africain. Tant la CEDEAO que l'AES ont unanimement souligné leur attachement à cet acquis fondamental, évitant ainsi une rupture brutale des échanges humains et commerciaux, ce qui aurait des conséquences désastreuses pour les populations.
Lors de l'ouverture du sommet, le président sortant de la CEDEAO, Bola Ahmed Tinubu, a lancé un appel vibrant à la réconciliation. Il a exhorté les anciens partenaires sahéliens à réintégrer la Communauté, déclarant : «Nos portes leur restent ouvertes pour l’unité, la solidarité et la vision commune de l’avenir».
Cette main tendue intervient seulement un mois après une session de dialogue tenue à Bamako, le 22 mai 2025, entre la Commission de la CEDEAO et les ministres des Affaires étrangères de l'AES. Ces rencontres successives témoignent d'une volonté, de part et d'autre, de maintenir un canal de communication et de dialogue malgré les désaccords.
La mise en place de cette troïka marque une nouvelle phase dans les relations entre la CEDEAO et l'AES. Si la séparation est consommée, la nécessité de gérer ses implications avec pragmatisme et de préserver les intérêts des populations demeure une priorité partagée.
M. SANOGO
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