Suicide : Un mystère à élucider

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    Dans l’évolution actuelle du monde, peu de gens échappent au stress, à l’angoisse voire à l’anxiété. Or, ces états d’âme peuvent conduire facilement au suicide. Ce phénomène de se donner la mort n’était pas fréquent dans notre pays. On pensait même plutôt que ça concernait les pays du Nord, c’est-à-dire les pays en développement. Malheureusement, on s’est trompé sur toute la ligne puisque le suicide est de plus en plus récurrent dans notre pays. Le dernier en date s’est produit récemment sur le 3è pont. L’ouvrage construit et offert par les amis chinois aurait la triste réputation d’un lieu de prédilection des candidats au suicide. En tout cas, on est tenté parfois d’amener à y croire.

    Le 25 septembre 2019, une femme s’était jetée dans les eaux du fleuve Niger au niveau du pont de l’amitié sino-malienne avant de se noyer. Son cadavre a été repêché par les pompiers. Une année plus tard, soit précisément le 12 octobre 2020, le comptable d’une société de la place que nous désignons par les initiales Yacouba. Niaré avait fait le même geste dramatique. Il avait lui aussi enjambé le 3ème pont pour se suicider.

    Son corps a été retrouvé par des pêcheurs aux environs de Bangunéda. à l’époque, des témoignages concordants confirmaient que l’homme avait garé son véhicule sur le pont à une heure indue et s’était volontairement jeté dans les profondeurs des eaux du Djoliba pour mettre fin à ses jours. Quelques jours après, lui sera aussi imité par un mécanicien. Sidy Bouaré qui résidait à Korofina Sud, en Commune I du District de Bamako. Le cadavre du suicideur sera retrouvé au niveau de Tienfala.

    FATALISME DES FAMILLES ENDEUILLÉES- La série noire des suicides s’est poursuivie, le lundi 4 septembre dernier. Aux environs de 8 heures, un jeune identifié comme Moussa. Diarra avait lui aussi garé son véhicule au beau milieu de la voie, avant de se jeter à l’eau et atterrir sur les rochers. Sa détermination à mettre définitivement un terme à son existence sur terre serait liée, selon les témoignages, à de gros soucis d’argent. à tort ou à raison, en tous cas chacun est allé de son petit commentaire dans ce énième suicide sur le 3è pont.

    La question qui taraude les esprits est de savoir qu’est-ce qui explique les nombreux suicides au niveau du 3è pont ? À en croire certaines croyances populaires, il y aurait une convention entre les esprits et la communauté. Les premiers protégeraient les lieux et auraient des exigences spéciales en contrepartie. Et chaque année, des offrandes spécifiques avec des animaux (bœufs, moutons chèvres), parfois de la volaille, seraient faites aux esprits pour apaiser leur courroux. Naturellement, les esprits cartésiens auront du mal à croire à ces explications.

    Mais les familles endeuillées par ces suicides prennent les choses avec philosophie et semblent croire à la fatalité. Dans la famille Bouaré à Korofina Sud, la raison du suicide de Sidy reste encore non éludée. Sa mère dit avoir simplement constaté une perte de poids de son fils avant qu’il ne passe à l’acte. Elle s’en est préoccupée, mais ses multiples tentatives d’arracher la moindre explication à sa progéniture sur son amaigrissement sont conservées vaines. La vieille se souvient encore de certains détails, notamment du jour du suicide où, selon elle, il avait un comportement bizarre.

    Il n’aurait avalé que deux cuillerées de nourriture le matin. «Il a appelé son fils Abdou pour qu’il aille acheter de l’essence pour sa moto. Au retour de ce dernier, Sidy est sorti accompagné de son oncle pour se rendre au travail. Au niveau du 3ème pont, il a remis subitement la moto à son oncle pour se jeter à l’eau», raconte-t-elle.

    La mère de Sidy Bouaré explique simplement qu’il était écrit quelque part que c’est de cette manière que son fils devrait quitter ici-bas. En tout cas pour elle, il est clair que c’était prévu comme ça par Allah, le Clément et Miséricordieux. Elle n’entend trouver plus d’explication et fait des bénédictions pour le repos éternel de l’âme de son fils.

    Dans la famille de Yacouba Niaré, c’est la même énigme. Ses proches expliquent aussi n’avoir rien suspecté de louche chez lui. En tout cas, rien qui puisse laisser croire à une volonté d’attendre à sa propre vie. «Il était normal et ne souffrait de rien», déclare un de ses proches. Selon certaines informations recueillies auprès de sa mère, le défunt avant de se jeter dans le fleuve aurait joint sa femme au téléphone pour lui dire de bien prendre soin des enfants, estimant que s’en était fini pour lui.

    LE TAUX DE SUICIDE AU MALI EST DE 4,8 POUR 100.000 HABITANTS- Les pêcheurs bozos se veulent un peu plus rationnels par rapport aux faits. Ils pointent du doigt l’individualisme qui est en train de prendre le pas sur la vie communautaire qui permet de partager ses problèmes avec les siens et de décompresser un peu pour éviter d’en arriver au suicide.

    «Le fait d’échanger avec les autres sur ses préoccupations permet de se soulager, mais aussi d’avoir des solutions mieux pensées donc très souvent adéquates», affirme Adama Kounouta. Il balaie d’un revers de la main la thèse des esprits de l’eau. «Je ne dirais pas que ces esprits n’existent pas, mais dire qu’ils appellent les personnes au suicide par noyade, je ne pense pas. Si c’était le cas, nous (les pêcheurs) ne serions pas là aux bords de l’eau», dit-il.

    Le directeur régional de la protection civile de Bamako, le lieutenant-colonel Adama Diatigui Diarra, explique que le suicide est l’une des rares causes de mortalité au Mali, d’où le mystère qui l’entoure. Ce qui amène beaucoup de personnes à penser à des croyances mythiques parce que très souvent les raisons sont méconnues d’elles. Selon les statistiques 2016 de l’outil pédagogique des grandes tendances mondiales : «Perspective monde», le taux de mortalité par suicide au Mali était de 4,80 pour 100.000 habitants.

    Tamba CAMARA

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