Trésors pillés en Afrique : Macron veut une loi pour faciliter les retours
Durant la colonisation, la France a méthodiquement vidé les palais et sanctuaires de plusieurs royaumes africains

Des campagnes militaires au Dahomey aux expéditions administratives au Congo ou en Guinée, les puissances coloniales ont rassemblé une impressionnante quantité d’objets à forte valeur symbolique, religieuse ou politique. Des sabres, des statues, des masques cérémoniels, parfois même des restes humains, ont quitté l’Afrique non pas par les voies de l’échange ou du don, mais par la coercition, le pillage ou l’humiliation. Ces artefacts sont depuis conservés dans les institutions françaises, parfois sans informations précises sur leur origine, souvent sans le consentement des peuples concernés.
Ces objets ne sont pas de simples œuvres muséales. Ils incarnent des histoires, des lignées, des savoirs perdus. Et leur absence pèse encore dans la mémoire collective de nombreuses communautés africaines. Depuis des décennies, les demandes de restitution se multiplient, souvent ignorées ou traitées au cas par cas, sans cadre clair.
Une réforme pour débloquer les procédures
Face aux critiques persistantes sur la lenteur des restitutions, le gouvernement de la France s’apprête à modifier la méthode de traitement des demandes. Jusqu’à présent, chaque retour nécessitait une loi spécifique, validée par le Parlement, rendant le processus long et incertain. Un nouveau projet législatif, attendu au Conseil des ministres le 30 juillet, devrait permettre de contourner cette lourdeur.
Ce texte prévoit de déléguer au Conseil d’État la possibilité de déclasser des biens culturels par simple décret. Une fois cette procédure actée, l’État pourra restituer les objets sans engager un processus parlementaire complet. Cette évolution vise à débloquer un certain nombre de dossiers en attente, notamment ceux déjà validés sur le plan diplomatique mais freinés par des obstacles juridiques internes.
L’enjeu n’est pas seulement administratif. Il s’agit aussi de renforcer la crédibilité des engagements pris en 2017 par Emmanuel Macron, lorsqu’il avait affirmé que l’Afrique ne devait pas attendre des décennies pour récupérer son patrimoine. Jusqu’ici, seules quelques restitutions ont été effectivement menées à terme, comme celles de 26 œuvres au Bénin ou d’un sabre au Sénégal. Ces gestes, bien qu’importants, restent marginaux au regard de l’ampleur des collections africaines conservées en France.
Entre mémoire, diplomatie et responsabilités
Au-delà du débat technique, cette réforme pose des questions de souveraineté et de reconnaissance historique. Pour de nombreux pays africains, les restitutions sont une étape dans la réappropriation de leur récit, longtemps altéré ou confisqué. Pour la France, c’est une manière de montrer sa volonté de renouer un dialogue équilibré, sans pour autant céder à une logique de repentance systématique.
Cette réforme pourrait aussi servir de modèle pour d’autres pays européens confrontés aux mêmes revendications. Mais elle devra s’accompagner d’un dialogue permanent avec les institutions culturelles africaines, certaines exprimant des inquiétudes quant à la conservation ou la valorisation future des pièces restituées. Des partenariats devront donc être mis en place, non pour contrôler, mais pour accompagner un transfert respectueux et durable.
La simplification des procédures ne signifie pas un abandon du discernement. Elle marque une tentative de dépasser le statu quo, sans nier les complexités qui entourent chaque objet. Si le texte aboutit, il pourrait enclencher une nouvelle séquence dans la gestion du patrimoine post-colonial, où la légitimité historique pèsera enfin autant que la valeur juridique.
Source: https://lanouvelletribune.info/
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