Les soliloques d’Angèle : Regards perdus d’une jeunesse désœuvrée

Ils sont nombreux, assis sur les marges invisibles de la société, les yeux rivés vers un horizon flou. Des jeunes, diplômés ou non, porteurs de rêves pleins les poches, qui errent de promesse en promesse sans jamais franchir la ligne d’arrivée.

23 Juillet 2025 - 03:17
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Les soliloques d’Angèle : Regards perdus d’une jeunesse désœuvrée

Ce ne sont pas des paresseux. Ils ont essayé. Tenté. Postulé. Créé. Supplié. Ils ne demandent pas la lune, seulement un peu de lumière. Pas des millions, juste un travail, un stage, une formation, une opportunité ; mais ils n’ont rien et petit à petit, ils ferment les rideaux.

Ils sont là, mais on ne les voit plus, ils passent leurs journées sans horizon, enfermés entre les murs de leurs maisons ou accrochés à leurs téléphones comme à une bouée de survie, assis au "grin". Ils étaient pleins de rêves. Aujourd’hui, ils sont pleins de doutes.

Un titulaire d’une maîtrise en droit confie : "Mon père s’est endetté pour que j’aie ce diplôme. Mais aujourd’hui, je vends des recharges de crédit pour survivre. Je dors mal, je mange peu. J’ai honte de moi". Une diplômée en comptabilité soupire : "Même pour un stage non payé, on me demande de l’expérience, on me dit d’être patiente". Cette génération humiliée ce n’est pas le manque de diplômes qui les brise, c’est le manque de débouchés. Ce n’est pas l’absence d’envie, c’est l’absence de portes ouvertes et surtout, ils ne savent plus vers qui se tourner. Combien de professionnels sommes-nous à recevoir des CV et des dossiers que nous tentons, par réseautage surtout, à essayer de valoriser ou de donner une chance ?

Les institutions sont lourdes, les ONG saturées, les entreprises en recrutements sporadiques ; alors ils s’enferment. Ou pis, mûrissent l’idée de partir, coûte que coûte. Et puis vient "la route" parce qu’il faut bien fuir quelque chose, la pauvreté, la faim, la honte, l’inutilité. Mais combien sont morts dans le désert ou sous les vagues ?

Combien n’ont jamais envoyé le moindre centime, car là-bas aussi, c’est la misère qui les attendait ? Un jeune revenu d’un pays qui lui a été hostile déclare : "Là-bas, j’ai été battu, enfermé, travaillant comme l’aurait fait un esclave. Aujourd’hui je suis revenu, mais c’est comme si j’étais mort deux fois. Personne ne m’écoute. Personne ne m’aide, mon passé me poursuit et me hante".

Par ces mots qui suivent, entendons le cri silencieux de la jeunesse : Ce n’est pas eux qui ont échoué. Est-ce nous alors ? Ils ont besoin d’un regard bienveillant, d’un mentor, d’un micro-crédit, d’un centre d’écoute, d’une simple première chance. Ce n’est pas eux qui ont failli, est-ce ceux qui ont promis, et n’ont pas tenu ; ceux qui avaient les clés, et les ont gardées ; ceux qui ont eu des postes, mais n’ont rien construit ?

Il faut parler. Il faut écouter. Il faut agir. Ce n’est pas une plainte. C’est un appel. À la société civile. Aux entreprises. A l’Etat. Aux leaders d’opinion. A tous ceux qui peuvent tendre une main, car une jeunesse sans espoir est un pays qui s’éteint. Quand une génération entière n’a plus la force de rêver, il est encore temps, pas pour sauver tous les jeunes, mais pour empêcher que d’autres s’éteignent avant d’avoir commencé à vivre.

Parce que c’est Notre Mali.

Muriel Jules

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