Développement industriel du Mali : Comment pérenniser les investissements publics au profit des générations futures ?
Sous la férule du premier président du Mali indépendant, feu Modibo Keïta (4 juin 1915-16 mai 1977), de nombreuses unités industrielles ont vu le jour un peu partout sur le territoire national, au cours des premières années de l'accession de notre pays à l'indépendance, le 22 septembre 1960. Mais, dans les années 80-90, elles ont presque toutes fait faillite. Celles qui avaient survécu n’ont pas résisté à la vague de privatisation.

Aujourd’hui, il convient de tirer toutes les leçons de ces faillites afin d’investir judicieusement en faveur des générations futures.
Chose qui n'était pas dans la politique de nos dirigeants, dans la mesure où la méthode de gestion de nos unités industrielles ne prévoyait pas où peu d'investissement pour la croissance à long terme et surtout manquaient d'un département dédié la R/D (Recherche et Développement) afin de booster la qualité de la production et fidélisé une clientèle toujours attirée par l'innovation. Ces entreprises n'étaient vues juste que comme une garantie d'emplois pour certains, avec comme seule perspective, le salaire de fin de mois. D'où l'inertie observée autour de ces maillons nationaux des industries et des services.
S'il y a une comparaison qui étaye ce manquement aux méthodes d'une gestion dont les fondements sont tournés vers l'avenir, c'est celle qui nous remonte dans les années 80. À cette époque, la société ivoirienne COSMIVOIRE avait un quasi-monopole dans la production d'un savon bon marché et de grande consommation appelé « Fanico », très populaire au sein de la société. À la même période, le savon « Koulikoro »produit par l'Huicoma au Mali était aussi la marque la plus répandue et la plus utilisée dans les ménages.
Et quand on fait un bilan, plus de 30 ans après, le constat est clair et sans ambages. En Côte d'Ivoire, le savon « Fanico » a été relooké avec un parfum plus agréable et il est désormais emballé, continuant ainsi à combler l'attente des consommateurs. Par contre, au Mali, l'Huicoma est tombée en faillite après une privatisation que rien ne justifiait objectivement. En effet, alors qu'elle était assise sur un monopole, la société a fini par être bradée à un opérateur économique de la place. Quant au savon « Koulikoro », il n'existe plus sur le marché, à plus forte raison de voir sa qualité améliorée. Et ceci pour corroborer le constat fait plus haut sur le devenir de nos entreprises publiques qui ne naissaient que pour mourir jeunes par négligence.
La classe dirigeante à l'origine de la matérialisation de ces entreprises a-t-elle oublié que la pérennité d'une initiative industrielle repose sur une suivie prépondérante pour affiner son efficacité dans le long terme, dont le principal but est l'attachement des consommateurs aux produits finis ? C'est plutôt le contraire du schéma ivoirien qui s'est fait jour dans le cas malien. C'est une situation qui a particulièrement profité aux importations. Ce qui a fini par sonner le glas de nos unités industrielles, dont beaucoup sont à la peine à l'heure actuelle.
Prenons le cas de MALI LAIT ! Pour une unité industrielle de cette envergure et vu son ancienneté, un paradoxe saisissant laisse pantois quand on remarque qu'elle ne produit même pas de yaourt depuis qu'elle existe. Elle laisse ainsi les consommateurs se rabattre sur les marques venues d'ailleurs.
Un manque criard de vision et d'anticipation dans la promotion de nos atouts économiques
Le Mali est pourtant un grand producteur de lait en Afrique de l'Ouest. Et que dire du sérum glucosé, principal composant anti-palu, très demandé dans les pharmacies, que notre Usine Malienne des produits pharmaceutiques (UMPP) ne produit pas, même après avoir été récemment relancée à coup de millions de nos francs ? Et pourtant, nous sommes au 21ᵉ siècle, où la diversification de nos productions nationales est essentielle pour l'économie et la consommation. Ce manque de vision et d'anticipation dans la promotion de nos outils économiques, est la principale raison qui nous a valu au tournant des années 1990 (avec l'avènement de la démocratie et sous la pression des partenaires financiers extérieurs du Mali), de donner la priorité à la privatisation et au désengagement de l'État dans la gestion des entreprises qu'il contrôlait jusque-là.
En conclusion, le scepticisme reste de mise avec la récente reprise de 100 % du capital de la Banque nationale du développement agricole (BNDA) par l'État du Mali. Espérons que cette acquisition sonne comme l'engagement d'une nouvelle impulsion dans la gestion des entreprises publiques et non comme un retour à la case-départ de l'effritement.
Le nationalisme économique, qui est désormais le credo de nos plus hautes autorités, doit privilégier l'excellence et la compétitivité dans tous les domaines afin d'offrir aux Maliens des produits et des services de bonne qualité épousant les standards en vogue à l'échelle internationale. C'est à ce prix que les acquis de ces investissements publics seront pérennisés au profit des générations futures.
Habib Barro
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