Cohésion sociale au Mali : « L’humanitude » comme socle du vivre-ensemble
Le tissu social malien est fragilisé aujourd’hui du fait des crises sécuritaires, sociales et politiques. Le vivre-ensemble, jadis cimenté par des valeurs humanistes genreuses, se trouve aujourd’hui menacé.

Pourtant, une voie demeure : investir dans ce que la Charte nationale pour la paix et la réconciliation nationale appelle l’humanitude, c’est-à-dire la capacité à reconnaître l’autre dans sa dignité, son altérité et sa valeur inaliénable. Selon des acteurs de la place, y compris ceux ayant participé à l’élaboration de la Charte, il faut sensibiliser la population pour l’amener à appliquer cette humanitude.
Secoué depuis des décennies par une profonde crise, qui a effrité les liens entre ses fils, et engagé dans un processus de Refondation et de réconciliation, le Mali s’est doté d’une Charte nationale pour la paix et la réconciliation. Selon les autorités, « plus qu’un texte, la Charte se veut une boussole » pour apaiser les cœurs, panser les blessures afin de réconcilier et unifier les Maliens. Qui de mieux que le retour à la source, aux valeurs culturelles pour le faire.
Pour le Dr Bréma Ely Dicko, membre de la Commission d’élaboration de la Charte, l’humanitude, définie dans l’article 9, est une valeur cardinale du vivre ensemble au Mali, qui met en exergue le fait qu’un Malien ne doit pas exister en contradiction avec l’autre. Selon lui, c’est une manière de construire la société face aux divisions du passé. « Nous avons le droit d’exister en tant qu’individus, tout en soulignant notre appartenance à une famille, à un groupe ethnique, à une communauté religieuse... ». Selon le Dr Bréma Ely Dicko, la sociabilité au Mali et la question de la solidarité sont caractérisées par l’humanitude, « qui transcende l’âge, l’origine sociale, l’ethnie, le statut et la religion. Cela se manifeste par des signes très simples tels que le respect de l’autre, la salutation et un sourire. Ces valeurs permettent à la société de bien se porter ».
Des propos soutenus par Bakary Koné du Réseau des Communicateurs Traditionnels pour le Développement du Mali (RECOTRADE) qui reprend que nos valeurs partagées dans la Charte nationale pour la paix et la réconciliation nationale, notamment l’humanitude, ont toujours été des moyens les plus adéquats pour la réconciliation, la paix, la cohésion sociale et le vivre ensemble.
Comment appliquer cette valeur dans la vie quotidienne ?
Selon le Dr Bréma Ely Dicko, l’humanitude ainsi que les autres valeurs citées dans l’article 9 de la Charte, sont utilisées au quotidien par certaines personnes. Aussi, pour mieux les vulgariser et pratiquer, il propose la sensibilisation de l’ensemble des Maliens sur leur importance en vue de les valoriser pour renforcer le vivre ensemble. Oumar Khorkhose également du RECOTRADE-Mali, abonde dans le même sens. Pour lui, il faut mettre à contribution les garants de la tradition, notamment les communicateurs traditionnels, singulièrement les griots, pour rappeler ces valeurs. « Il faut revenir aux sources, sensibiliser les parents sur leur origine, leurs valeurs et identité culturelle afin que les jeunes générations en soient imprégnées », dit-il.
Une démarche approuvée par Bakary Koné pour qui, « c'est à travers des valeurs, comme les contes, devinettes, que nos aînés nous donnaient des leçons de morale pour servir de repères dans ce monde. Des valeurs, comme le sinankunya ou cousinage à plaisanterie, sont des héritages inestimables de notre société. Elles constituent un formidable moyen de médiation sociale, participant aux mécanismes traditionnels vivants de résolution des conflits à toutes les échelles ».
Mme Kontéin Marie Thérèse Dansoko, Universitaire et membre de la Commission d’élaboration de la Charte nationale pour la paix et la réconciliation nationale, pour sa part, soutient que l’article 9 de la Charte portant sur les valeurs partagées dont l’humanitude, a été largement discuté et convenu comme pertinent pour le maintien de l’unité et la cohésion entre les Maliens pour avoir fait l’unanimité au sein des différentes aires culturelles du Mali.
Khadydiatou SANOGO/maliweb.net
Ce reportage est publié avec le soutien de Journalistes pour les Droits Humains( JDH) au Mali et NED
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