L’Honorable Zoumana N’Tji Doumbia parle de sa friction avec le président de la CDS-Mogotiguiya : “Je ne pense pas que mon grand-frère sera candidat aux législatives, comme il le fait croire”

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L’Honorable Zoumana N’Tji DOUMBIA est un jeune député, élu dans la circonscription électorale de Bougouni sous la bannière de la Convention Démocratique et Sociale (CDS). Natif de ladite circonscription, il y a fait ses études primaires et secondaires. Il obtint son diplôme de fin de cycle à l’Ecole Nationale d’Administration (ENA) de Bamako à l’âge de 22 ans. Un an plus tard, il passa au concours de la fonction publique comme commissaire-priseur. Il fut membre du conseil économique social et culturel (2e secrétaire du bureau) jusqu’à son élection aux législatives en 2013 dans la circonscription de Bougouni. L’Honorable DOUMBIA est aujourd’hui le président de la commission lois de l’Assemblée nationale du Mali. Dans un entretien à bâton rompu, l’élu de Bougouni nous parle de la bisbille entre lui et son ancien mentor, Mamadou Bakary Sangaré dit Blaise, président de la CDS, du rôle du député, de sa candidature aux prochaines élections législatives face au “Môgôtigui”, entre autres. Suivons notre entretien.

Le Rayon : Vous êtes député élu dans la circonscription électorale de Bougouni sous les couleurs de la CDS, quels sont vos liens avec ce parti tant sur le plan local que national ?

Honorable Zoumana N’Tji DOUMBIA : Je vous remercie pour l’opportunité que vous m’offrez pour m’exprimer dans le but de partager des informations sur les activités de l’Assemblée Nationale du Mali et de celles de ma circonscription pour laquelle je suis ici aujourd’hui. C’est ce qui d’ailleurs est demandé et souhaité. Cela fait partie de nos devoirs à l’endroit de la population. J’en suis très ravi et je vous encourage pour vos sacrifices.

Tout d’abord je salue la population de la circonscription de Bougouni, les membres des partis politiques. J’ai été choisi parmi les candidats de 11 partis politiques lors des législatives de 2013 et j’étais le plus jeune. Cela n’est pas donné à tout le monde; je profite pour les remercier pour la confiance qu’ils ont placée en ma modeste personne. Et, j’espère ne pas la trahir.

Pour revenir à votre question, tout va bien entre la CDS et moi. D’ailleurs mes salutations vont à l’endroit des militants de la CDS, en particulier son président, mon grand frère Blaise SANGARE qui m’a appris beaucoup de choses. J’ai beaucoup de respect et de considération pour sa personne.

Vous savez, on est des humains et nul n’est parfait dans ce monde. Souvent les idées peuvent converger ou diverger et chacun croit en ce qu’il pense et selon ses objectifs de la vie. Moi, je crois en Dieu. De ce fait j’attribue tout ce qui se passe aujourd’hui à la volonté du Tout Puissant. Je n’ai aucun reproche à faire aux militants de la CDS avec lesquels j’ai passé des moments. C’est le président du parti, Blaise SANGARE qui a décidé de la situation qui sévit actuellement, même s’il ne m’en a pas parlé en personne jusque maintenant. Il n’y a eu aucun entretien entre lui et moi en ce qui concerne l’avenir du parti dans la circonscription de Bougouni. Encore une fois de plus, il n’y a eu aucun malentendu entre les militants du parti CDS et moi.

Concrètement, quel est le rôle d’un député ?

Je vous remercie pour cette question compte tenu de son importance. Elle me rappelle les moments des campagnes où beaucoup de nos concitoyens attribuent beaucoup de rôles aux députés.

Selon la constitution du Mali, les rôles essentiels attribués à un député sont entre autres : la proposition et l’adoption des lois et le contrôle de l’action gouvernemental. Un député ne construit pas de route, de salles de classes, de ponts, de marchés ou de centres de santé. Mais un député peut faciliter des actions en fonction des besoins et des doléances des populations (la construction des routes, des écoles…) à travers les plaidoyers auprès du gouvernement et des partenaires techniques et financiers. Il peut également interpeller le gouvernement sur des situations préoccupant des populations en lien avec le programme gouvernemental. Chaque année, le député vote le budget national. Il est appelé à suivre la gestion de ce budget. L’Assemblée est constituée de plusieurs commissions de travail avec des départements ministériels. Chacune des commissions peut entreprendre des actions de suivi des activités des départements qui lui est attribué. Connaissant la programmation budgétaire, un député sachant les actions devant être entreprises dans sa circonscription, peut facilement contrôler toutes activités le concernant. Tous les aspects que je viens de citer sont inscrits dans le règlement intérieur de l’Assemblée. Les lois proposées par le gouvernement sont plus nombreuses que celles proposées par les députés. La mise en place et la mise en œuvre d’une loi nécessite obligatoirement des ressources financières. Même si un député propose une loi, il faut qu’il définisse la source de financement. Les membres du gouvernement disposent beaucoup de moyens pour ce genre d’exercice. Un ministre peut disposer de plus d’une soixantaine de personnes pour l’aider à bien travailler. Mais vous vous apercevez de mes conditions de travail ici à l’Assemblée National. Ce bureau est-il digne d’un président de commission ? (ndlr : Couloir aménagé en bureau). Bref toute nouvelle loi a une incidence financière sur le budget. Voici en quelques mots les raisons qui font que le député est très limité dans les propositions de lois.

D’après nos informations, vous bénéficiez d’un soutien notable d’associations et de groupements de femmes et de jeunes à Bougouni. Quel bilan peut-on tirer de votre mandat à l’hémicycle et sur le plan local ?

En ce qui concerne mon bilan durant ce mandat, cette question est un peu complexe en ce sens que cette appréciation est mieux venant des populations de ma circonscription. On ne peut être apprécié que par les autres. Mais si j’ai une bonne mémoire, au moment de mon élection à l’Assemblée Nationale, j’ai tenu un certain nombre de promesses aux populations de Bougouni, qui sont :

–          Ne voter aucune loi qui va à l’encontre de nos mœurs et coutumes ;

–          Rendre compte des résolutions prises par l’Assemblée Nationale aux populations de ma circonscription de façon périodique ;

–          Veiller à une cohésion sociale et à l’entente entre les filles et fils de la circonscription de Bougouni ;

–          Veiller au respect des droits de l’homme ;

–          Apporter mon soutien indéfectible au développement de nos communes dans le cadre de la décentralisation.

Je pense avoir honoré ces promesses. J’ai rapporté à qui de droit et au bon moment tous les problèmes auxquels les populations de Bougouni sont confrontées et qu’ils m’ont rapportés. Je profite de votre micro pour remercier le Président de la République, son Excellence Ibrahim Boubacar KEITA, qui a vraiment le souci de notre grande nation, le Mali. Grace à lui et à son gouvernement, l’un des soucis majeurs de Bougouni, qui est son érection en région, est effectif avec la nomination du gouverneur. La construction de la route de Manankoro-frontière Côte d’Ivoire est en cours (avec la finalisation des études, ensuite vient la recherche de financement). En ce qui concerne l’éducation, beaucoup d’actions ont été entreprises et continuent d’ailleurs afin d’améliorer l’accès à l’éducation pour tous dans notre localité. Pour ce qui est de la sécurisation par les forces de l’ordre et de  défense, nous avons également fait beaucoup de choses dans ce sens. Il est même prévu la réalisation d’un camp militaire à Bougouni dans les jours à venir. Je tiens à signaler toutes ces actions que je viens de citer ne pourraient être réalisées sans la contribution de la population de Bougouni. Seul, je ne peux rien. C’est avec l’union sacrée de toutes et de tous qu’un développement harmonieux peut voir le jour.

D’après les explications que vous venez d’avancer, allez-vous faire comme certains mécontents, c’est-à-dire virer dans l’opposition ou créer votre propre parti politique ?

Je tiens à signaler qu’il n’y a pas de problème entre les militants du parti CDS et moi. Jusqu’à preuve du contraire, le président du parti ne m’a pas signifié ce que j’ai fait qui va à l’encontre du règlement du parti ou encore ce que j’ai fait aux militants du parti. Il m’a dit tout simplement que je ne serai pas le candidat du parti pour les législatives à venir. Selon lui, le prochain candidat serait lui-même. Je ne vois rien de mal en cela, étant donné que son parti lui appartient et il fait ce qui lui semble bon. Il y a eu des tractations de la part des militants depuis la ville de Bougouni jusque dans son village natal. Mais il est resté sur sa décision. Bref, je n’ai pas démissionné mais j’ai été remercié pour le service rendu sans autre forme de procès, juste parce que le président du parti est candidat.

Pour rappel, je ne faisais pas de la politique. Je me consacrais uniquement à mon travail de juriste. J’ai été sollicité par la population afin d’apporter ma contribution à la construction de l’édifice local. Compte tenu de la confiance que mes pairs m’ont accordée, j’ai accepté et je me suis investi corps et âme pour ce parti. J’ai fait ce que je pouvais pour la CDS sur le plan financier, humain, matériel. Jusqu’à l’heure où nous sommes, mon grand frère ne m’a rien dit. Les militants m’ont beaucoup soutenu tout en me souhaitant un avenir meilleur avec un autre parti politique. Vraiment, ce jour restera graver dans ma mémoire, j’ai pleuré tellement je n’en croyais pas. Dans la même foulée, j’ai été approché par le RPM pour que je sois leur candidat aux législatives prochaines. Je suis avec Bakary TOGOLA sur la même liste. Pour le moment, je n’ai pas d’ambition pour la création d’un parti politique.

Parlez-nous de vos relations avec les autres députés de l’opposition politique ?

Les relations sont très bonnes. Je n’ai de souci avec quiconque. La majorité et l’opposition peuvent travailler en parfaite harmonie. Nous avons tous les mêmes ambitions, les mêmes volontés, c’est-à-dire le développement de notre chère Nation, le Mali. Il arrive souvent que les idées divergent. Je ne pense pas qu’il y ait un député soit de la majorité ou de l’opposition qui veuille de mal pour notre pays. D’ailleurs le groupe parlement dans lequel j’ai été élu ici à l’Assemblée Nationale, il y avait deux députés de l’opposition. Mon rapporteur était de l’opposition. C’est pour dire qu je suis en parfaite entente avec tout le monde et même dans les autres institutions avec lesquelles j’ai eu à travailler.

Le mois passé, les élus de la nation dans leur écrasante majorité ont voté la loi sur la prorogation de leur mandat. Pensez-vous que cette prorogation respecte les normes constitutionnelles ?

Vous savez que la mise en œuvre de notre constitution reste une question d’humeur. Certains l’interprètent selon leurs aspirations tout en faisant semblant d’ignorer ce qu’elle dit par rapport à tel ou tel article ou disposition. En matière de législation, la Cour constitutionnelle reste le dernier recours. En ce qui concerne la prorogation du mandat des députés, il s’agit d’apporter une solution à laquelle notre pays serait confronté. De ce fait avec l’arrivée à terme du mandat des députés en fin décembre 2018, il y aura un vide constitutionnel. Le gouvernement a donc saisi la cour constitutionnelle pour la prorogation de ce mandat pour une durée de 06 mois afin de respecter les dispositions prévues par les lois en vigueur de notre constitutionnelle c’est-à-dire leur adoption par les députés. Donc si les députés ne sont pas présents, qui va adopter ces différents projets de loi ? Que les maliens comprennent que ces dispositions n’ont été prises afin de permettre aux députés de rester aussi longtemps à l’hémicycle, mais c’est pour faire face à certaines réalités de l’heure.Alors je ne pense qu’il y a un problème par rapport à cette prorogation. Si tel était le cas, la cour constitutionnelle ne l’aurait pas autorisée. En plus je ne pense que les députés (majorité comme opposition) allaient adopter cette loi. Les chiffres parlent d’eux-mêmes.

Vous êtes candidat aux prochaines échéances électorales (législatives) à Bougouni. Avez-vous les moyens de vos ambitions ?

Effectivement, je suis candidat, sous la bannière du parti RPM. Je suis en lice avec Bakary TOGOLA. On ne choisit pas d’être candidat mais on est choisi par les militants à la base. On ne devient pas député par décret de nomination. Je suis confiant et je crois à nos militants. S’il  plait au bon Dieu, je pense pouvoir être élu. Je tiens à signaler à certains qu’en matière de politique, ton parti politique peut t’appartenir mais pas l’électorat. J’ai été choisi par les militants du parti avec lequel j’ai été précédemment élu député. Ces mêmes militants m’ont accompagné dans mon parti actuel après avoir été évincé par le responsable de l’ancien. Donc je compte sur ces militants pour les échéances à venir. C’est Dieu qui est grand et c’est lui qui décide de tout. Nous nous remettons à la volonté divine.

Je ne pense que mon grand-frère (NDLR : Blaise SANAGRE) sera candidat, comme il le fait croire. Mais mon souhait est qu’il le soit. Ce sera une nouvelle expérience pour moi. Car, j’apprendrai plus. Je me remets au bon Dieu, à son prophète Mahomed (PSL) et aux populations de Bougouni. Que le meilleur gagne !

Notre pays vit une crise multi dimensionnelle sans précédent, quel appel avez-vous à lancer au peuple malien pour une cohésion des cœurs et des esprits ?

Je demande l’union sacrée autour de notre héritage commun qu’est le Mali. Nous sommes une vieille Nation. Dans la diversion, rien de solide et de durable ne peut se réaliser. Si le bateau Mali chavire aujourd’hui, nous en pâtirons tous. Que Dieu, dans sa mansuétude et dans sa magnanimité sauvegarde notre pays. Je profite également de vos lignes pour souhaiter une très bonne et joyeuse année 2019 à vous et à tous les maliens.

Qu’ALLAH bénisse le Mali !!

Propos recueilli par IKC

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